mercredi 28 décembre 2011

Virginia Bruce, blonde sophistiquée du cinéma d'antan



Blonde sophistiquée au doux regard rêveur, la jolie Virginia Bruce n’a sans doute pas eu la carrière qu’elle méritait. Sans grande ambition pour se faire valoir, un peu trop directe, la glamoureuse actrice n’a brillé que quelques années à la MGM à la fin des années 30. Cependant la rediffusion de ses films sur certaines chaînes de télévision spécialisées a permis a beaucoup de découvrir cette élégante actrice au charme calme et aux traits graciles que Cole Porter avait en très haute estime et qui a joué dans quelques comédies musicales marquantes en noir et blanc. Une récente biographie, fort bien écrite, permet à nouveau de découvrir et de comprendre la trajectoire de cette beauté d’autrefois.

Née à Minneapolis en 1910, Virginia Bruce a débuté par hasard au cinéma alors que cet univers ne l’avait jamais fascinée. En vacances en Californie avec ses parents, elle a croisé lors d’un repas le cinéaste William Beaudine, qui lui a proposé un bout d’essai à la Paramount. Au tout début du cinéma parlant, la jolie blonde va ainsi faire un peu de figuration dans quelques films renommés comme Parade d’amour ou Whoopee, mais sans aucun enthousiasme. Alors qu’elle se voit confier enfin un rôle plus substantiel dans un film d’aventures (les titans du ciel) avec la gloire montante Clark Gable, l’actrice constatera avec amertume que toutes ses scènes ont été coupées au montage ! Remarquée parmi les girls réunies autour d’Eddie Cantor dans Whoopee, la débutante dépitée signe un contrat pour paraître dans les fameuses Ziegfeld follies à New York (Ziegfeld aurait confié à l’occasion qu’il n’avait jamais rencontré une aussi jolie meneuse de revue). Elle va ensuite paraître dans deux revues musicales à Broadway avant de retourner à Hollywood où le producteur Irving Thalberg de la prestigieuse MGM a des projets pour elle : Kongo, un des films les plus racoleurs et audacieux (il y est question de prostitution, inceste, drogue) de l’année 1932, qui horrifiera les ligues de décence (le Code Hays ne sera appliqué qu’à partir de 1934) et Downstairs, un drame écrit par la star du muet John Gilbert sur un chauffeur de taxi ambitieux et sans morale. On raconte que l’ex amant de Greta Garbo tenait tellement à ce que son projet aboutisse, qu’il avait accepté de vendre pour un unique dollar son scénario au studio ! Si le film se révèle, même 80 ans après original et réussi, le personnage central était si détestable et éloigné des créations précédentes de l’acteur, que le succès ne sera pas au rendez-vous. Au moins, permettra- t’il à Virginia de rencontrer Gilbert et de l’épouser. Il semble que l’actrice souhaitait alors se retirer de l’écran pour s’occuper de leur fille, mais le caractère irascible de l’acteur, dont la carrière est en pleine crise, et sa liaison avec Marlène Dietrich vont très vite nuire à leur union. On raconte d’ailleurs que l’ascension de Virginia Bruce et le déclin rapide de Gilbert ont inspiré à Selznick l’idée du film « une étoile est née ». Après son divorce, Virginia retourne à la MGM, où le studio ne semble avoir qu’une confiance très modérée en ses talents : il n’hésite pas à la prêter à la Monogram, une firme sans aucun prestige, qui cherche une interprète pour la première version parlante de Jane Eyre : le film sera tourné en 10 jours avec un budget de misère, mais Virginia en tirera des critiques positives.

En 1935, Virginia joue aux côtés du fameux ténor Lawrence Tibbett dans Metropolitan, le roman d’un chanteur (elle y chante un air de Carmen doublée par une artiste lyrique) , incrane à nouveau une cantatrice (le fameux rossignol suédois Jenny Lind)dans the mighty Barnum et a l’honneur de figurer dans L’Amérique chante qui est considéré comme le plus mauvais film musical de la MGM ; Heureusement, elle se rattrapera l’année suivante en jouant dans les deux films les plus marquant de sa carrière.

Le grand Ziegfeld est une bio un peu lourde du célèbre producteur de revues connu pour ses numéros musicaux volontairement pachydermiques. Virginia qui avait autrefois dansé dans les fameuses follies était tout à fait légitime pour y figurer et chacun se souvient de l’incroyable numéro où elle est juchée en haut d’une immense pièce montée en carton-pâte, avec des danseurs et des girls à tous les niveaux.. ; d’aucuns prétendent que la froide et peu diplomate Virginia n’était guère appréciée de ses collègues et qu’à la fin de la séquence, tout le monde est parti en vitesse, la laissant toute seule au sommet de son gâteau en carton !

En tous les cas, sa prestation fut jugée tout à fait convaincante (et passe beaucoup mieux de nos jours que le jeu outré de Luise Rainer qui fut pourtant récompensée d’un oscar). Dans Broadway Melody of 1936, Virginia est encore plus exquise quand elle courtise James Stewart en lui fredonnant le sublime air de Cole Porter « I’ve got you under my skin ». Pour bien assurer son numéro, la vedette avait pris des cours de chant auprès de Roger Edens : son excellente prestation reçut même l’accolade de Porter, en personne, qui déclara des années plus tard que personne n’a mieux chanté qu’elle ce fameux refrain. C’est en effet, sans doute dans ce subtil mélange de haute sophistication et de séduction calme, que la vedette s’est montrée sous son meilleur jour. Elle se tire fort bien d’ une femme jalouse de GB Seitz, un mélo écrit par Erich Von Stroheim, inspiré par un drame personnel vécu par l’auteur.

En 1939, on la retrouve aux cotés de Nelson Eddy (avec lequel on lui prêta une aventure) dans le flambeau de la liberté, un western musical patriotique assez sympathique ainsi qu’une série de comédies de bonne facture, avec des acteurs aussi distingués que Fredric March, Melvyn Douglas ou William Powell, souvent totalement oubliées qu’on redécouvre avec plaisir quand TCM a la bonne idée de les diffuser.

On ne sait trop pourquoi la MGM a fini par se désintéresser totalement de l’actrice après le décès d’Irving Thalberg, qui semblait le seul à lui accorder de l’intérêt. Des rôles prévus pour Femmes de Cukor et Broadway qui danse avec Fred Astaire lui échappèrent et l’actrice vexée finit par quitter le studio.

Si l’on en juge par les films qu’elle tourné à partir des années 40, son étoile avait beaucoup pali : entre les films d’espionnage de série B (intrigue à Damas) et les rôles de potiche dans les farces d’Abbott et Costello (deux nigauds dans une île en 1942), Virginia n’avait visiblement plus la côte à l’écran. Après le décès de son second mari, le réalisateur J W Ruben, Virginia paraît encore dans un musical exotique, genre très en vogue en cette période de politique de bon voisinage avec les états d’Amérique du Sud. Dommage que son partenaire le chanteur mexicain Tito Guizar soit si insipide ! l’actrice aura beaucoup plus de chance à la radio où, très sollicitée, elle va jouer dans de multiples pièces et adaptations de films pour ce média. En 1946, l’actrice épouse Ali Ipar, un jeune millionnaire turc. Leur mariage lui causera beaucoup de soucis, notamment avec les autorités chargées de l’immigration.

