dimanche 30 août 2009

Irene Dunne, grande dame du cinéma américain









Née à Louisville (Kentucky) en 1898 (et non en 1904 comme elle l'a longtemps prétendu), Irene Dunne s‘installe chez ses grands parents dans l‘Indiana après le décès de son père, un inspecteur de la brigade fluviale. Diplômée du collège musical de Chicago, le jeune femme après avoir raté son audition pour le Metropolitan opéra de New York, décide de se rabattre sur l’opérette en tentant sa chance sur les scènes de Broadway. Doublure de Peggy Wood, l’actrice est catapultée sous les feux de la rampe, quand la star du show se retrouve aphone. Remarquée par le célèbre monteur de revues Flo Ziegfeld (dans un ascenseur!), l’actrice est engagée pour la tournée du musical Show boat. Après son mariage avec un dentiste en 1928, l’actrice a l’intention de mettre un terme à sa carrière quand les studios de la RKO en quête de nouveaux visages et surtout de bonnes voix pour les premiers films parlants lui proposent un contrat. Coiffant sur le poteau 18 autres comédiennes, l’actrice remporte le rôle principal féminin du western Cimarron, et déjà une nomination à l’Oscar avant d’être cataloguée dans une série de mélo lacrymaux pour public féminin, de qualité parfois discutable. « j’ai tant pleuré dans ces films, qu’on aurait pu remplir plusieurs piscines ! »déclara plus tard Irène.
Back Street et le secret magnifique, deux mélos de meilleure facture que les précédents vont faire d’elle une des plus grandes stars des années 30. La RKO très secouée par la dépression propose à l’actrice de revoir son salaire à la baisse en échange d’un intérêt sur les profits : un marché qui va s’avérer gagnant pour l’actrice. Fortune faite, l’actrice préfère ne plus renouveler son contrat avec la firme et voguer de ses propres ailes en choisissant elle-même son matériel, sans plus jamais subir de contraintes. Un luxe inouï pour l’époque qui va lui permettre d’aligner un grand nombre de films de qualité, alors que la plupart de ses collègues, prisonnières de longs contrats, sont contraintes d’accepter ce que leur studio leur propose. Dans les premiers temps, Irène décide de renouer avec ses racines et un genre qui lui tient (et qui nous tient) à cœur : la comédie musicale. C’est vrai qu’à la RKO, on a rarement misé sur ses cordes vocales jusqu’à présent hormis dans le mélo le secret de mme blanche ou dans le piètre western musical Stingaree où elle entonne même à un extrait de Faust (de façon assez correcte). On la retrouve dans trois opérettes du fameux compositeur Jerome Kern le nostalgique et pas très convaincant Un soir en scène, dont on retiendra surtout le plaintif why was I born et Roberta dont elle partage l’affiche avec Astaire et Rogers. Le couple de fabuleux danseur est si charismatique, qu’il a tendance à éclipser notre actrice même si elle parvient à retenir l’attention en nous livrant le classique et universel « smoke gets in youri eyes » avec émotion. Elle s’y révèle égale à sa collègue Jeanette Mac Donald, c’est-à-dire que sa façon de chanter a pris un sacré coup de vieux aujourd’hui. Sans être grinçante, sa voix se traîne comme sur un vieux phonographe et se révèle peu agréable à l’écoute, enfin, ça n’engage que moi! On a gardé la meilleure opérette pour la fin: il s’agit du fameux Show boat (théâtre flottant) , dans sa meilleure version signée James Whale (plus connu pour ses films d‘horreur). Irene, qui a longtemps joué le rôle de Magnolia en tournée, n’a aucun mal à se glisser dans la peau de cette jeune actrice (alors qu’elle a déjà 38 ans!) éprise d’un joueur invétéré. Entourée d’une distribution mythique (Paul Robeson, Helen Morgan), l’actrice brille dans ce film réaliste qui mêle avec beaucoup de talent sentimentalisme, humour et drame sur des airs immortels. Loin d'être amateur de son ramage, j'avoue pourtant que j'apprécie fort sa version toute personnelle du classique "can't help lovin' that man" qu'elle chante et danse avec une bonhommie tout à fait épatante, alors que dans toutes les reprises, ce fameux air est chanté souvent superbement, de façon déchirante, comme un blues. Un film superbe, rediffusé en son temps sur ciné classic, qu’on attend toujours sur DVD.
