dimanche 13 novembre 2011

Catherine Deneuve, belle comme le jour








Si en France tout commence et tout finit par des chansons, notre pays n’a pas toujours brillé en matière de comédies musicales ; si beaucoup furent produites dans les années 30 à 50, il s’agissait souvent de films à petit budget, de qualité discutable, destinés à mettre en valeur des chanteurs populaires. Le cinéaste Jacques Demy est parvenu à donner ses lettres de noblesse au film musical français en créant des oeuvres exquises d’une grande originalité. Sa muse était l’actrice favorite des français, la blonde Catherine Deneuve qui traverse avec une constance remarquable dans le succès le monde du cinéma depuis plus de 50 ans ! Même si elle était souvent doublée vocalement dans ses films les plus connus et que sa carrière d’une grande diversité a embrassé tous genres, un coup de chapeau à la reine du cinéma français s’imposait.

Catherine Deneuve a toute petite baigné dans le monde du 7ème art : c’est sans doute pour cette raison qu’elle n’était pas à l’origine particulièrement fascinée par ce milieu et qu’elle y a fait ses débuts sans grand enthousiasme. Née en 1943, elle est en effet la fille de Renée Simonot, une actrice qui vient de fêter ses 100 ans en septembre dernier, qui a notamment beaucoup doublé en français de célèbres actrices américaines comme Olivia de Havilland ou Judy Garland. Son père, directeur de doublage à la Paramount, prêtait quant à lui la voix française d’Alan Ladd !
Aussi, la fillette s’est elle amusée elle aussi à doubler des enfants dans des films pour de l’argent de poche tout comme sa sœur Françoise Dorléac. C’est avec la bénédiction de son papa, que la lycéenne débute dans les collégiennes en 1957, puis les portes claquent en 1960.
Alors que sa sœur Françoise, vive et talentueuse, accède très vite à la notoriété, la jeune Catherine trouve quelques rôles sans grande conviction dans des comédies légères comme les parisiennes où Johnny Hallyday lui fredonne son tube « retiens la nuit ».
C’est une comédie musicale 100% chantée et enchantée qui va changer sa vie en 1964 : les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy . Bâti sur de magnifiques mélodies de Michel Legrand, le film est particulièrement novateur dans sa conception et d’un goût exquis : quand à Deneuve, elle apporte sa grâce, sa réserve, son émotion et sa distinction à son personnage et la voix éthérée de Danielle Licari lui va comme un gant. Ce film lui vaudra non seulement de connaître une gloire intense et internationale, mais également de prendre conscience de la passion qu’elle éprouve enfin pour son métier.
Une profession qu’elle va désormais exercer avec une rigueur extrême en ne reculant devant aucun choix audacieux pour explorer les univers les plus contrastés des réalisateurs les plus prestigieux de cette époque : Polanski (Répulsion), Varda (les créatures), Buñuel (belle de jour), Truffaut (la sirène du Mississipi) réclament tour à tour Deneuve, sa beauté froide et insondable et son mystère.
Si certains spectateurs sont peu sensibles à son détachement et son coté glacial qu’ils jugent hautain et déplaisant, lui préférant par exemple sa grande concurrente des années 70, Romy Schneider qui s’impliquait beaucoup plus émotionnellement dans ses rôles, au rique de s’y perdre, le masque superbe et parfois tranquille de Catherine Deneuve cache en réalité beaucoup de violence et la dureté d’un diamant, qui la rendent fascinante dans ses meilleurs prestations..
A la fin des années 60, elle a supplanté Brigitte Bardot dans le peloton de tête des actrices françaises les plus populaires, ce qui lui a valu de très vite d’alléchantes propositions pour Hollywood où elle n’a tourné pourtant qu’un film assez décevant avec Jack Lemmon (folies d’avril en 1968). Un projet de film d’espionnage avec Hitchcock, qui se déclarait très intéressé par la française, n’aboutira pas, à son grand regret.
Catherine Deneuve n’oubliera jamais que c’est Jacques Demy et la comédie musicale qui ont fait d’elle une aussi grande vedette, et elle reviendra à plusieurs reprises à ses premières amours. Les demoiselles de Rochefort (1966) est un vibrant et euphorisant hommage à la comédie musicale où Catherine forme un savoureux duo avec sa sœur Françoise (un petit clin d’œil à Marilyn et Jane Russell des hommes préfèrent les blondes) dont les superbes chansons de Michel Legrand sont encore dans les mémoires notamment les sœurs jumelles (pour l’occasion, Catherine est doublée par Anne Germain). J’ai une tendresse particulière pour Peau d’Ane (encore un gros succès commercial) de Demy, que j’ai découvert enfant, et dont la magie n’a jamais cessé de m’enchanter lors de ses nombreuses rediffusions à l’écran. Soucieuse, dans sa robe couleur de lune, ou réfugiée dans sa chaumière pour confectionner un cake d’amour, Catherine Deneuve trouve là encore un superbe rôle à la mesure de son charme distant.
Ce n’est pas un hasard si dans le seul film qu’elle ait jamais produit Zig Zig de Laslo Zsabo (en 1974) comporte plusieurs chansons (dont un duo avec Bernadette Laffont) et se déroule dans l’univers des cabarets. Catherine Deneuve déclarera que chanter est « un plaisir extraordinaire par rapport au métier d'actrice, où l’on dépend de tellement de gens. La chanson, c'est physique, c'est direct. » Le film, sordide et loufoque, sera pourtant un échec cuisant.