Entre autres, le couple sera contraint de divorcer, pour la forme, quand Ali Ipar obtiendra un poste d’officier de l’armée turque, avant de se remarier l’année suivante. Il semble que l’actrice sera beaucoup affectée par cette succession de déconvenues. Pour sa belle Virginia, Ali va produire et réaliser « l’épidémie -1953 » le premier film turc en couleurs, dans lequel l’ex star d’Hollywood incarne une infirmière chargée de soigner des lépreux. Il y perdra beaucoup d’argent et connaîtra des déconvenues avec son pays qui le mèneront en prison. Le couple finira par divorcer pour de bon, et conformément à la législation turque de l’époque, c’est le mari qui empochera tous les biens de son ex épouse, liassant la pauvre Virginia très amere.

De retour aux USA, on l’a vue un peu à la télévision et au cinéma dans Liaisons secrètes avec Kim Novak en 1960.Virginia s’est éteinte en 1982, victime d’un cancer. A la fin de sa vie, l’artiste malade, vieillie et malheureuse, confiait à un photographe « pensez-vous qu’après ma mort, on se souviendra qu’autrefois j’avais de si beaux yeux ? » ; les téléspectateurs de TCM répondront assurément que oui.

Je leur conseille vivement la bio publiée aux USA par Scott O’Brien dont la lecture est passionnante.

dimanche 13 novembre 2011

Catherine Deneuve, belle comme le jour








Si en France tout commence et tout finit par des chansons, notre pays n’a pas toujours brillé en matière de comédies musicales ; si beaucoup furent produites dans les années 30 à 50, il s’agissait souvent de films à petit budget, de qualité discutable, destinés à mettre en valeur des chanteurs populaires. Le cinéaste Jacques Demy est parvenu à donner ses lettres de noblesse au film musical français en créant des oeuvres exquises d’une grande originalité. Sa muse était l’actrice favorite des français, la blonde Catherine Deneuve qui traverse avec une constance remarquable dans le succès le monde du cinéma depuis plus de 50 ans ! Même si elle était souvent doublée vocalement dans ses films les plus connus et que sa carrière d’une grande diversité a embrassé tous genres, un coup de chapeau à la reine du cinéma français s’imposait.

Catherine Deneuve a toute petite baigné dans le monde du 7ème art : c’est sans doute pour cette raison qu’elle n’était pas à l’origine particulièrement fascinée par ce milieu et qu’elle y a fait ses débuts sans grand enthousiasme. Née en 1943, elle est en effet la fille de Renée Simonot, une actrice qui vient de fêter ses 100 ans en septembre dernier, qui a notamment beaucoup doublé en français de célèbres actrices américaines comme Olivia de Havilland ou Judy Garland. Son père, directeur de doublage à la Paramount, prêtait quant à lui la voix française d’Alan Ladd !
Aussi, la fillette s’est elle amusée elle aussi à doubler des enfants dans des films pour de l’argent de poche tout comme sa sœur Françoise Dorléac. C’est avec la bénédiction de son papa, que la lycéenne débute dans les collégiennes en 1957, puis les portes claquent en 1960.
Alors que sa sœur Françoise, vive et talentueuse, accède très vite à la notoriété, la jeune Catherine trouve quelques rôles sans grande conviction dans des comédies légères comme les parisiennes où Johnny Hallyday lui fredonne son tube « retiens la nuit ».
C’est une comédie musicale 100% chantée et enchantée qui va changer sa vie en 1964 : les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy . Bâti sur de magnifiques mélodies de Michel Legrand, le film est particulièrement novateur dans sa conception et d’un goût exquis : quand à Deneuve, elle apporte sa grâce, sa réserve, son émotion et sa distinction à son personnage et la voix éthérée de Danielle Licari lui va comme un gant. Ce film lui vaudra non seulement de connaître une gloire intense et internationale, mais également de prendre conscience de la passion qu’elle éprouve enfin pour son métier.
Une profession qu’elle va désormais exercer avec une rigueur extrême en ne reculant devant aucun choix audacieux pour explorer les univers les plus contrastés des réalisateurs les plus prestigieux de cette époque : Polanski (Répulsion), Varda (les créatures), Buñuel (belle de jour), Truffaut (la sirène du Mississipi) réclament tour à tour Deneuve, sa beauté froide et insondable et son mystère.
Si certains spectateurs sont peu sensibles à son détachement et son coté glacial qu’ils jugent hautain et déplaisant, lui préférant par exemple sa grande concurrente des années 70, Romy Schneider qui s’impliquait beaucoup plus émotionnellement dans ses rôles, au rique de s’y perdre, le masque superbe et parfois tranquille de Catherine Deneuve cache en réalité beaucoup de violence et la dureté d’un diamant, qui la rendent fascinante dans ses meilleurs prestations..
A la fin des années 60, elle a supplanté Brigitte Bardot dans le peloton de tête des actrices françaises les plus populaires, ce qui lui a valu de très vite d’alléchantes propositions pour Hollywood où elle n’a tourné pourtant qu’un film assez décevant avec Jack Lemmon (folies d’avril en 1968). Un projet de film d’espionnage avec Hitchcock, qui se déclarait très intéressé par la française, n’aboutira pas, à son grand regret.
Catherine Deneuve n’oubliera jamais que c’est Jacques Demy et la comédie musicale qui ont fait d’elle une aussi grande vedette, et elle reviendra à plusieurs reprises à ses premières amours. Les demoiselles de Rochefort (1966) est un vibrant et euphorisant hommage à la comédie musicale où Catherine forme un savoureux duo avec sa sœur Françoise (un petit clin d’œil à Marilyn et Jane Russell des hommes préfèrent les blondes) dont les superbes chansons de Michel Legrand sont encore dans les mémoires notamment les sœurs jumelles (pour l’occasion, Catherine est doublée par Anne Germain). J’ai une tendresse particulière pour Peau d’Ane (encore un gros succès commercial) de Demy, que j’ai découvert enfant, et dont la magie n’a jamais cessé de m’enchanter lors de ses nombreuses rediffusions à l’écran. Soucieuse, dans sa robe couleur de lune, ou réfugiée dans sa chaumière pour confectionner un cake d’amour, Catherine Deneuve trouve là encore un superbe rôle à la mesure de son charme distant.
Ce n’est pas un hasard si dans le seul film qu’elle ait jamais produit Zig Zig de Laslo Zsabo (en 1974) comporte plusieurs chansons (dont un duo avec Bernadette Laffont) et se déroule dans l’univers des cabarets. Catherine Deneuve déclarera que chanter est « un plaisir extraordinaire par rapport au métier d'actrice, où l’on dépend de tellement de gens. La chanson, c'est physique, c'est direct. » Le film, sordide et loufoque, sera pourtant un échec cuisant.