La furie de l’or noir réalisé par Mamoulian (1938) sur un livret de Kern et d’Oscar Hammerstein ne tient pas toutes ses promesses. Prévu en technicolor, le film sera tourné en noir et blanc. En voulant conjuguer drame épique, western et opérette , le réalisateur a sans doute vu trop grand pour bien cerner son sujet, d’autant plus que les chansons ne sont guère mémorables hormis the folks who live on the hill, chanté par Dunne qui sera repris par beaucoup de chanteurs ultérieurement. Les critiques sont mitigées et d’aucun soulignent qu’Irène ne vaut pas Jeanette Mac Donald dans ce genre d’opérettes (même si elle est coiffée et vêtue dans un style très similaire) et qu’elle est trop mure pour le personnage. Peut-être un peu vexée par la comparaison, Irene ne s’aventurera plus sur le territoire de l’opérette filmée où Jeanette MacDonald va encore briller pendant quelques années.
Après cette parenthèse musicale, l’actrice va faire preuve davantage de flair en s’orientant vers les screwballs comédie (Théodora devient folle, cette sacrée vérité) où sa fantaisie, son entrain et son jeu spirituel vont enfin trouver l’écrin qui lui convient parfaitement. A l’occasion, il lui arrive aussi d’y pousser la chansonnette comme dans quelle joie de vivre (1938) un exemple(pas le plus réussi) de ce genre de film un peu foufou avec des personnages déjantés évoluant dans un doux délire. Las chansons qu’Irène y entonne, pourtant encore issues de la plume de Jerome Kern, ne sont guère mémorables. Par la suite, Irène ne va plus chanter que de façon très occasionnelle à l’écran et ses interprétations ne feront pas l’objet d’enregistrements commerciaux.
C’est notamment le cas dans Elle et lui (1939) un superbe mélodrame et probablement l’une de ses prestations les plus mémorables ou Veillées d‘amour, toujours avec Charles Boyer, dans lequel elle interprète fort plaisamment la sérénade de Schubert. Comme la plupart de ses films, celui-ci fera l’objet d’un remake très réussi dans les années 50. On peut presque le regretter car du coup les versions originales interprétées par Irène disparaîtront longtemps du circuit pour ne pas nuire aux remakes. On a déjà déploré le fait que sa version de show boat soit presque invisible, mais faut il rappeler que Roberta, racheté par la MGM, échappa de peu à la destruction!
Après quelques mélodrames sentimentaux tournés pendant la guerre, l’actrice obtient encore de jolis succès dans des films familiaux et nostalgiques comme maman (1948). Mais l’échec retentissant d’une biographie de la reine victoria (1950) et d’une comédie idiote vont brutalement mettre un terme à plus de 20 ans de succès. A ce sujet, l’actrice avouera qu’elle n’était pas forcément le meilleur juge des rôles qui lui convenaient le mieux, et qu’elle avait failli renoncer à Anna et le roi, un de ses plus grands triomphes (qui fera l’objet lui aussi d’un remake (musical). Pourtant, elle s’est rarement trompée de metteurs en scène (sur ce point, elle était intraitable) et a su fort intelligemment mener sa carrière en privilégiant toujours la qualité. Dans les années 50, cette fervente républicaine et catholique pratiquante a animé, sans grand succès quelques spectacles à la télévision avant d’être nommée déléguée aux nations Unies par le président Eisenhower.
Comme elle l’a avoué, elle manquait d’ambition et a toujours privilégié sa vie privée à sa carrière à l’écran. Après le décès de son mari en 1965, l’actrice s’est retirée de la vie sociale en accordant avec parcimonie quelques interviews , avec beaucoup d’humilité et une bonne dose d’humour.
Après avoir assisté à une projection de l’exorciste, et constaté l’agitation du jeune public , Irène Dunne se demandait quelle serait leur réaction si on leur montrait l’un de ses vieux films…
Car comme on l’a déjà précisé, pendant de longues années, ses vieux films, qui ont presque tous fait l’objet de remakes, étaient totalement invisibles pour des raisons bassement mercantiles, aussi l’actrice fut elle injustement oubliée. Nominée plusieurs fois à l’Oscar, elle n’a jamais remporté la récompense suprême pour la seule raison qu’étant une artiste en free lance, aucun studio n’avait intérêt à lui attribuer un prix d’interprétation.
Quelques hommages lui furent néanmoins rendus avant son décès en 1990 et les jeunes générations ont à présent plus de facilités d’admirer son travail et ses films les plus connus, grâce aux DVDs. Certaine compilations sur CD présentent également certains de ses anciens enregistrements sur 78 tours presque toujours signés Jerome Kern comme I told every little star ou en I grow to old to drame qui furent respectivement chantés à l’écran par Gloria Swanson et Evelyn Laye, et qu’Irene n’a livré que sur disque.

