dimanche 15 août 2010

Dalida, la diva de la chanson populaire





Avec ses robes scintillantes, ses paillettes, ses chansons entraînantes, Dalida a brillé au sommet des hit parade et conquis le cœur du public européen qui lui a réservé une ferveur que peu d’artistes ont connu.
Si la chanteuse a collectionné les disques d’or aussi bien en France qu’en Italie et en Allemagne, force est de constater qu’elle n’a pas vraiment brillé au cinéma, alors qu’à l’origine, la jeune italienne était littéralement fascinée par Hollywood et rêvait de devenir une star du grand écran. Néanmoins, n’est-ce pas un peu de la magie du Hollywood de l’âge d’or que la chanteuse, a fait brillé dans ses spectacles et à la télévision, et sa longue chevelure et ses fourreaux dorés empruntés à son idole Rita Hayworth? C’est ce sens du spectacle et du divertissement ainsi que la tragédie et le désespoir cachés sous le fard et les lumières, qui la rendaient aussi profondément humaine et expliquent probablement l’ampleur de sa gloire.

Née en 1933 au Caire de parents d’origine italienne, la future Dalida rêve de cinéma et de gloire tout en travaillant dans un laboratoire pharmaceutique. Après avoir remporté un concours de beauté, elle est engagée comme doublure de sa star favorite, l’américaine Rita Hayworth, qui doit tourner en Égypte un film biblique « joseph et ses frères » qui sera finalement abandonné en cours de route par la vedette capricieuse. Pour se consoler, Dalida obtient un rôle dans un film égyptien réalisé par Niazi Mustafa, connu pour son flair en matière de jeunes talents (il a notamment révélé Kamel El Chénawi, Kouka, Leila Fawzi et Samira Toufik, grandes vedettes du monde arabe). Un verre, une cigarette (1955) est un mélo musical avec la grande danseuse orientale Samia Gamal qui se détache de la production égyptienne de l’époque souvent fort médiocre en dépit des merveilleux chanteurs et acteurs qui y participaient. Dalida, déjà très vamp, y chante en italien, en remuant ses cheveux, telle Rita Hayworth dans Gilda : un geste qui la poursuivra longtemps. La même année, on la retrouve en danseuse espionne dans le masque de Toutankhamon, une production franco-égyptienne mise en scène par un ancien cinéaste talentueux de l’époque muette, Marc de Gastyne, auteur notamment d’une remarquable Jeanne d’Arc. Il semble qu’un imbroglio juridique ait privé le film d’une vraie carrière commerciale : en tous les cas, il fut brièvement exploité en France en 1955 et la revue Cinémonde afficha pour l’occasion en couverture Gil Vidal « le jeune premier qui monte » et Dalida présentée comme une « chanteuse italienne ». Arrivée à Paris, sur les conseils de Gastyne, le jeune actrice brune a bien du mal à s’imposer. Son léger strabisme lui est-il préjudiciable?(ce handicap n’a pourtant pas empêché à Norma Shearer ou Virginia Mayo de faire des carrières majeures). Déçue, Dalida va se tourner vers la chanson. Soutenue par le directeur de la nouvelle radio en vogue Europe n°1(son futur mari), qui matraque sans arrêt ses disques à l’antenne, elle triomphe avec Bambino en 1956, puis une longue série d’adaptations de chansons italiennes, très en vogue en cette fin des années 50 (come prima, romantica..). La beauté ténébreuse de la nouvelle vedette, affichée sur les pochettes de 45T contribue aussi à son succès, et lui permet de supplanter l’espagnole Gloria Lasso, chanteuse à accent qui avait marqué les débuts du microsillon.
Dalida ne fera que quelques incursions à l’écran, pour y chanter quelques refrains : il s’agit de polars très datés, traitant d’un sujet un peu scabreux mais populaire : la traite des blanches. Aux médiocre « brigade des mœurs » ou « Rapt au 2ème bureau« , on préférera le film allemand « des filles pour le mambo bar« qui a le mérite d’être bien réalisé et de dépeindre avec justesse l’atmosphère des bars louches. Dalida y chante la version allemande du jour où la pluie viendra qui fera d’elle une star en Allemagne.
Alors que l’univers de la variété populaire connaît de forts remous avec l’arrivée de la déferlante rock et yéyé, Dalida s’accroche imperturbable, an adoptant au passage les nouveaux rythmes dans le vent.