Si la carrière de Catherine Deneuve a de quoi faire bien des envieux, sa vie privée est plus chaotique : des liaisons passionnées avec Roger Vadim, l’ex mentor de Bardot, Marcello Mastroianni, François Truffaut ou Pierre Lescure et des drames comme le décès de sa sœur Françoise en 1967 qui vont profondément la marquer.
En 1980, elle interprète en duo avec Serge Gainsbourg la chanson « Dieu était fumeur de gitanes » dans le film de Claude Berri « Je vous aime » : le meilleur moment du film et un joli petit succès commercial. Son mince filet de voix n’est pas dépourvu de charme et en tous les cas, et est bien plus agréable à coté que celui de Mireille Darc ou Bambou , autres interprètes occasionnelles de Gainsbarre. Dans la foulée, elle enregistrera un 33T entier avec le célèbre auteur…un disque un peu bâclé comme elle le reconnaît de bonne grâce.
Cette année marque sûrement l’apogée de sa carrière avec un césar de la meilleure comédienne pour le très populaire Dernier métro de Truffaut où elle incarne une actrice de théâtre qui cache son mari juif. Pour d’autres c’est 13 ans plus tard dans Indochine, que Catherine Deneuve a trouvé son meilleur rôle en propriétaire de plantation, qui lui vaudra même une première nomination à l'Oscar de la meilleure actrice : certains spectateurs l’ont trouvé plus touchante et plus humaine dans ce personnage.
En effet, avec son image de femme glaciale et austère, brûlant d’un feu intérieur, le risque était grand pour la star aux près de 50 ans de carrière de finir statufiée et prisonnière de l’icône qu’elle est devenue : aussi, avec une remarquable intelligence, l’actrice n’hésite pas à se parodier elle-même dans de nombreuses comédies récentes (comme par exemple dans Belle maman une comédie déjantée de Gabriel Aghion où elle chante un rap de Stomy Bugsy !) et à aborder des roles les plus fous : tour à tour femme-cougar, alcoolique, vampire, complètement déjantée, avec une joyeux sens de la dérision et de la provocation.
En 2002, 8 femmes de François Ozon devint le plus grand succès de sa carrière : une sorte de cluédo musical garni de chansons (la comédie musicale est décidément le genre qui lui porte chance…). Elle y reprend une chanson de Sylvie Vartan « toi jamais ».
Cette année, Catherine a retrouvé sa fille Chiara Mastroanni sur le plateau de « Les Biens aimés », une chronique mais réussie sur les tourments de la passion qui s’étire des années 60 à aujourd’hui, sur des morceaux composés par Alex Beaupain : du cinéma en-chanté, un peu affecté, dans la grande tradition des Demy : qui s’en plaindra ?
Catherine Deneuve, 50 ans après ses premiers succès , demeure encore une des comédiennes préférées des français (elle est classée dixième),et n’a pas dit son dernier mot…ni sa dernière chanson !

mercredi 9 novembre 2011

Mina, héroïne d'Almodovar??



La vie de Mina, superstar de la chanson italienne depuis plus de 50 ans, devrait faire l’objet d’un film réalisé par Pedro Almodovar en 2012. Si le projet figure encore sur le site IMDB, il semble que le fameux réalisateur a d’autres idées pour le moment (dont un film américain) et que cela ne soit pas une priorité, même s’il a reconnu aimer beaucoup la chanteuse (dont il a souvent utilisé les tubes comme le fameux un anno d’amore dans le film Talons aiguilles)


A la lecture des quelques entrefilets parus sur la toile à ce sujet on se rend compte à quel point la chanteuse reste assez méconnue en France. En effet, elle est bien plus qu’ « une chanteuse yéyé des années 60». Son répertoire qui a embrassé aussi bien le blues, que la variété, le rock, les ritournelles napolitaines ou les cantiques est d’une diversité surprenante, et sa longévité artistique extraordinaire. Son succès ne s’est jamais démenti en Italie où elle classe au top 5, chacun de ses nouveaux disques depuis plus de 30 ans : le dernier Caramela (incluant un duo avec le chanteur Rn’B Seal, en fait une reprise d’une chanson de Nolwenn Leroy) est resté classé 35 semaines dans les charts et a culminé à la troisième place en automne 2010.


Le monstre sacré de la chanson italienne dont l’excentricité (des pochettes de disques incroyables qui pourraient inspirer Lady Gaga), la versatilité et l’inclassable talent lui ont valu des hommages d’artistes aussi grands et différents que Louis Armstrong (qui la considérait comme la plus grande chanteuse blanche), Liza Minnelli, Pavarotti, Maria Callas et même Michael Jackson (d’après les confidences de Quincy Jones) continue d'empiler les succès (une reprise disco de can't take my eyes off you , utilisée pour une pub pour la fiat Panda, avait connu un succès mondial).

Le rôle de Mina reviendrait à Marisa Paredes. Si jamais le projet finit par se concrétiser, gageons que la notoriété et le talent du metteur en scène contribueront à faire mieux connaître chez nous cette artiste toujours aussi populaire (et le mot est faible) dans son pays et en Espagne.

dimanche 6 novembre 2011

Imane, princesse du cinéma oriental













Jolie comme un cœur, la douce Imane au regard tendre fut sans doute l’une des vedettes féminines les plus populaires de l’âge d’or du cinéma égyptien. Partenaire des plus illustres chanteurs du moyen orient comme Farid El Atrache ou Abdel Halim Hafez, la ravissante comédienne s’est pourtant illustrée autant par sa beauté que par ses talents d’actrice. Au faite de sa gloire, elle a quitté l’écran sans regret pour se marier et mener une vie de famille en Allemagne. Ceci explique sans doute pourquoi l’artiste est si rarement évoquée dans les livres sur le cinéma et même sur Internet : je vous défie de trouver des articles la concernant !
Aussi méritait-elle doublement une page de choix parmi les figures de ce blog, d’autant plus que les amateurs de films populaires égyptiens ne l’ont pas oubliée !

