dimanche 4 octobre 2009

Annie Cordy, clown de la chanson









Véritable clown de la chanson française, dont la carrière au music hall, au théâtre, au cinéma ou sur disques, n'a jamais connu d'interruption en 60 ans, Annie Cordy n'est peut être pas reconnue à sa juste valeur, en dépit d'une côte d'amour indiscutable auprès du grand public. Toujours désireuse de plaire à celui-ci, l'artiste qui a pourtant révélé à l'écran l'étendue de son talent et des qualités réelles de comédienne dans des films dramatiques d'excellente facture, s'est un peu noyée dans une variété de qualité plus que douteuse, en s'enfermant dans un personnage déjanté de fofolle survoltée qui a fait sa gloire. Toujours aussi incroyablement dynamique et active à plus de 80 ans, elle demeure en tous les cas une vraie leçon d'optimisme et d'énergie pour show business français.

Née en 1928, Annie Cordy suit des cours de danse et de piano. Après avoir remporté un concours de chant, elle devient meneuse de revue à Bruxelles. Son entrain et sa gouaille sont remarqués par le directeur du Lido qui la signe pour sa revue parisienne. Henri Bruneau, célèbre agent la prend alors sous son aile : celui qui deviendra son Pygmalion puis son mari met tout en œuvre pour lancer la carrière de sa protégée : il lui trouve un rôle dans l’opérette la route fleurie avec Georges Guétary (un très gros succès) et la lance dans la chanson en lui bâtissant un répertoire fantaisiste souvent emprunté à la chanteuse comique Lily Fayol qui fut très populaire à la libération et que Miss Cordy va rapidement supplanter. Dès 1953, Annie parait au cinéma dans Boum sur Paris pour claironner bonbons, caramels, un de ses tout premier tube, et l’un des airs les plus mémorables de ce film où se succèdent les plus grandes stars de la chanson de Piaf à Mouloudji. Après un caméo dans Si Versailles m’était compté de Sacha Guitry, la vedette belge obtient un grand succès dans la version filmée du plus gros succès de Luis Mariano « le chanteur de Mexico », très agréable comédie sans aucune prétention où elle campe bien son personnage cocasse et touchant de jeune fille amoureuse (et chante avec émotion ça m’fait quelque chose) . Si la chanteuse cumule les succès sur disque (Léon, fleur de papillon, la ballade de Davy Crockett…) et parait fréquemment à la télévision dans les émissions de Jean Nohain d’aucuns soulignent déjà une tendance à en faire trop (Dans la revue des 2 mondes de 1955, un journaliste se demande pourquoi Annie Cordy truffe son interprétation de clins d’œil à se retourner les paupières, de trémoussements à se faire sauter les clavicules, et qu‘avec tant de dons, elle soit passée à coté de l‘efficacité)? Choisie pour égayer les festivités du mariage du prince Rainier et de Grâce Kelly, la chanteuse est engagée pour une série de tour de chant au Plaza de New York où Piaf vient l’applaudir. Devant la réticence de son mari Bruneau, elle renonce à paraître dans une comédie musicale qu’on lui propose à Broadway. En 1957, elle joue en Allemagne dans un très honnête remake de Victor Victoria (avec Johannes Heesters), qui ne vaut tout de même pas la version que tournera Blake Edwards en 1981.
Alors que sa version de la chanson du film « le pont de la rivière kwai » est sur toutes les lèvres, la chanteuse figure dans un musical filmé bâti sur la célèbre chanson « cigarettes, whisky et petites pépées « dont elle a fait le succès avec Eddie Constantine, mis en scène par Maurice Régamey (décédé en août dernier): c’est un honnête divertissement de second ordre, comme on en faisait beaucoup à l’époque.
Tabarin (1958) est vraiment nullissime et montre à quel point la France n’était pas douée pour la comédie musicale. Dans le rôle d’une meneuse de revue (comme à ses débuts), Annie gigote et se démène dans une intrigue inintéressante où figure aussi Michel Piccoli et le météorique symbole sexuel Sylvia Lopez. Sporadiquement, elle figure en tant que comédienne dans des séries B « qui n’ont pas marqué l’histoire « comme le reconnaît humblement la chanteuse, même si elle s‘est bien amusée en ly participant. Saisissant au vol toutes les modes (le hulula hop, le rock) et les chansons les plus remuantes et rarement les plus subtiles, Annie Cordy figure parmi les plus grosses vendeuses du disque. Avec l’arrivée des yéyés et d’une nouvelle génération d’artistes qui change le visage du music-hall français, la chanteuse se tourne davantage vers l’opérette aux cotés de Luis Mariano, Francis Linel, Bourvil ou encore Darry Cowl, un genre où son énergie peut être un peu trop débordante n’a aucun mal à remplir les salles.
A la fin des années 60, Annie fait son retour au cinéma. Seulement il est fini le temps des comédies musicales aux couleurs faiblardes et au scénarios téléphonés (d‘ailleurs, totalement passées de mode), la chanteuse décide d’aborder le registre dramatique dans une série de films initié par l’étonnant Passager de la pluie de René Clément (où elle joue la mère de Marlène Jobert) où son interprétation juste et sobre « loin de ses pitreries musicales » est saluée par la critique. Et dire qu’Annie n’a pu obtenir le rôle qu’avec l’appui de l’épouse et de la mère du réalisateur les producteurs et Sébastien Japrisot ne voulant absolument pas d’elle pour le film!
Le Chat (1974) de Granier Deferre ( autre film archi rediffusé à la télévision) donne à l’occasion à Annie d’affronter le duo électrique composé par Jean Gabin et Simone Signoret , en pleine crise conjugale (elle tient le rôle d’une prostituée un peu fanée qui couche avec Gabin).
A coté de ces films particulièrement marquant, elle figure au générique de nombreuses comédies aussi stupides que la dernière bourrée à Paris (1974). Coté variété, près avoir joué dans l’dapatation française du musical Hello Dolly, Annie Cordy fait un véritable retour en fanfare avec l’énorme succès de la bonne du curé, qui va faire d’elle une des chanteuses préférées des enfants. Surfant sur ce succès facile, la chanteuse dont le seul but est de faire sourire, ne va hésiter à se galvauder avec joie dans un répertoire de plus en plus débile il faut bien l’avouer.
Comme elle l’a souvent remarqué, le public la préfère ainsi que dans ses chansons tristes (sa chanson hommage à Bessie Smith qui lui avait valu un grand prix du disque) ou dans le personnage tragique et poignant de vieille folle qu’elle tient dans Rue haute (1976) d’André Ernotte, un drame très émouvant sur l’holocauste qui n’aura hélas aucun succès. Aussi, Annie va désormais revenir à ses oripeaux de clown, aux tresses de Frida Oum papa, à la tasse bouillante de cho ka kao et à tous les accessoires clinquant qui accompagnent ses prestations télévisuelles. Les journalistes et humoristes ne manquent pas de fustiger « ce personnage détestable de fofolle » et ses chansons « bonnes pour un asile d‘aliénés« , Mais après tout pourquoi pas? Est-il déshonorant de distraire et de faire rire, avec ou sans gros nez rouge, quitte à en faire des tonnes? Faut il regretter comme l’académicien Paul Guth, inconditionnel d’Annie Cordy qu’elle n’ait pas été américaine et que le public français et belge qui adore coller des étiquettes l’ait cantonné à son personnage de boute-en-train.