On lui confie enfin un premier rôle dans Parlez moi d’amour (1961) un film musical italien davantage destiné à mettre en valeur les derniers succès de la chanteuse qu’à bâtir une histoire cohérente. Elle y chante notamment « les gitans » qui ont fait sa gloire en Italie.
Plus qu’une chanteuse (dont le talent est affaire de goût : il me semble que dans un genre similaire l’italienne Mina dispose de davantage de possibilités vocales et de versatilité), Dalida est devenue un personnage public dont le public suit les moindres faits et gestes : sa vie mouvementée fait la une des journaux à scandale : son divorce, ses amours et ses malheurs vont faire la joie de certains magazines durant toute sa vie. Le suicide de son amant, le chanteur prometteur Luigi Teno, sera le premier drame d’une longue succession .
Coté cinéma, toujours rien de remarquable : l’inconnue de Hong Kong est selon cinéma 63 « un médiocre film policier qui tente vainement d jouer sur la couleur locale ». Le réalisateur Poitrenaud reconnaîtra que Dalida est moins douée pour la comédie que pour le chant. Les fans pourtant se délecteront de son duo avec Serge Gainsbourg. On la retrouve aussi dans deux films italiens qui ne seront pas exploités chez nous : Ménage à l’italienne (1965) (très inspiré de la comédie « Elle est terrible » de Luciano Salce, où Dalida ne chante pas ) et un roman photo à l’eau de rose Io ti amo, réalisé par Anthony Dawson, spécialiste du péplum et du film d’horreur (1967), aujourd’hui disponible en vidéo.
En tout état de cause, ces essais guère concluants ne recueilleront pas les faveurs du public qui continue pourtant d’aduler la chanteuse qui aligne encore les succès durant la décennie 70 (Gigi l’amoroso, le thème du film le parrain, une reprise disco de j’attendrai). Avec la vogue disco, la chanteuse se pare plus que jamais de paillettes et de couleurs, et la futilité de ses chansons fait un curieux contraste avec une succession de malheurs : le suicide de son premier mari, puis de son amant Richard St Germain. Au début des années 80, l’artiste connaît un déclin certain amorcé par la naissance des radios libres et d’un rajeunissement de l’auditoire. Proie des humoristes , l’artiste peine à retrouver le succès. Ses tentatives pour adopter un répertoire moins facile sont des échecs commerciaux.
Le cinéaste égyptien Youssef Chahine lui propose alors de jouer dans le 6ème jour (1986): un drame non musical à 1000 lieux d’itsi bitsi petit bikini ou autres Kalimba de luna. La vedette qui a toujours rêvé d’un beau rôle à l’écran accepte et relève le défi : la critique applaudit son étonnante interprétation d’une lavandière cairote. Sans artifices ni falbalas, Dalida est belle et émouvante dans ce rôle dramatique qui sera acclamé en Égypte mais ne rencontrera pas un succès populaire en France.
Très dépressive et sans doute sceptique sur l’évolution possible de sa carrière, Dalida se suicidera en 1987. Son frère Orlando a très bien réussi à faire entretenir le mythe de sa célèbre sœur en sortant régulièrement des compils et opérations marketing. Moquée de son vivant, la chanteuse est désormais respectée par la jeune génération du monde musical et reste populaire auprès du public et notamment de la communauté gay : un phénomène de société qui repose probablement davantage sur la sympathie , l’humanité et la fragilité du personnage que les qualités intrinsèques de son répertoire.











vendredi 13 août 2010

Ruth Leuwerik, la noble héroïne des mélos d'après guerre


La talent de Ruth Leuwerik grande dame du cinéma sentimental allemand des années 50 n’a pas souvent été apprécié à sa juste valeur en raison de l’aspect lacrymal et très féminin des mélos qui lui ont apporté la gloire autrefois et du mépris des cinéphiles pour le cinéma allemand de cette période souvent jugé archi-conventionnel et inintéressant. Pourtant, il conviendrait de redécouvrir cette fiévreuse interprète délicate et tourmentée, qui aurait pu briller dans des fresques romanesques comme les hauts du hurlevent ou Jane eyre. Loin d’être une « pleurnicharde poupée de salon » pour reprendre quelques acerbes critiques français, la Deborah Kerr allemande était une excellente comédienne : elle fut aussi l’interprète de la toute première version (un gros succès commercial dans toute l’Europe) de la Mélodie du bonheur, ce qui justifie amplement sa présence sur ce blog.