Née au milieu des années 30 en Egypte, Imane a gravi toute jeune les échelons de la notoriété dans les studios Misr. Dès 1955, son rôle de gentille fiancée du fabuleux chanteur Abdel Halim Hafez, la nouvelle coqueluche du public, dans Nuit et jour dans Nuit et Jour a fait d’elle une vedette : un joli film sur la jeunesse, avec des teenagers en vespa et une belle insouciance (avant que les frasques du demi-frère du héros ne viennent tout compromettre). Comment oublie la belle sérénade (ana lak ala too)qu'Abdel Halim lui fredonne comme un troubadour alors qu'elle l'écoute, séduite, au balcon? un joli reflet du cinéma romantique et pur d'autrefois. La fraicheur de la jeune actrice, son sourire charmant lui ont d’emblée valu une place de choix parmi les jeunes filles sages de l’écran entre Chadia et Magda ; Le roman de mon amour (1955) est un mélo majuscule comme on n’en fait plus. Imane y est fiancée à un chanteur célèbre (incarné par le fameux Farid El Atrache). Mais le souverain de l’endroit est aussi épris de la belle, et Farid devra non seulement renoncer à sa belle mais chanter à ses fiançailles avec le roi, par-dessus le marché : il en tombera malade de chagrin, tout en nous livrant au passage quelques chansons très émouvantes.
Abonnée aux comédies musicales (un genre très fructueux à l’époque), Imane est une sage élève aimée d’un prof de musique timide dans « ils m’ont enseigné l’amour « . Ce dernier n’est joué par Saad Abdel Wahab, le neveu de Mohamed, une des premières stars de la chanson arabe du 20ème siècle : bon chanteur mais piètre acteur.
Mais on la distribue aussi dans des films moins légers comme le polar tueurs à gage(57) avec Farid Shawki, en courtier en assurances qui oblige ses clients à souscrire des assurances vie…avant de les assassiner : il parait que l’intrigue était inspirée par des faits réels !
Dans je suis innocente (1960), un mélo policier aussi bavard que médiocre, elle quitte son mari, qu’elle croit mort, pour un cousin dragueur et infidèle.
Enfin, dans un cœur dans la nuit (60), un mélo moralisateur illustré de pages musicales empruntées aux gros succès américains du genre (three coins in the fountain, écrit sur du vent), comme cela était souvent le cas à l’époque , entre roman photo et drame ; Imane n’est plus la jeune fille candide des débuts mais une arriviste qui épouse un homme fortuné pour son argent et le trompe avec son ancien fiancé : la pècheresse perdra l’usage de ses jambes dans un accident de voiture .
Au passage, on notera combien la jolie Imane était soignée par le chef opérateur qui cherchait à la mettre en valeur dans chaque gros plan comme les stars d’Hollywood du moment.
Dans la chanson du bonheur (60), c’est à une autre très grande voix qu’Imane donne la réplique : le regretté Muharam Fouad (lui aussi bien meilleur chanteur que comédien) : un loukoum à l’eau de rose des plus désuets, heureusement rattrapé par de forts jolies chansons. On préférera le rythme endiablé et la jovialité de la comédie « l’amour, l’amour » où la douce Imane offre un charmant contraste avec la capiteuse Hind Rostom, la Marilyn arabe, qui nous a quitté il y a peu.
En 1961, Imane joue la femme d’un champion porté disparu dans un accident d’avion ; le croyant mort, elle se remarie…avant qu’il ne ressurgisse : un sujet souvent traité aux USA, comme vous le constaterez.
Voila, la carrière de la belle brunette s’achève là, après son mariage avec Max Scher , un très riche industriel d’origine autrichienne, avec lequel la belle ira s’installer en Allemagne.
Cendrillon avait trouvé son prince charmant, comme dans certains des films musicaux auxquels elle s’était prêtée de bonne grâce : la fiction avait fini par rejoindre la réalité !

En 2002, Imane a reçu une récompense au 26ème festival du Caire pour sa carrière cinématographique. Elle fut à cette occasion reçue en grandes pompes par l’ambassadeur d’Autriche en Egypte. Un hommage bien mérité à une star heureuse et lumineuse qui n’a rien perdu de sa beauté.

lundi 10 octobre 2011

Evelyn Künneke, l'anti star








Danseuse à claquettes et chanteuse swing pendant la seconde guerre mondiale, vamp à la voix lascive et sensuelle, Evelyn Künneke s’était laissée oublier avant d’effectuer un incroyable come-back en tant que dernière survivante de l’ère Lili Marlene à la fin des années 70. Extravagante comme une Mae West allemande, enmitouflée dans d’incroyables boas emplumés, vétue des tenues les plus clinquantes, et maniant l’auto-dérision à la perfection ,celle qui se surnommait la „Callas de la sous-culture“ montrait qu’elle n’avait rien perdu de son abattage et de sa fantaisie; en faisant revivre dans des boites de nuit plus ou moins interlopes l’époque trouble et dorée du cabaret berlinois. La grand producteur de la MGM Joe Pasternak ne machait pas ses mots en déclarant qu’elle appartenait aux plus grandes étoiles de notre temps.
Pleins feux sur Evelyn Künneke.

Née à Berlin en 1921, Evelyn est la fille d’une chanteuse d’opéra et d’Eduard Künneke, compositeur de célèbres opérettes comme Verliebte laute en 1922. Il a également travaillé avec Ernst Lubitsch en travaillant sur l’accompagnement sonore de son film la fille du pharaon. Avec un tel entourage, la fillette est très tôt encouragée à suivre des cours de chant lyrique et de danse classique. Cependant, Evelyn, qui passe une partie de son enfance aux USA et à Londres, est davantage attirée par les lumières d’Hollywood, le jazz et les musicaux de Broadway. Elle raffole notamment de la grande danseuse à claquettes Eleanor Powell dont les films sont encore diffusés en Allemagne en 1936. De retour à Berlin, Evelyn embrasse une carrière artistique dans les cabarets au grand désespoir de son père qui ne comprend pas l’attirance de sa fille pour une musique moderne qui le dépasse complètement. Sous le nom d’Evelyn King, elle danse en queue de pie et chapeau haut de forme, comme son idole Eleanor, avec un succès certain. Néanmoins, les nazis n’apprécient pas du tout cette initiative et l’artiste est très vite obligée de renoncer à son pseudonyme et à ses numéros trop américanisés. Avec le soutien du compositeur de variétés Michael Jary (connu pour avoir composé les plus gros tubes de Zarah Leander), Evelyn se lance dans la chansonnette avec un succès immédiat : sa voix douce et sensuelle détonne fort des autres chanteurs en vogue et on la remarque. Elle entonne Sing, nachtigall, sing dans l’heure des adieux (1941), un film de propagande à l’eau de rose sur la nécessité pour les femmes de s’effacer et d’être bien patiente et courageuse pendant que le mari combat au front. La chanson devient un immense succès (le plus gros tube pendant la guerre juste après Lilli Marlène) et la nouvelle vedette est invitée à le chanter sur les fronts de l’Est pour encourager le moral défaillant des troupes allemandes. En 1943, elle danse dans un passage du musical Carnaval d’amour, un numéro de tap dance, très jazzy qui sera tronqué voire carrément supprimé de certaines copies, le ministère de la propagande n’appréciant pas du tout le coté très hollywoodien du morceau. L’enregistrement sur disque de la chanson un tantinet coquine et délicieusement jazzy du film Haben Sie schon mal im Dunkeln geküßt? (interprétée dans le film par Dorit Kreysler) sera aussi pour Evelyn un grand succès qui supporte bien l’épreuve du temps.
En 1944, alors qu’elle donne des shows pour les soldats à l’étranger, la nouvelle vedette emprisonnée à laquelle on reproche certains propos anti-gouvernementaux est arrêtée par la gestapo et emprisonnée jusqu’à la fin du conflit (elle échappe de peu à une condamnation à mort).
Avec le soutien de son cher Michael Jary (qui a aussi beaucoup aidé sa copine Leander), la chanteuse poursuit sa carrière après le conflit en enregistrant de nouveaux succès et des adaptations d’airs américains comme bewitched qui conviennent bien à son timbre sensuel. Elle parait occasionnellement au cinéma en tant que guest star. Ne la trouvait-on pas assez jolie ou trop grande (1 m 80) pour un premier rôle ? Evelyn était notamment très complexée par son nez, qu’elle fera refaire 7 fois, si on se réfère à l’un de ses sketchs !
En 1951, Evelyn figure dans la comédie musicale de Von Cziffra « une fille du tonnerre » dont la vedette est Vera Molnar. Elle y chante une autre composition de Michael Jary « winke, winke » qui est un gros succès, de même que le film, qui bénéficie sans doute de la présence d’innombrables jolies girls dont Laya Raki qui donne un numéro topless (la critique française ne sera pas du tout impressionnée en revanche !!). La même année, elle triomphe à la radio avec la chanson fantaisiste Egon (connue chez nous sous le titre Léon par Annie Cordy).
Elle joue le rôle d’une vamp face à la jolie divette Elfie Mayerhofer dans Mélodies perdues (1952) produit en Allemagne de l’Est, un autre succès commercial. Elle danse le boogie woogie avec Peter Alexander débutant dans nous irons à Hambourg (1954) le remake teuton de nous irons à paris le film de Jean Boyer et Ray Ventura. En 1956, Evelyn classe au hit parade sa version d’amour castagnettes et tango du musical Pique nique en pyjama avant de proposer une version allemande du nouveau tube de Paul Anka Diana. Mais son interprétation est largement dépassée dans les ventes par celle de la nouvelle venue Conny Froboess, adolescente en blue jeans, plus en phase avec la nouvelle vague.
A la fin des années 50, Evelyn Künneke a travaillé aussi un peu aux USA sous son ancien pseudo Evelyn King. Le célèbre chef d’orchestre de jazz Stan Kenton comptait sur elle pour reprendre la place de June Christy au sein de sa formation : finalement, le projet n’aura pas de suite.
En 1958, on la retrouve dans un musical en Allemagne de l’Est, ma femme fait de la musique, l’histoire bien innocente d’une femme au foyer qui veut faire du music-hall ; le film manquera pourtant d’être interdit par les communistes, estimant cette comédie bourgeoise sans intérêt et donc nocive pour les masses ! Après avoir rejoint la RFA, la chanteuse aura bien du mal à continuer sa carrière, victime des changements de mode et de l’avènement du rock.