Si la carrière de Catherine Deneuve a de quoi faire bien des envieux, sa vie privée est plus chaotique : des liaisons passionnées avec Roger Vadim, l’ex mentor de Bardot, Marcello Mastroianni, François Truffaut ou Pierre Lescure et des drames comme le décès de sa sœur Françoise en 1967 qui vont profondément la marquer.
En 1980, elle interprète en duo avec Serge Gainsbourg la chanson « Dieu était fumeur de gitanes » dans le film de Claude Berri « Je vous aime » : le meilleur moment du film et un joli petit succès commercial. Son mince filet de voix n’est pas dépourvu de charme et en tous les cas, et est bien plus agréable à coté que celui de Mireille Darc ou Bambou , autres interprètes occasionnelles de Gainsbarre. Dans la foulée, elle enregistrera un 33T entier avec le célèbre auteur…un disque un peu bâclé comme elle le reconnaît de bonne grâce.
Cette année marque sûrement l’apogée de sa carrière avec un césar de la meilleure comédienne pour le très populaire Dernier métro de Truffaut où elle incarne une actrice de théâtre qui cache son mari juif. Pour d’autres c’est 13 ans plus tard dans Indochine, que Catherine Deneuve a trouvé son meilleur rôle en propriétaire de plantation, qui lui vaudra même une première nomination à l'Oscar de la meilleure actrice : certains spectateurs l’ont trouvé plus touchante et plus humaine dans ce personnage.
En effet, avec son image de femme glaciale et austère, brûlant d’un feu intérieur, le risque était grand pour la star aux près de 50 ans de carrière de finir statufiée et prisonnière de l’icône qu’elle est devenue : aussi, avec une remarquable intelligence, l’actrice n’hésite pas à se parodier elle-même dans de nombreuses comédies récentes (comme par exemple dans Belle maman une comédie déjantée de Gabriel Aghion où elle chante un rap de Stomy Bugsy !) et à aborder des roles les plus fous : tour à tour femme-cougar, alcoolique, vampire, complètement déjantée, avec une joyeux sens de la dérision et de la provocation.
En 2002, 8 femmes de François Ozon devint le plus grand succès de sa carrière : une sorte de cluédo musical garni de chansons (la comédie musicale est décidément le genre qui lui porte chance…). Elle y reprend une chanson de Sylvie Vartan « toi jamais ».
Cette année, Catherine a retrouvé sa fille Chiara Mastroanni sur le plateau de « Les Biens aimés », une chronique mais réussie sur les tourments de la passion qui s’étire des années 60 à aujourd’hui, sur des morceaux composés par Alex Beaupain : du cinéma en-chanté, un peu affecté, dans la grande tradition des Demy : qui s’en plaindra ?
Catherine Deneuve, 50 ans après ses premiers succès , demeure encore une des comédiennes préférées des français (elle est classée dixième),et n’a pas dit son dernier mot…ni sa dernière chanson !