dimanche 23 août 2009

Grace Chang, mambo girl







A la fin des années 50, alors que la Chine populaire ne proposait qu’un cinéma directement contrôlé par l’État (et par l’épouse de Mao Tsé-Toung), exaltant le patriotisme, les combats de l’armée rouge ou la résistance anti-coloniale, l’île de Hong-Kong, sous contrôle britannique concoctait une production très influencée par le cinéma occidental, et notamment des films de divertissement et de charmantes comédies romantiques honnies par le régime communiste.
Dotée d’une voix de rossignol et de réels talents de comédienne, la jolie Grace Chang (ou Ge Lan pour le public chinois) fut la première star du cinéma musical de Hong-Kong, frais et exubérant, qui conserve encore beaucoup d’amateurs en Chine et par le monde.

Née en 1934 à Nanjing, douzième enfant d’un professeur d’université, la petite Grace passe son enfance à Shanghai où elle prend des cours de chant lyrique avant de suivre sa famille pour Hong-Kong. Dès 1952, la jeune actrice obtient de petits rôles au cinéma, avant de signer en 1954 un contrat avec la firme MP&GI (Cathay) qui va faire d’elle, en quelques années, une étoile de première grandeur.
Si l’actrice parait très furtivement (dans un rôle de prostituée) dans le film américain d’Edward Dmytryck , le rendez-vous de Hong Kong avec Clark Gable (sa présence n’est même pas créditée au générique), dont certains passages sont tournés en Chine, elle est en revanche la star de Mambo girl (1957), qui va changer sa carrière et faire la fortune de son studio.
Cette adorable comédie romantique avec Peter Chan Ho (le Cary Grant chinois) va en effet enthousiasmer les spectateurs de classe moyenne, ravis par la fraîcheur et l’innocence de cette histoire d’orpheline en quête de sa vraie maman. Le film est tout simplement adorable, et notamment le personnage du papa adoptif, marchand de jouet, si attentionné pour sa fille. Il règne en outre un esprit très fifties dans cette comédie : les filles portent des pantalons, et s’éclatent en dansant le mambo et le rock lors de soirées d’anniversaire. Dès les premières secondes, Grace Chang se met remarquer en dansant sur un joli damier, avec un pantalon en vichy, tout en scandant magnifiquement un air qu’Yma Sumac n’aurait pas renié. On est immédiatement séduit par cet univers musical qui emprunte beaucoup aux rythmes latins, au jazz et au rock n’roll tout récent, tout en conservant quelques adorables ballades asiatiques.
Le triomphe du film est tel que la chanteuse fait parler d’elle à Hollywood. Elle s’y rend pour participer au fameux show télévisé de Dinah Shore, dont elle est la première invitée chinoise. Sa prestation sera suivi d’un 33 tours édité aux USA sous le libellé : « le rossignol de l’orient ».
Devenue la jeune fille idéale, Grace Chang va tourner pendant les années d’autre comédies charmantes, d’une innocence presque touchante, qui ravissent autant par leur tendresse que par leur ambiance lounge. On y aborde des thèmes du quotidien comme l’achat d’une voiture à crédit dans "la voiture de mes rêves" (1958) ou la quête du mari idéal (June bride 1960), en y insufflant toujours une bonne dose d’ironie et de musique.
