samedi 21 novembre 2009

Aliki Vougiouklaki, insouciante BB grecque









Piquante et sexy, blonde au regard coquin, la mignonne Aliki Vougiouklaki fut un peu l’équivalent de Brigitte Bardot en Grèce à une époque où le cinéma de ce pays connaissait son apogée et également une fugace ouverture sur l’étranger. Si le public français n’a jamais vraiment accroché (seuls quelques films de la vedette sont sortis en France à la sauvette pendant la vogue du sirtaki), la jolie pin up a recueilli un succès certain en Espagne et encore plus en Turquie et en Israel. Malgré son décès elle conserve encore une certaine aura en Grèce, et la biographie rédigée par son fils et le téléfilm qui en fut tiré très récemment ont fait couler beaucoup d’encre. Bien plus que ses talents réels de comédienne (pas toujours reconnus à leur juste valeur) et de chanteuse (plus contestables), c’est son image d’une impudente et éclatante jeunesse qui ont fait sa gloire.
Née en 1933, Aliki a connu bien des drames dans son enfance. Après avoir réchappé de peu à une pneumonie alors qu’elle était un nourrisson, elle perd son père assassiné par les nazis pendant l’occupation allemande. Fascinée par Garbo et Mary Pickford, la fillette prend goût pour le théâtre lors des fêtes scolaires. A 19 ans, elle remporte le concours d’entrée de l’école nationale d’art dramatique où elle fait son apprentissage en jouant dans des pièces de Molière. Travailleuse et ultra professionnelle, on raconte qu’il ne lui a fallu que 3 jours pour apprendre les dialogues de Roméo et Juliette et remplacer une collègue malade. Avec une tel bagage, on aurait pu s’attendre à une carrière de comédienne classique , mais le cinéma va changer sa trajectoire. Après un premier film en 1954 (la souris, une adaptation de Pygmalion), l’actrice gagne du galon en quelques années dans une série de comédies faciles produites par la firme Finos où elle incarne de jeunes filles effrontées comme dans Aliki au collège (1960) où elle campe avec aplomb une collégienne amoureuse de son professeur. Parallèlement, elle triomphe sur scène dans la version grecque de l’opérette my fair lady (1958). En 1960, Aliki remporte le premier prix d’interprétation du festival de Salonique (pour la Mantalena, son premier très grand succès où elle entonne quelques jolies mélodies d’Hadjidakis , compositeur très réputé , qui fera beaucoup pour l’essor de la musique grecque dans le monde entier).
Mais plus que la reconnaissance des critiques, Aliki savoure la ferveur du public populaire qui l’acclame avec ardeur. Son personnage de fille du peuple, simple mais très sexy fait l’unanimité d’Athènes à Corfou. Le prince héritier Constantin II est également sous le charme, et les journaux évoquent une possible liaison. La raison d’Etat étant la plus forte et la vie n‘étant pas toujours un conte de fée , le prince n’épousera pas la BB grecque mais Anne-Marie du Danemark, fille du roi Frédérick IX. Aliki peut toujours se consoler avec ses succès cinématographiques. La fille de l’amiral (à ne pas confondre avec le musical hollywoodien de Roy Rowland) sorti en 1961 bât tous les records d’entrée en Grèce (590 000 entrées, un chiffre inouï pour l‘époque), et près de 50 ans plus tard demeure le troisième plus gros succès de l’histoire du cinéma grec!
Il s’agit comme la plupart de ses films d’une comédie musicale un peu simplette (pour rejoindre son fiancé engagé dans la marine, une jolie blonde se déguise en moussaillon ) agrémentée d’airs folkloriques entraînants. La voix d’Aliki n’a rien d’extraordinaire, mais se laisse écouter, et son charme juvénile à mi chemin entre Sandra Dee et Sophie Daumier fait mouche. Si la vedette grecque fait sensation au festival d’Édimbourg, les tentatives des producteurs pour l’imposer au public anglais échouent . Aliki my love (1963), son premier film anglais , réalisé par Rudolph Maté, pour lequel elle a collaboré au scénario et qui la présente sous un jour encore plus sensuel, est un gros flop (en raison notamment des grosses difficultés de la comédienne avec la langue anglaise).
En dansant le sirtaki (1966) vise également un public international, sous le charme des rythmes hellènes depuis le succès du film Zorba le grec. En épouse jalouse d’un peintre en bâtiment, l’artiste tente de faire mûrir son personnage d’éternelle adolescente mais sans grand succès si l’on en juge par les résultats du film aussi bien en Grèce qu’à l’étranger. Elle y donne une fois de plus la réplique de Dimitris Papamichael, qui deviendra également son mari dans la réalité pour la plus grande joie de ses fans (ils auront un fils en 1969). Elle le retrouve dans Notre amour, adaptation bien peu convaincante d’une étoile est née à la mode grecque. Si le petit film parait presque ridicule à coté des chefs d’œuvre hollywoodiens, Aliki y révèle un vrai talent dramatique et une forte capacité d’émotion.
Soucieuse de rétablir une carrière un peu déclinante, la comédienne n’hésite pas à reprendre ses rôles d’adolescentes effrontées dont elle n’a plus l’âge. C’est pourtant un film de guerre et une composition dramatique qui vont rétablir son statut d’étoile nationale : Lieutenant Natacha (1972). Elle y incarne avec talent une veuve qui rentre dans la résistance. Capturée et torturée par les nazis, elle devient amnésique et perd l’usage de la parole . C’est un triomphe encore plus grand que la fille de l’amiral. Le film reste à ce jour le plus gros succès du cinéma en Grèce. On la retrouve ensuite dans un remake de Johnny Belinda qui avait valu jadis à un oscar à Jane Wyman. Encore un rôle difficile (de sourde muette victime d’un viol) dont elle se tire remarquablement.
Après son divorce avec Dimitris Papamichael le déclin du cinéma grec, Aliki va essentiellement poursuivre sa carrière sur scène dans des opérettes comme la mélodie du bonheur ou Cabaret, avec beaucoup de bonheur. De passage à Athènes, Laurence Olivier subjugué par son interprétation du musical Évita déclaré qu’il n’avait jamais vu une meilleure incarnation du personnage. On peut lui faire confiance !
Décédée à l’âge de 63 ans d’un cancer au pancréas, celle qui avait si bien incarné l’insouciance et la jeunesse eut droit à des funérailles nationale. Elle continue de déchaîner les passions dans son pays si l’on en juge par les réactions lors de la sortie de la biographie que son fils lui a consacré ou du téléfilm qui en fut tiré, jugé indigne de sa personne.
Pour les cinéphiles qui souhaiteraient la découvrir, rappelons que la firme Finos ressort son catalogue sous forme de coffrets, avec des sous-titres anglais.