Née en 1924, Ruth Leuwerik d’abord exercé en tant que dactylo avant de travailler à la fin de la guerre dans une usine d’armement. Avec ses maigres revenus, la jeune femme prend des cours de théâtre.
A force de persévérance, Ruth va faire de sa passion un métier. C’est à Brême en 1947 que sa carrière théâtrale débute véritablement : elle joue Shakespeare et Pirandello.
Au début des années 50, l’actrice assure quelques doublages en allemand de stars américaines (Maureen o’Hara notamment), avant de décrocher quelques rôles qui vont rapidement la rendre très populaire comme « la grande tentation » un bien médiocre mélo se déroulant dans le milieu hospitalier (qui curieusement a toujours fasciné les lectrices de romans à l’eau de rose) ou « l’amour n’est pas un jeu » , à l‘intrigue particulièrement rocambolesque. On ne sait si des kleenex éteint livrés à l’entracte mais ces monuments de guimauve et de larmes ont rempli les salles de cinéma et fait de Ruth Leuwerik la première star du cinéma allemand. Forte et fragile à la fois, courageuse et patiente, elle incarnait pour le public féminin un véritable modèle. Il serait pourtant dommage de confondre l’actrice et ces romances à deux sous, pas toujours bien ficelées.
Comédienne sensible et subtile, Ruth Leuwerik aura davantage l’occasion de prouver ses talents dans les films historiques : elle incarne une fragile et digne Sissi l’impératrice dans la baroque version de Louis II de Bavière (1954) signée Helmut kautner le meilleur réalisateur allemand d’après guerre; Il s’agit d’un film visuellement superbe, aux couleurs flamboyantes et au charme étrangement glacé. Pour apprécier davantage le film, on aurait peut être aimé un peu plus de démesure et de folie. De même, l’homosexualité du roi n’est presque jamais insinuée (époque oblige), alors qu’elle explique tout de même partiellement les angoisses du souverain et son mariage avorté avec la sœur de Sissi. En tout état de cause, l’interprétation de Ruth Leuwerik et d’OW Fischer est impeccable, et le film baigne dans un onirisme wagnérien fort prenant.
Elégante et blasée, l’actrice est moins à son aise en reine Louise de Prusse, implorant Napoléon d’épargner son pays.

Ruth Leuwerik chante pour la première fois dans Portrait d’une inconnue, un mélo de Helmut
Kautner, qui n’a certes pas le doigté d’un max Ophuls ou de George Cukor mais une subtilité qui lui permet de fort bien manier l’univers mélodramatique et féminin.
Le rôle d’Effi Briest, sorte de cousine allemande d’Emma Bovary, semblait taillé pour l’actrice : elle le tient parfaitement dans « Roses d’automne » comme autrefois la grande Marianne Hoppe. Bénéficiant d'une superbe photographie en agfacolor, ce mélo somptueux mériretait vraiment d'être redécouvert. La reine du mélodrame va connaître le summum de sa gloire en 1956
avec la famille Trapp, biographie romancée de la baronne von Trapp, bonne sœur novice dépêchée comme gouvernante dans une famille de sept enfants qu’elle va initier à la musique et au chant. Ce gentil mélo musical signé Wolfgang Liebeneiner tient entièrement sur ses épaules. Sa composition est étonnante : elle semble stressée, hyper émotive, gauche et attachante et loin de l’insouciance de la lumineuse Julie Andrews qui reprendra le rôle dans le remake américain. Mais c’est justement ce qui fait le charme et l’intérêt de cette version et j’imagine qu’aucune des deux vedettes ne ressemblaient à la vraie Maria Von Trapp, qui était beaucoup moins gentille dans la réalité! Coté musique, on est surpris de ne pas entendre les fameux airs de Rodgers et Hammerstein qui font la splendeur de l‘opérette américaine et du film de 1965 et qu’on attend à chaque scène. Ici, les enfants chantent du Bach et des cantiques…comme dans la réalité d’ailleurs et j‘en connais qui ne s’en plaindront pas! . La musique de Franz Grothe (un ami intime de Ruth Leuwerik) et notamment l’air principal sont de très bonne facture.
Alors, évidemment le film pèche par un excès de guimauve surtout dans sa seconde partie, ce qui lui vaudra quelques coups de griffe de la presse française (un journal le qualifira de film le plus infame qu'on ait vu depuis longtemps!!!)…mais ne l’empêchera pas de faire un tabac en France, notamment dans les patronages!
Une suite tout à fait inutile (de l’aveu même de Ruth) sera tournée en 1958 : la famille Trapp en Amérique..; qui sera ainsi accueilli par la revue Cinéma « qu’elle aille au diable! ».
Auréolée par cet énorme succès, Ruth Leuwerik reçoit même des propositions d’Hollywood : Curtis Berhardt souhaite l’engager pour un remake d’Anna Karenine. Dubitative, l’actrice préfèrera décliner l’offre que de risquer les comparaisons avec Garbo (ce qui ne l’empêchera pas de jouer en 1965 dans un remake télévisé de Ninotchka).