C’est le cinéaste Fassbinder qui va redécouvrir dans les années 70, l’ancienne gloire du cabaret en lui proposant un rôle important dans son film « comme un oiseau sur un fil » qui évoque le music hall pendant les années du miracle économique allemand. Elle a beaucoup grossi, affectionne les tenues bariolées, et les maquillages les plus crus, mais son talent est intact.
En 1976 le réalisateur Rosa Von Prauheim, pionnier dans la défense du droit des homosexuels, rencontre la vedette dans un cabaret gay où elle boit bien plus qu’elle ne chante. Fasciné par son personnage iconoclaste, sa folie, son humour berlinois, il réalise un documentaire sur sa vie pour la télé allemande : "Evelyn Künneke, l’anti-star" ainsi qu’un court métrage où la chanteuse est déguisée en évêque qui sera jugé blasphématoire et censuré par la ZDF. A l’affut du scandale, Evelyn prétendra dans la presse qu’elle s’est fiancée avec Rosa.


Anticonformiste, provocante, triviale, certainement, l’actrice n’a pas peur de rire d’elle-même en évoquant ses opérations de chirurgie esthétique, son addiction à l’alcool, ses innombrables amants (5 600 dont Frank Sinatra, mais oui !) et en posant même nue dans un magazine pour des photos plus trash que glamour.
Icône gay, idolâtrée par les travestis, se parodiant elle-même dans des bars enfumés, elle ne craint pas d’évoquer ses souvenirs de guerre avec un certain franc parler et des positions parfois très contestables en reprochant notamment à Marlene Dietrich d’avoir trahi sa patrie, à l’occasion des obsèques de l’ange bleu !.
Ce retour dans les médias lui a permis d’obtenir pas mal de rôles de composition au cinéma et à la télé (elle danse notamment avec David Bowie dans le film Gigolo en 1978). Elle est décédée en 2001 d’un cancer aux poumons.
Un sacré personnage qu'on peut retrouver sur disques ou à travers son autobiographie.


lundi 3 octobre 2011

Vera Lynn, la mascotte du régiment














Pour soutenir le moral des soldats anglais pendant la seconde guerre mondiale, la chanteuse Vera Lynn n’a pas ménagé ses efforts, en animant des émissions de radio pour les épouses des prisonniers, en chantant dans la jungle birmane ou dans des hôpitaux de fortune, sous les bombardements. Une générosité et une sincérité que le public anglais n’a jamais oublié, comme en témoigne le surprenant succès d’une des ses dernières compils, qui a surclassé David Guetta et Eminem au top anglais.
Une ressortie en DVD de ses films tournés pendant la guerre nous permettent de redécouvrir cette icône de la seconde guerre mondiale.



