jeudi 2 juin 2011

Jeannette Batti, espiègle trottin





Pétulante et vive, la blonde et pulpeuse Jeannette Batti disposait d’un abattage certain et d'un joli sens de la répartie qui auraient pu faire d’elle une seconde Arletty. Hélas, la qualité souvent indigente des farces plus ou moins musicales dans lesquelles elle s’est galvaudée à l’écran seule ou avec son mari le chanteur Henri Genès, l’ont empêchée de faire beaucoup d’étincelles. L’actrice qui admirait tant Jean Arthur, s’est donc contentée de jouer les Martha Raye hexagonales, avec sa jovialité coutumière. Ce qui ne fut pas suffisant pour laisser une trace durable dans l’histoire du cinéma !

Née en 1921 à Marseille, Jeannette Batti a d’abord paru comme simple figurante dans de nombreux films à partir de 1939. Mais c’est sur scène que les planches, que l’actrice va se faire remarquer
En 1948, elle remporte un très gros succès à Bobino (11 représentations par semaine !) dans une opérette de Francis Lopez « 4 jours à Paris » (d’où est tirée la samba brésilienne) aux cotés d’Andrex et d’Henri Génès. Ce dernier, comédien jovial à la faconde toute marseillaise, va devenir son mari, et également son comparse dans de nombreuses comédies de boulevard, opérettes et films de qualité très discutable.
Avec sa voix acide, ses formes rondelettes et ses jolies jambes (les plus belles de Paris selon certains), Jeannette Batti se remarque dans les films où elle paraît même si ces rôles sont souvent secondaires : prostituée dans Macadam, ou bonne copine dans l’Eternel conflit, c’est la parigote par excellence (malgré ses origines provençales !), effrontée et dynamique. Au théâtre, elle est abonnée aux rôles de bonne un peu vulgaire (Pantoufle au théâtre des Capucines).
On raconte que cette actrice de tempérament regrettait de ne pas trouver de vrai rôle intéressant. Il faut dire que la pauvre n’a pas été gâtée, en tournant avec les réalisateurs les plus nuls du moment dans des farces stupides et creuses, difficiles à défendre. Notamment ce Voyage à trois (1950) assez racoleur, qui ressemble plus à un prétexte pour exhiber une cohorte de jolies filles nues (et un sein de Jeannette itou) ou encore la petite chocolatière (1950), un breuvage qui sent le réchauffé selon l’Ecran français.
On préfèrera de loin Nous irons à Monte Carlo, bien sympathique musical de l’orchestre de Ray Ventura, où Miss Jeannette se retrouve avec un bébé encombrant sur les bras (celui de la débutante Audrey Hepburn) qui va vite être adopté par les différents membres de la formation. Un bon divertissement sans prétention, où elle se chamaille gentiment avec son cher Henri Génès ; on retrouve le couple dans une série de comédies musicales à très petit budget comme Soirs de Paris, destinée à mettre en valeur des spectacles de cabaret et de revue, et de fort jolies figurantes. Des films souvent creux et réalisés sans la moindre once de talent, qui reflètent une certaine idée de Paris, et qui sont davantage destinés à l’exploitation dans les villages et à l’étranger. Pas grand-chose non plus à sauver dans les remakes d’opérettes marseillaises comme trois de la canebière, ou trois de la marine, car les chansons si connues sont souvent réduites en fond sonore et les ballets bien mal filmés ; quant à l’auberge fleurie (1954) destinée à mettre en valeur le ténor Rudy Hirigoyen : malgré la glorieuse voix du chanteur, c’est une adresse à fuir !
Miraculeusement, parmi tous ces nanards, des « carottes sont cuites » au « coup dur chez les mous » ce situe un classique du cinéma la Traversée de Paris de Claude Autant Lara, où elle tient le rôle de l’épouse de Bourvil et donne la réplique à Gabin : un attaque corrosive sur le marché noir pendant l’occupation et de loin le film le plus prestigieux de sa carrière.

Alors qu’Henri Génès connaît quelques gros succès dans le monde de la variété et du disque (la tantina de Burgos 1956, le facteur de Santa Cruz 1957), Jeannette enregistre aussi quelques titres (dont une chanson d’Aznavour) mais avec bien moins de succès. Elle grave aussi sur la cire quelques airs gouailleurs de l’opérette Coquin de printemps (1958) qu’elle joue au théâtre avec son mari puis Fernand Sardou.
Au cours des années 60 et 70, tout en poursuivant les opérettes avec son mari , des spectacles d’une qualité toujours décroissante de Francis Lopez, Jeannette parait à l’occasion dans un médiocre western allemand , une sorte de copie des gendarmes de St-Tropez avec Sim (Henri Génès ne s’est il pas compromis dans le facteur de St Tropez- dont l’affiche précisait que « le gendarme est son meilleur copain » ?) ou encoure Touche pas à mon biniou : Tout est dans le titre.
Elle figure aussi dans la version télévisée de l’opérette A la Jamaïque (1980) avec José Villamor et Maria Candido.
En 1981, on reconnaît brièvement Jeannette Batti lors du banquet donné dans la comédie culte le Père Noël est une ordure. C’est donc sur l’un des plus gros succès du cinéma comique français de ces trente dernières années, que l’actrice a tiré sa petite révérence. Elle vient de nous quitter début 2011 dans une totale discrétion six ans à peine après le décès de son cher Henri Génès.

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