Si Grace Chang est toujours parfaite dans cette production plutôt inoffensive, sa plus mémorable et étonnante prestation demeure celle de la rose sauvage (1961) adaptation de Carmen de Mérimée à la sauce chinoise. Loin de ses rôles habituels de jeunes filles sages, l’actrice irradie littéralement dans son personnage d’entraîneuse de cabaret qui jette son dévolu sur un pianiste déjà fiancé qui cède inévitablement à la tentation. Au fil du film, on comprend que la personnalité de l’artiste est plus nuancée : ce n‘est pas qu‘une femme volage et cynique, mais un être généreux qui aide en cachette la famille d’un ancien musicien. Si certains passages mélodramatiques sont sur joués et presque risibles (notamment celui où le vieux musicien dispute sa femme pour la forcer à prendre ses médicaments pendant que les enfants pleurent), d’autres sont fascinants (comme la scène de séduction où Grace Chang parvient à conduire le pianiste dans son lit. Quelle sensualité! Coté musique, on nous offre une mixture d’airs d’opéra occidentaux (Carmen bien sûr, la veuve joyeuse…) à la sauce mambo, jazz ou blues : c’est souvent très réussi, grâce à la voix ensorcelante et à l’éclectisme de Grâce Chang.
Après ce triomphe, Grace Chang se marie et part en lune de miel autour du monde. Elle se lasse très vite de sa carrière au cinéma, qu’elle abandonne dès 1964. C’est vraiment dommage car une artiste aussi douée aurait certainement pu explorer encore d’autres horizons, notamment quand on regarde un de ses derniers films Par sa faute (1964), en scope et en couleurs, mis en scène par Wang Tialin auquel on doit déjà la rose sauvage. La variété des numéros musicaux y est impressionnante.
Si Grace Chang a déserté les écrans depuis 45 ans, son souvenir est resté vivace et elle ne cesse de gagner de nouveaux admirateurs qui redécouvrent ses films via les DVD. Ses chansons sont reprises dans des films récents (notamment the hole the Tsai Ming Liang en 1997). Invitée en 2004 par la cinémathèque française, l’artiste a du renoncer à son voyage, comme suite au décès de son époux.
Elle a toutefois accepté de paraître aux festivités organisées pour les 5 ans de la rétrocession de Hong Kong à la Chine.



samedi 15 août 2009

Waltraut Haas, la jolie viennoise



Saine et souriante, naturelle, la blonde Waltraut Haas disposait des qualités idéales pour évoluer dans la production cinématographique autrichienne des années 50 : des spectacles ultra conventionnels et parfaitement inoffensifs, souvent musicaux. Dans ses gentilles comédies dramatiques couronnées de happy end ou opérettes revisitées avec une pointe d’humour, la charmante actrice a toujours fait bonne figure. Alors qu’elle confiait un jour à son ami, la star américaine Tyrone Power , qu’elle allait encore tourner dans un heimatfilm (comédie folklorique), ce dernier lui rétorqua : oui, je vois, on a un peu l’équivalent chez nous, ce sont les westerns….le hic, c’est que parmi les heimatfilm on dénombre bien peu de chefs d’œuvre….