Née en 1917 à Londres, la petite Vera a connu la misère de la grande dépression qui a suivi le crash de 1929. Son père et son oncle, licenciés, ont l’idée d’animer des spectacles pour entretenir le moral des ouvriers : la gamine timide, trop grande pour son âge, monte sur scène, pour égrainer quelques refrains. Gauche et peu confiante, elle recueille pourtant beaucoup d’applaudissements. Embauchée pour quelques galas, l’adolescente intéresse certains orchestres de la variété qui lui confient quelques refrains chantés. Elle enregistre notamment avec la formation d’Ambrose, la plus populaire du moment et chante lors d’une des toutes premières retransmissions télévisées (alors au stade expérimental) d’un spectacle de variété en Angleterre (en 1938)
Après le déclenchement de la seconde guerre mondiale, la Grande Bretagne subit une série de bombardements meurtriers par l’aviation allemande. Dans ce climat de terreur et de désarroi (on compta près de 15 000 morts), les anglais avaient plus que jamais besoin de divertissement, d’espoir et d’évasion. La toute jeune chanteuse anime alors une émission de radio destinée aux soldats, où sont lus et transmis des messages des familles. Il va sans dire que le programme, très émouvant, recueille toute l’attention des britanniques. Vera y chante des refrains teintés d’espoir sur le retour au foyer, la liberté retrouvée. « Il y aura à nouveau des oiseaux bleus sur les blanches falaises de Douvres », « souhaite moi bonne chance quand tu me dis au revoir » et surtout « we’ll meet again » (nous nous reverrons) que la voix plaintive et haut perchée de la vedette rend particulièrement touchante. La chanson, si évocatrice, devient un succès sensationnel qui peut être comparé chez nous au j’attendrai de Rina Ketty. Un refrain d’espoir dont le succès ne s’est jamais démenti au Royaume uni et qui sera repris par bien des crooners. (Elle est même utilisée, dans sa version originale, dans le parc Disneyland pour illustrer une attraction !)
Vera Lynn devient alors la fiancée des soldats : ce n’est plus une chanteuse mais une institution. Elle obtient un succès considérable en interprétant Yours, la version anglaise d’une mélodie sud-américaine cuando vuelva a tu lado, dont elle va faire un tube international (repris dans les 70’ par Julio Iglesias « où est passée ma bohème »).
Le cinéma va s’intéresser au phénomène. D’abord, un film dénommé We’ll meet again comme son célèbre tube qui se base partiellement sur sa propre histoire. Amoureuse d’un soldat écossais qui lui préfère sa meilleure amie (la ravissante Patricia Roc), elle préfère se consacrer à entretenir le moral des troupes… S’il ne fallait garder qu’une image de ce film, ce serait évidemment sa finale, où l’on retrouve la chanson juchée sur une estrade en train de chanter pour une nuée de soldats qui l’écoutent religieusement avant de reprendre avec elle le fameux refrain.
Pour le reste, il faut avouer que l’artiste est timide, gauche, guindée et franchement pas à l’aise. Mais bon, pour ces petits films de propagande, on ne lui saurait lui en vouloir.
Le second « rythmn serenade » n’est guère meilleur, et on en retiendra surtout sa version de « qu’est-ce qu’on attend pour être heureux » de Ray Ventura, enfin un air pimpant à l’enthousiasme communicatif qui tranche avec les balades tristounes et sirupeuses (mais o combien appréciées à l’époque !) et les adieux sur les quais de gare de ce mélo musical.
Le dernier du lot « One exciting night » est un peu plus amusant. On signalera au passage que les 3 films ont été réédités en DVD dans un coffret avec sous-titres anglais.
Toujours très impliquée dans le sort des soldats, la star n’hésite pas à se rendre en extrême orient pour donner un peu de baume au cœur aux militaires, en chantant dans les hôpitaux ou les casernes les plus esseulées.
La chanteuse rentrera très éprouvée moralement de ce périple, en décidant d’abandonner sa carrière juste à la fin de la guerre pour se consacrer à son mari (un musicien servant dans la RAF) et à sa fille née en 1946.
Pourtant, le feu sacré continue de bruler dans ses veines et l’artiste recommence les tournées à la fin des années 40, en reprenant en anglais pas mal de titres de Piaf comme si tu partais, l’hymne à l’amour ou Padam padam. Elle fait un tabac en chantant en duo avec Bing Crosby à la télé américaine et classe 2 titres dans les charts américains dont « auf wiedersehen » qui connaitra le même succès en Allemagne. La star qui a tant soutenu les alliés deviendra une grosse vendeuse de disques en Allemagne en reprenant notamment la ballade irlandaise de Bourvil dans la langue de Goethe. Malgré les changements importants dans le monde de la variété, Vera Lynn va enregistrer avec beaucoup de régularité jusque dans les années 80.
A son répertoire on trouve aussi bien une superbe version de Tonight de West Side Story que les derniers tubes à la mode du groupe Abba ou de Barry Manilow, ou encore quand on a que l’amour de Brel servis par sa superbe voix ample et puissante
On retiendra aussi le fameux « it hurts to say goodbye » que Gainsbourg traduira pour Françoise Hardy en « Comment te dire adieu », que je vous recommande fortement d’écouter tant la voix et la personnalité des deux chanteuses est différente !
Anoblie par la reine d’Angleterre (elle était très amie avec la Queen mum) Vera Lynn est devenue une légende vivante du show business, connue autant pour son talent que sa générosité et sa participation à des galas de charité. En 1980, les Pink Floyd lui rendent hommage dans leur album the wall en lui consacrant une chanson.
Souffrant d’emphysème, la chanteuse a fortement réduit ses apparitions publiques avant de faire ses adieux en 1998 lors d’un concert au palais de Buckingham, après le décés de son mari (après 57 ans de mariage). Elle témoigne encore dans les écoles primaires du blitz et de la seconde guerre mondiale, en se dévouant avec toujours autant d’intérêt aux démunis et aux soldats.
En 2009, la chanteuse a surpris le monde entier en classant une compilation N°1 au top anglais, évènement incroyable, qui fait d’elle l’artiste la plus âgée jamais classée dans un hit parade ! Une longévité exceptionnelle qui traduit toute l’affection et l’admiration que lui portent encore les britanniques pour lesquels elle a toujours été bien plus qu’une excellente chanteuse. Vera Lynn qui passe souvent ses vacances en France, au cap d’Antibes, a pris la nouvelle avec beaucoup de modestie et de bonheur. Un toast pour Dame Vera !!

mardi 9 août 2011

Jane Russell, la brunette la plus sexy des années 50









Un des plus célèbres sex symbols du cinéma américain nous a quitté en début d’année : la capiteuse Jane Russell, qui formait un si délicieux tandem avec Marilyn Monroe dans le fameux musical « les hommes préfèrent les blondes ». Rarement une actrice fut lancée avec un tel renfort de publicité par un producteur (dans le cas présent le délirant et mégalomane Howard Hughes) et on peut saluer la façon dont la magnifique brune a pu, malgré ce buzz retentissant, qui a fini par constituer davantage un inconvénient qu’un avantage, faire une jolie carrière et laisser un si éblouissant souvenir aux cinéphiles.