mercredi 9 novembre 2011

Mina, héroïne d'Almodovar??



La vie de Mina, superstar de la chanson italienne depuis plus de 50 ans, devrait faire l’objet d’un film réalisé par Pedro Almodovar en 2012. Si le projet figure encore sur le site IMDB, il semble que le fameux réalisateur a d’autres idées pour le moment (dont un film américain) et que cela ne soit pas une priorité, même s’il a reconnu aimer beaucoup la chanteuse (dont il a souvent utilisé les tubes comme le fameux un anno d’amore dans le film Talons aiguilles)


A la lecture des quelques entrefilets parus sur la toile à ce sujet on se rend compte à quel point la chanteuse reste assez méconnue en France. En effet, elle est bien plus qu’ « une chanteuse yéyé des années 60». Son répertoire qui a embrassé aussi bien le blues, que la variété, le rock, les ritournelles napolitaines ou les cantiques est d’une diversité surprenante, et sa longévité artistique extraordinaire. Son succès ne s’est jamais démenti en Italie où elle classe au top 5, chacun de ses nouveaux disques depuis plus de 30 ans : le dernier Caramela (incluant un duo avec le chanteur Rn’B Seal, en fait une reprise d’une chanson de Nolwenn Leroy) est resté classé 35 semaines dans les charts et a culminé à la troisième place en automne 2010.


Le monstre sacré de la chanson italienne dont l’excentricité (des pochettes de disques incroyables qui pourraient inspirer Lady Gaga), la versatilité et l’inclassable talent lui ont valu des hommages d’artistes aussi grands et différents que Louis Armstrong (qui la considérait comme la plus grande chanteuse blanche), Liza Minnelli, Pavarotti, Maria Callas et même Michael Jackson (d’après les confidences de Quincy Jones) continue d'empiler les succès (une reprise disco de can't take my eyes off you , utilisée pour une pub pour la fiat Panda, avait connu un succès mondial).

Le rôle de Mina reviendrait à Marisa Paredes. Si jamais le projet finit par se concrétiser, gageons que la notoriété et le talent du metteur en scène contribueront à faire mieux connaître chez nous cette artiste toujours aussi populaire (et le mot est faible) dans son pays et en Espagne.

dimanche 6 novembre 2011

Imane, princesse du cinéma oriental













Jolie comme un cœur, la douce Imane au regard tendre fut sans doute l’une des vedettes féminines les plus populaires de l’âge d’or du cinéma égyptien. Partenaire des plus illustres chanteurs du moyen orient comme Farid El Atrache ou Abdel Halim Hafez, la ravissante comédienne s’est pourtant illustrée autant par sa beauté que par ses talents d’actrice. Au faite de sa gloire, elle a quitté l’écran sans regret pour se marier et mener une vie de famille en Allemagne. Ceci explique sans doute pourquoi l’artiste est si rarement évoquée dans les livres sur le cinéma et même sur Internet : je vous défie de trouver des articles la concernant !
Aussi méritait-elle doublement une page de choix parmi les figures de ce blog, d’autant plus que les amateurs de films populaires égyptiens ne l’ont pas oubliée !