mercredi 11 novembre 2009

Mona Goya, l'optimisme incarné







Pimpante et gaie, la blonde Mona Goya a promené son personnage naturel de bonne vivante dans un nombre important de comédies souvent musicales du cinéma français des années 30. « Vedette moyenne d’un cinéma moyen » pour reprendre la plume assassine d’un critique indélicat, la fantaisiste n’a certes pas toujours fait preuve de beaucoup de discernement dans le choix de ses rôles. Il semble même qu’elle ne refusait aucun projet qu’on lui présentait. Mais le public populaire d’avant guerre savait que sa présence sur une affiche garantissait bonne humeur et drôlerie et c’était l’essentiel.
Née en 1909 à Mexico de parents français, Mona Goya a très tôt manifesté l’envie de faire du music hall. Encouragée par sa maman, la jeune fille démarche les studios de cinéma avec une série de photos sous le bras. Germaine Dulac, l’ambitieuse célèbre réalisatrice avant-gardiste la remarque et lui confie un petit rôle dans l’oubliée « rêve cinématographique « sur la vie d’un ouvrier victime du cinéma! Mona Goya parait l’année suivante dans l’argent, le chef d’œuvre de Marcel Lherbier avant de trouver enfin un premier rôle dans l’effet d’un rayon de soleil, étonnante et fort drôle première œuvre de Jean Gourguet, dans le sillage de René Clair.
Néanmoins compte tenu des aléas traversés par l’industrie cinématographique française à l’orée du parlant, la jeune comédienne se retrouve sans emploi et réduite à faire de la réclame pour des boîtes de conserve. Tentant le tout pour le tout, elle s’exile ensuite en Angleterre afin de solliciter un rendez-vous avec les studios Elstree qui lui confient un rôle dans the lady from. the sea avec le futur Ray Milland.
Avec l’avènement du cinéma sonore, les studios hollywoodiens sont en quête de comédiens maîtrisant les langues étrangères pour jouer dans les adaptations de films américains destinés aux publics étrangers. En effet, la technique du doublage n’était pas encore utilisée et les grands studios , qui ne tenaient pas à perdre le marché lucratif européen n’hésitaient pas à mettre en chantier des versions multiples. Une aubaine pour une jeune actrice polyglotte en devenir comme Mona Goya.
On la retrouve ainsi à Hollywood au générique des versions françaises de Jenny Lind (dont la vedette est Grace Moore) et de Soyons gais (où elle reprend le rôle de Sally Eilers). De cette époque bénie, Mona Goya conservera le souvenir des week-end passés avec le couple Feyder/ Françoise Rosay , bouée de secours des français expatriés. La solitaire Garbo était d’ailleurs une invitée fréquente des fêtes organisées par les deux artistes.
Parmi les films de cette période américaine, Révolte dans la prison (1930) du grand Paul Fejos est probablement le meilleur et en tous cas le plus populaire (aussi bien dans ses versions anglaises que françaises). Le principe des films en multi versions va vite être abandonné pour des raisons économiques, grâce procédé du doublage (qui au départ provoquera quelques réticences : les dialogues étaient traduits tels quels, et ne correspondaient plus aux mouvements des lèvres des acteurs). En outre, il faut tout simplement reconnaître que le public français et étranger avait envie de revoir les vedettes américaines et pas des artistes de 2ème catégorie en train de les imiter. En tout état de cause, Mona Goya avait eu le temps de se faire un nom, et à son retour en France, ne sut où donner de la tête ; on la retrouve ainsi au générique de la bande à Bouboule, comédie marrante avec le très populaire Milton ou des comédies musicales comme les époux célibataire de Jean Boyer, le réalisateur français le plus prolixe dans ce genre spécifique avec le très bon chanteur Fred Pizzela, trop tôt disparu. Après les versions françaises de films américains, Mona se frotte aussi à une adaptation d’un film allemand , le musical Cavalerie légère (1935), adaptation elle reprend le rôle de Marika Rökk, vedette hongroise partageant la même image optimiste et joyeuse. Elle épouser son partenaire du film, le très oublié Fernand Fabre.