Née en 1921 dans le Minnesota, Jane Russell est la fille d’une comédienne qui a participé à pas mal de tournées aux cotés de George Arliss. Après le décès de son père, la jeune femme est contrainte de travailler comme réceptionniste chez un pédicure. Parallèlement, elle suit quelques tours de théâtre et pose pour le photographe Tom Kelly (qui sera plus tard l’auteur du fameux calendrier de Marilyn Monroe). Les clichés tombent entre les mains du producteur multimillionnaire Howard Hugues, immédiatement séduit par la généreuse silhouette de l’aspirante vedette et son tour de poitrine des plus avantageux. Connu pour son excentricité et ses innombrables liaisons avec des stars hollywoodiennes, Hugues recherche une actrice pour jouer dans « le banni » une version de Billy the kid. Après avoir envisagé la candidature de Léatrice Gilbert la fille de la star du muet John Gilbert, il préfère confier le rôle à sa découverte. Obsédé par son tour de poitrine, il conçoit même un soutien-gorge à son attention !! A peine le tournage entamé, le producteur mégalomane va lancer une incroyable campagne publicitaire pour lancer la nouvelle star, en misant uniquement sur son anatomie, à grand renfort de photos suggestives de la brunette allongée dans la paille, avec des slogans du genre « exquise, boudeuse et magnifique » ou encore « le sexe n’a pas été rationné ». Nous en sommes en 1941, et les ligues de censure veillent alors sur le cinéma américain avec une rare vigilance.
Grâce à une telle publicité, le film fait un malheur lors de sa première semaine d’exploitation à San Francisco. Cependant, le Banni est interdit dans plusieurs états en raison des protestations des ligues de vertu. Le film en soit, et les scènes jugées scandaleuses en 1941(plus puériles que coquines), font pourtant tout juste sourire à présent ! Conscient du manque d’expérience de sa protégée (ou craignant qu’elle n’échappe à son emprise), Hughes préfère l’inscrire à des cours de comédie plutôt que la prêter à la Fox qui voudrait lui confier un rôle important dans Arènes sanglantes ; en fait, la carrière de Jane va très vite stagner, l’interdiction presque générale de son premier film ne lui a pas porté chance : A la grande colère d’Howard Hugues, Jane se marie avec un ancien camarade de classe et quitte l’écran plusieurs années.
En 1946, Hughes tente de relancer sa chère Jane dans un drame « la jeune veuve » mais sa prestation y est bien mauvaise et en profite pour ressortir son fameux banni avec une nouvelles campagne publicitaire pas plus subtile que la précédente : l’annonce « quelles ont les deux bonnes raisons du succès de Jane Russell ? »est placardée sous une photo de la star très largement décolletée.
Alors qu’on aurait donné peu cher de sa peau, Jane Russell va enfin parvenir à s’imposer dans un western parodique aux cotés de Bob Hope, qui se moque gentiment de son image de sex symbol : « Visage pâle »1948 est un succès et notamment la chanson « buttons and bows »que Jane fredonne avec Bob Hope (la VF « ma guêpière et mes longs jupons » sera un énorme succès pour Yvette Giraud) : la belle en profite pour enregistrer un disque de romances pour la firme Columbia.
Connu pour son instabilité et son inconstance, il semble extraordinaire que Howard Hugues ait suivi Jane Russell pendant toute sa carrière, en produisant la plupart de ses films (pour la firme RKO). S’était il finalement attaché à sa jolie découverte ou croyait-il profondément à son potentiel ? les critiques ne sont pourtant pas tendres avec ses qualités de comédiennes (« décorative mais inapte » pour reprendre les plus dures) et ses westerns ou comédies n’obtiennent pas toujours le succès escompté.
Heureusement, le film noir « Fini de rire-1951 » avec Robert Mitchum, lui sied davantage. John Farrow parvient à la mettre en valeur malgré son manque d’expression, notamment dans son numéro (fort bien) chanté et à installer une atmosphère troublante. C’est le type même de cinéma qu’on revoit avec le plus grand plaisir et énormément de nostalgie. Combien je me souviens des après midi des années 70 où TF1 diffusait Macao, le paradis des mauvais garçons avec le même couple vedette et d’autres vieux films de la RKO.
Mais c’est en 1953, dans le musical les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks que Jane Russell va laisser à jamais son emprunte dans le monde de cinéma en formant un duo mythique et ravageur avec la légendaire Marilyn Monroe. Moins fragile et plus confiante que sa partenaire, mais tout aussi sexy dans le numéro où elle chante entouré de gymnastes. L’actrice révèle aussi un talent insoupçonné pour la comédie, et l’humour pince sans rire, avec une touche de sarcasme. Un bonheur n’arrivant jamais seul, l’actrice adopte un enfant à la même époque (elle en adoptera deux autres par la suite et fondera une association pour aider les parents dans leurs démarches). Sans doute rassuré et galvanisé par le succès éclatant que sa découverte connaît enfin (alors qu’il n’y est pourtant pour rien !), Hugues bâtit pour elle une comédie musicale en jouant encore la carte du scandale et de la provocation : ne négligeant aucun détail, il dessine lui-même une sorte de body très échancré pour sa vedette, et tourne le film en relief pour que le public puisse profiter pleinement de la plastique généreuse de la star ; Jane Russell, qui se consacre de plus en plus aux activités religieuses déclara a posteriori avoir eu honte de jouer dans une telle production, et notamment dans le numéro final, d’une vulgarité certaine. Le film déchaînera les foudres de la censure, et n’atterrira sur les écrans qu’après deux années de palabres avec les administrateurs du code Hays : beaucoup de bruit pour un musical assez minable et à la limite du grotesque. On peut se demander finalement si Hugues n’avait pas envie de saboter la carrière de sa chère vedette en la distribuant dans un pareil navet. Dans la vénus des mers chaudes, la publicité insiste sur les maillots de bain de la star en nous promettant une Jane Russell telle que vous ne l’avez jamais vue ! Pour lancer le film, Hugues organise une première dont il a le secret : le film est diffusé sou l’eau et les journalistes sont invités à endosser des scaphandres et des tenues de plongée pour le visionner !! Là encore, beaucoup de remous pour pas grand chose.
On préfèrera de loin Jane Russell dans le western les implacables de Raoul Walsh où elle forme un duo intéressant avec Clark Gable.
Après l’échec de l’insipide suite des hommes préfèrent les blondes (mais ils épousent les brunes), avec Jeanne Crain et surtout le bide retentissant de la comédie Kidnapping en dentelles (1957), la carrière de Jane Russell se trouve en fort mauvaise posture et Howard Hughes qui vient de quitter le cinéma après une série de fiascos qui ont entraîné la liquidation de la RKO, n’est plus là pour la sauver.
L’actrice, d’une rare humilité, n’a jamais pris sa carrière au cinéma au sérieux (elle déclarait même avoir tourné dans une quantité de navets pour gagner son pain), et c’est sans regret qu’elle se consacre alors à sa vie de famille en donnant sporadiquement des tours de chant à Las Vegas ou en jouant dans des musicals à New York ou Chicago. On la retrouve encore dans quelques films à très petit budget à la fin des années 60, qui n’ont guère marqué les mémoires. Son divorce à la fin des années 60 et sa bataille avec son mari pour obtenir la garde de ses enfants adoptifs lui valent quelques colonnes peu reluisantes dans la presse à scandale, alors que sa vie privée était jugée comme exemplaire jusque là (son mari assure notamment qu’elle est alcoolique depuis le début de leur union : elle fera d’ailleurs quelques jours en prison dans les années 70 pour conduite en état d’ivresse).
Après avoir joué dans un musical à Broadway en 1971, la star remariée se retire progressivement pour se consacrer dorénavant à des activités religieuses, à des conseils pastoraux , à la lecture de la bible et à la défense de l’ordre moral… en faisant à l’occasion de la publicité pour les soutien gorges Playtex. Tout en se moquant gentiment de la futilité du star system et de sa carrière passée, la vedette daignait fort poliment répondre au courrier de ses fans et même à leur envoyer une photo dédicacée à condition qu’ils prouvent qu’ils avaient fait un don à l’UNICEF.
Jane Russell est décédée en 2011, des suites de problèmes respiratoires, entourée de ses enfants. On ne l’oubliera pas !

samedi 16 juillet 2011

Kouka, la sultane du désert




Pendant les années 40 et 50, la brune Kouka fut en Egypte l’héroïne d’un grand nombre de films de bédouins réalisés par son mari Niazi Mustapha qui possédait un réel flair pour déceler ce que préférait le public populaire : des films d’action et d’aventures, sortes de westerns en plein désert avec d’héroïques chevauchées et des bagarres à coup de sabre, qui remportaient un égal succès dans tout le monde arabe de l’Algérie jusqu’au Liban. Têtue et courageuse, Kouka parvenait toujours à échapper aux pires machinations dans les aventures un peu enfantines où elle paraissait mais aussi charmer le public par quelques jolies chansons interprétées en langage bédouin.