En 1958, Ruth joue sous la direction de Robert Siodmak, revenu des USA, Dorothea la fille du pasteur , drame naturaliste qui dépeint la descente aux enfers d’une vieille fille ignorante. Le réalisateur espère bousculer ainsi l’image angélique et chaste de la bonne sœur chantante . Ce sera un ratage total : un mélodrame poussif et ennuyeux que même l’actrice n’arrive pas à sauver.
Heureusement, l’année suivante, elle se rattrape avec « elle n’a pas hurlé avec les loups » la biographie réussie mais pas très réaliste de Renate Muller, artiste de comédie musicale des années 30(Victor victoria) dont la tragique destinée sera un jour contée dans nos colonnes. A déafut de ressembler à la pétulante et exubérante actrice des années 30, la digne et réservée Ruth est vibrante d’émotions dans ce personnage de star amoureuse d’un juif dont la vie va basculer dans l’horreur : victime de persécutions nazies, elle mourra dans un asile psychiatrique dans des conditions restées mal élucidées.
Le film comporte de superbe scènes, notamment de déchirants adieux d’une belle intensité émotionnelle où Ruth court sur le quai de la gare, . En revanche, que l’actrice semble bien moins à l’aise (surtout vocalement) dans les scènes de comédies musicales.
En 1962, elle aborde sous la direction d’Helmut Kautner un virage difficile en incarnant la Rousse (avec Rossano Brazzi) une femme blasée qui plaque son mari et son amant pour faire le point sur sa vie : un mélo intimiste et introspectif qui s’inspire des films nouvelles vague; et qui laissera de marbre les critiques du festival de Venise, qui jugeront le résultat de « sous Antonioni« . Des rediffusions télé ont pourtant démontré que ce film intelligent était très largement meilleur qu’on ne l’avait dit et figure parmi les meilleures prestations de la star. Néanmoins, il sera fatal à la carrière de Ruth Leuwerik.
Même si l’actrice a souvent fait la une des magazines des années 50 , elle ne s’est jamais épanchée sur sa vie sentimentale , ni appuyée sur un quelconque scandale pour relancer sa carrière. On sait tout juste que ses mariages avec un comédien rencontré à ses débuts puis le grand baryton Dietrich Fischer-Dieskau ont tourné court, avant qu’elle n’épouse un ophtalmologiste.
Depuis les années 60, Ruth Leuwerik s’est fait discrète autant au cinéma qu’à la télévision (où on l’a aperçue dans des épisodes de l’inspecteur Derrick). Lors de ses interviews l’artiste étonne par sa grande modestie. Quand on lui demande pourquoi après avoir joué dans de pièces classiques au théâtre, elle s’est fourvoyée dans le cinéma populaire, Ruth Leuwerik rappelle le 7ème art doit avant tout demeurer un divertissement. Une grande dame qui mérite d’être redécouverte: une réédition en France de ses meilleurs films serait la bien venue et notamment de la famille Trapp, souvent réclamée par des cinéphiles au détour de forums spécialisés.(le film n’existe qu’en Allemagne et sans sous-titres).