On se souvient surtout de ses apparitions aux cotés de Fernandel et notamment de l’hilarant François Ier (elle incarne la belle ferronnière) et de la fameuse scène de la chèvre qui a fait les belles heures de la séquence du spectateur.
En 1939, Mona Goya remporte un beau succès dans Feux de joie, un des meilleurs films de l’orchestre de Ray Ventura dont est tirée le célèbre ça vaut mieux que d‘attraper la scarlatine. Comme un dernier pied de nez avant un cataclysme, elle pose en maillot de bain , en imitant Hitler dans le dernier numéro de Cinémonde paru juste avant la débâcle.
Pendant l’occupation, la vedette reste très active. Tout en paraissant dans des comédies peu ambitieuses, l’artiste tente de diversifier ses activités en s’essayant au tour de chant dans le cabaret de Suzy Solidor puis les plus grands music hall de l’époque comme l’ABC ou Bobino. Curieusement, elle préfère le genre réaliste aux gaudrioles et se consacre avec opiniâtreté à son nouveau job en prenant des cours de chant. Ses enregistrements (la chanson du film caprices ou de l’aventure est au coin de la rue) révèlent d’ailleurs une voix juste et bien timbrée mais assez impersonnelle. Edith Piaf qui apprécie beaucoup sa fantaisie et son sens de la fête lui confiera certaines chansons. A son répertoire figurait aussi Yes Sir le tube de Zarah Leander, si populaire pendant cette sombre période.
Alors qu’elle est toujours l’épouse de Fernand Fabre, Mona Goya va vivre une courte liaison avec Sacha Guitry, séduit par sa verve et son franc parler qui n’hésite pas à s’afficher lors des premières avec sa femme et sa maîtresse. D’ailleurs, il les met toutes les deux en scène dans Donne moi tes yeux (1943), un film calqué sur les démêlés conjugaux du fameux dramaturge (un sculpteur fait semblant d‘être épris d‘une chanteuse pour rendre sa femme jalouse)
dans lequel Mona case également une chanson.
Après guerre, Mona Goya continue de paraître dans diverses comédies populaires, notamment aux cotés de Bourvil, mais dans des rôles de moindre importance.
Au théâtre, elle triomphe en revanche dans Clérembard de Marcel Aymé, où son personnage de la langouste, prostituée haute en couleurs lui vaut les meilleurs critiques de sa carrière.
Luttant depuis des années contre un cancer, et prématurément vieillie, Mona Goya n’est plus la vamp d’autrefois et peine à poursuivre sa carrière à la fin des années 50. Sa vieille amie Edith Piaf n’oublie pas de lui réserver un rôle pour son dernier film les amants de demain (1958). C’est à peine si on la reconnaît dans les vieux de la vielle (un classique de Gilles Grangier qui autrefois repassait sans arrêt à la télévision) où elle donne la réplique à Jean Gabin, son acteur favori, tant sa silhouette est alourdie et ses traits fatigués.
Mona Goya nous a quitté en 1961 à 52 ans seulement. La médiocrité de la plupart de ses films et aussi le fait que certains soient totalement invisibles depuis des lustres (je pense notamment aux versions françaises des films américains, jamais rediffusées ….et s’il y avait des pépites cachées?) expliquent pourquoi la comédienne est fort peu connue des moins de 60 ans. Dommage.