Née en 1917 au Soudan, Najia Ibrahim Bilal se rend très jeune en Egypte pour jouer dans la troupe Ramses formée par Youssef Wahbi, un des plus grands noms du théâtre arabe.
En 1935, elle est engagée comme monteuse dans la toute nouvelle société de cinéma « Misr » que vient de créer Talaat Harb et qui pendant près de 30 ans va constituer la Mecque du cinéma égyptien, le Hollywood sur Nil. La même année, elle débute devant la caméra dans le concierge aux cotés de Ali al-Kassar, l’acteur comique le plus populaire du moment, qui incarne avec justesse l’homme de la rue, futé et optimiste, dans lequel se reconnaissent bien des spectateurs.
Par un incroyable concours de circonstances, Kouka est choisie par le producteur anglais pour jouer dans Jéricho, le nouveau film que le mythique baryton noir américain Paul Robeson doit tourner en Afrique du Nord. Après être allée signer son contrat à Londres, l’actrice rebaptisée pour l’occasion « Princesse Kouka ». Afin d’incarner la princesse des touaregs dont Robeson tombe amoureux dans une oasis, Kouka est contrainte de se noircir le visage. Réalisé par Thornton Freeland (connu surtout pour son film Carioca qui lança Fred Astaire), le film raconte avec soin les déboires d’un soldat américain pendant la première guerre mondiale, accusé de meurtre. Considéré par beaucoup comme le meilleur film de Paul Robeson, Jéricho représentait une opportunité unique pour une artiste arabe de faire une carrière internationale (combien d’ailleurs peuvent se venter d’avoir tourné des films ailleurs qu’en Egypte ou au Liban ?) : on raconte même que Korda songeait à lui confier un rôle important dans un film hollywoodien. Peut on blâmer Kouka d’avoir laissé passer cette chance : dans cette Amérique raciste où les glamoureuses Hedy Lamarr ou Dorothy Lamour étaient grimées à grand renfort de fond de teint pour incarner les mulâtresses et où les actrices black Ethel Waters ou Hattie McDaniel étaient reléguées à faire la vaisselle, ou l’on préférait les paillettes à l’authenticité, quel rôle aurait pu être confié à une actrice soudanaise ?
Amoureuse du réalisateur Niazi Mustapha qu’elle a croisé sur les plateaux du studio Misr, Kouka préfère rejoindre le Caire pour l’épouser. Un choix des plus raisonnables quand on sait que le cinéaste, qui a fait son apprentissage à Londres et Vienne, va faire de Kouka la vedette d’une grande part de ses films pendant près de 30 ans !
Au début, il confie à sa femme des rôles dans des comédies musicales légères très inspirées des modèles américains (l’usine aux épouses 1941)où elle révèle un don certain pour le chant et une voix légère des plus agréables . Néanmoins, c’est en abordant le genre « nomade » avec Rhaba (1943), et les aventures dramatiques d’une bédouine amoureuse d’un citadin (Badr Lama, le Rudolph Valentino égyptien), que le couple décroche la timbale et un triomphe dans tout le monde arabe. (Le plus gros succès arabe depuis l’avènement du parlant). Si ces films de divertissement un peu puérils mais toujours agréables à suivre peuvent faire sourire, le très prolifique Mustafa les concevait avec le plus grand soin : les chansons étaient composées par le poète Beïram Al Tounsi, dans un dialecte susceptible d’être compris dans tous les pays arabes et Kouka avait même suivi des cours de langue bédouine.
Les intrigues avaient parfois des allures de bandes dessinées et relataient souvent les périples d’une fille kidnappée toute petite par des brigands. Devenue grande, elle apprenait à se débrouiller par elle-même en devenant une chasseresse émérite, très indépendante. Dans la sultane du désert (1947, avec Yehia Chahine), Kouka la bédouine se retrouve propulsée dans un palace libanais, ce qui nous vaut quelques scènes fort drôles de la paysanne découvrant la civilisation moderne. A la fin du film, elle sauve son fiancé, attaché près d’un bâton de dynamite en éteignant la mèche d’un coup de pistolet !
En 1945 par Niazi Moustapha inaugure la série des Antar et Abla , adaptés d’un roman antéislamique de chevalerie : des films d’aventure assez délectables comptant les malheurs d’Antar, l'esclave noir et sa cousine Abla (Kouka), qui remporteront tous de gros succès commercial : il n’est d’ailleurs pas anodin que la firme régent qui exploitait à l’étranger et en France les films orientaux avait misé sur un générique en adéquation avec ce genre, le plus populaire de l’écran arabe.
En 1953, Kouka incarne le cavalier noir : une fille perturbée qui mène une double vie, femme le jour, mystérieux cavalier noir la nuit, qui veut faire justice et venger ses parents tues par une tribu rivale lorsqu'elle était encore bébé.
Force est de constater qu’avec ses personnages de femme vive, impulsive et combative, Kouka était sans doute l’actrice la plus affranchie de l’écran égyptien et un vrai modèle pour les féministes !
En 1956, elle joue et chante en vedette dans le mélo Un verre une cigarette, film très connu car il révéla la chanteuse Dalida. Moulée dans un fourreau blanc, elle y donne une image plus glamour et moderne que dans ses aventures désertiques, avec des numéros musicaux très élaborés et dansés par la divine Samia Gamal (bien que la star se réserve un morceau musical bédouin pour ne pas décevoir les fans).
On ne sait si la nouvelle starlette et future diva de la chanson populaire eut des soucis avec Niai Mostafa, mais ce grand coureur de jupons était connu pour les mariages factices qu’il contractait avec des apprenties vedettes auxquelles il promettait monts et merveilles. Kouka ne devait pas dormir sur ses deux oreilles et elle fut très choquée quand elle apprit que son mari s’était marié en secret avec la belle danseuse du ventre Nêemat Mokhtar. Elle obligea son époux à divorcer de sa nouvelle flamme.
En 1961, Kouka tourne encore dans une énième mouture d’Antar (Antar fils de Chaddad) mais la sauce prend moins en dépit des couleurs particulièrement flamboyantes qui viennent un peu réveiller le vieux processus, et l’âge venant l’actrice se résout à jouer les mamans aux cotés de la belle Samira Tewfiq qui la remplace désormais dans les rôles de jolie bédouine.

Kouka est décédée d’un cancer en 1979. Son mari lui a survécu 7 ans : il a été assassiné dans des circonstances mystérieuses qui n’ont jamais été élucidées