Dans les années 80, l’interprète de Tata Yoyo et de cot cot coin coin fait des incursions de plus en plus fréquentes dans des téléfilms et souvent avec plus de talent que sa vieille collègue Line Renaud.
En 1989, elle s’essaie à nouveau au drame dans un film belge réalisé de façon trop conventionnelle « Impasse de la vignette » qui là aussi ne rencontrera pas son public malgré son portrait haut en couleurs de la vie d’une femme de mineur que l’on suit sur trois décennies.
Toujours très active, l’infatigable Annie poursuit sa carrière au cinéma (des rôles secondaires dans des comédies populaires plutôt douteuses comme Disco avec Frank Dubost) et sur les planches. Anoblie en 2004 par le roi des belges Albert II, la baronne Annie Cordy a pour devise « la passion fait la force ». Ceci explique peut être l’énergie incroyable qui l’habite encore et dont elle a fait preuve lors la quatrième tournée « âge tendre et tête de bois » (dont elle en fut d’ailleurs l’artiste la plus applaudie).







1 commentaire:

  1. Merveilleuse Annie, géniale diablesse, talent incommensurable, reine du Music-hall, magique star, voix plastique, regard infini, corps débridé, multicolore, toujours en mouvement, pailleté de soleil... Pas une aujourd'hui pour balayer ta cheville, même avec une jolie voix, un physique ravageur. N'est pas clown qui veut. Et plus encore, cette faculté exceptionnelle à passer d'un rien du burlesque extrême à la gravité du désespoir, à l'image de ton vieil ami, autre génie, notre éternel Bourvil... Avec cette même justesse, ce mime ciselé, ces cordes vocales au diapason... Reçois notre respectueux salut, notre hommage amoureux de ton grand art, de ta science de la scène, cette énergie capable de tout... Même attendrir les bourreaux, aider le peuple à vivre, première mission de l'artiste. Chapeau Madame et merci! Nous vous embrassons de tout cœur et jamais ne vous oublierons.

    Christian Souque

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