Née au milieu des années 30 en Egypte, Imane a gravi toute jeune les échelons de la notoriété dans les studios Misr. Dès 1955, son rôle de gentille fiancée du fabuleux chanteur Abdel Halim Hafez, la nouvelle coqueluche du public, dans Nuit et jour dans Nuit et Jour a fait d’elle une vedette : un joli film sur la jeunesse, avec des teenagers en vespa et une belle insouciance (avant que les frasques du demi-frère du héros ne viennent tout compromettre). Comment oublie la belle sérénade (ana lak ala too)qu'Abdel Halim lui fredonne comme un troubadour alors qu'elle l'écoute, séduite, au balcon? un joli reflet du cinéma romantique et pur d'autrefois. La fraicheur de la jeune actrice, son sourire charmant lui ont d’emblée valu une place de choix parmi les jeunes filles sages de l’écran entre Chadia et Magda ; Le roman de mon amour (1955) est un mélo majuscule comme on n’en fait plus. Imane y est fiancée à un chanteur célèbre (incarné par le fameux Farid El Atrache). Mais le souverain de l’endroit est aussi épris de la belle, et Farid devra non seulement renoncer à sa belle mais chanter à ses fiançailles avec le roi, par-dessus le marché : il en tombera malade de chagrin, tout en nous livrant au passage quelques chansons très émouvantes.
Abonnée aux comédies musicales (un genre très fructueux à l’époque), Imane est une sage élève aimée d’un prof de musique timide dans « ils m’ont enseigné l’amour « . Ce dernier n’est joué par Saad Abdel Wahab, le neveu de Mohamed, une des premières stars de la chanson arabe du 20ème siècle : bon chanteur mais piètre acteur.
Mais on la distribue aussi dans des films moins légers comme le polar tueurs à gage(57) avec Farid Shawki, en courtier en assurances qui oblige ses clients à souscrire des assurances vie…avant de les assassiner : il parait que l’intrigue était inspirée par des faits réels !
Dans je suis innocente (1960), un mélo policier aussi bavard que médiocre, elle quitte son mari, qu’elle croit mort, pour un cousin dragueur et infidèle.
Enfin, dans un cœur dans la nuit (60), un mélo moralisateur illustré de pages musicales empruntées aux gros succès américains du genre (three coins in the fountain, écrit sur du vent), comme cela était souvent le cas à l’époque , entre roman photo et drame ; Imane n’est plus la jeune fille candide des débuts mais une arriviste qui épouse un homme fortuné pour son argent et le trompe avec son ancien fiancé : la pècheresse perdra l’usage de ses jambes dans un accident de voiture .
Au passage, on notera combien la jolie Imane était soignée par le chef opérateur qui cherchait à la mettre en valeur dans chaque gros plan comme les stars d’Hollywood du moment.
Dans la chanson du bonheur (60), c’est à une autre très grande voix qu’Imane donne la réplique : le regretté Muharam Fouad (lui aussi bien meilleur chanteur que comédien) : un loukoum à l’eau de rose des plus désuets, heureusement rattrapé par de forts jolies chansons. On préférera le rythme endiablé et la jovialité de la comédie « l’amour, l’amour » où la douce Imane offre un charmant contraste avec la capiteuse Hind Rostom, la Marilyn arabe, qui nous a quitté il y a peu.
En 1961, Imane joue la femme d’un champion porté disparu dans un accident d’avion ; le croyant mort, elle se remarie…avant qu’il ne ressurgisse : un sujet souvent traité aux USA, comme vous le constaterez.
Voila, la carrière de la belle brunette s’achève là, après son mariage avec Max Scher , un très riche industriel d’origine autrichienne, avec lequel la belle ira s’installer en Allemagne.
Cendrillon avait trouvé son prince charmant, comme dans certains des films musicaux auxquels elle s’était prêtée de bonne grâce : la fiction avait fini par rejoindre la réalité !

En 2002, Imane a reçu une récompense au 26ème festival du Caire pour sa carrière cinématographique. Elle fut à cette occasion reçue en grandes pompes par l’ambassadeur d’Autriche en Egypte. Un hommage bien mérité à une star heureuse et lumineuse qui n’a rien perdu de sa beauté.