Née en 1927 à Vienne, la jeune Waltraut a passé son enfance au château de Schönbrunn où sa mère était restauratrice. Après quelques cours de comédie, la jeune fille s’est présentée à un casting organisé par le talentueux réalisateur autrichien Willy Forst (confessions d’une pécheresse, Bel ami) qui recherchait l’actrice idéale pour jouer la fille de Christel Mardayn (qui fut connue en France sous le nom de Christiane Mardayne) : la star des années 30 aurait exigé de dénicher la comédienne qui fasse la plus jeune possible. C’est ainsi que Waltraut fut retenue. Le film « Mariandl », une comédie sentimentale sur une mère célibataire qui retrouve le papa de sa fille après 18 ans d’absence fit vibrer la corde sensible du public allemand d’après guerre et remporta un vif succès . Si Mariandl ne fut même pas distribué chez nous, la chanson principale qu’y entonne Waltraut passa sans mal les frontières. Traduite en 20 langues, elle fut chantée en France par les sœurs Etienne sous le titre « douce Yolande ».
Après être retournée sur les planches, pour parfaire son jeu de comédienne, l’actrice revint au cinéma après deux ans d’absence . Très demandée, elle enchaîna film sur film : des opérettes comme la danse du bonheur avec Johannes Heesters et des films de terroir dont les titres seuls sont de véritables invitations au voyage …en Autriche ( petit mirage sur le Wolfgangsee, Bons baisers du Wachau, tu es la rose du Wörtersee…). Bien évidemment, on peut concevoir que la jeune actrice avait envie de s’évader de ce territoire un peu limité : une opportunité incroyable se présente en 1953 : la star Errol Flynn l’engage pour tourner à ses cotés dans une biographie de Guillaume Tell dont il assure le financement. Hélas, le film ne sera jamais achevé faute de moyens, et le roi Farouk d’Égypte contacté par Flynn refusera de sauver l’entreprise. Seule une trentaine de minutes furent tournées (dont une scène figurant Waltraut les seins nus) qui doivent dormir au fond d’une cinémathèque. Un extrait de 2 minutes figure dans un documentaire sur l’acteur américain. A la même période, un projet de film en cinémascope avec Rosselini échoue également pour des raisons financières.
La déception de l’actrice est grande d’autant plus qu’elle vient aussi de se séparer d’Hugo Koblet, champion cycliste, vainqueur du tour de France 1951, qui fit rêver les jeunes filles dans les années 50 et fut surnommé le pédaleur de charme (très soucieux de son apparence, il se passait un coup de peigne avant de franchir l’arrivée!).
Parmi la kyrielle de films interprétés par Waltraut Haas lors de cette période très fertile figure une version très réussie et picaresque due l’étudiant pauvre de Werner Jacobs (1955). Par deux fois, la jolie blonde partage l’affiche avec le grand ténor Rudolf Schock, très populaire en Allemagne. La voix que j’aime (1956) , par exemple, est un film familial plein de bons sentiments (avec une petite orpheline qui fait une fugue pour retrouver son chanteur favori) , de chansons et de jolies paysages. Un cinéma de papa, tout à fait charmant dans lequel Waltraut est parfaitement à l’aise.
Sans jamais minauder, Waltraut incarne toujours des femmes équilibrées, les pieds sur terre avec toujours un brin de fantaisie : à deux rares exceptions, jamais de drame.
De l’opéra à la canzonetta, on la retrouve ensuite dans « voyage vers le bonheur » avec le chanteur de charme Teddy Reno. Du soleil à la glace, on la retrouve sur patinoire (doublée par Eva Pawlik) dans une somptueuse revue sur glace "traumrevue", genre dans lequel les allemands excellent.
En 1958, Tyrone Power qui a sympathisé avec l’actrice lors d’un gala, propose à Waltraut de jouer à ses cotés dans un film sur la vie de l’empereur Maximilien au Mexique : le décès brutal du comédien mettra fin au projet. Le rêve d’une carrière à Hollywood tombe encore en éclats.
En 1960, l’actrice autrichienne trouve son rôle le plus marquant dans l’adaptation filmée de l’opérette l’auberge du cheval blanc. Un très gros succès commercial, snobé par les critiques fort sceptiques devant ce spectacle coloré de qualité très discutable. La version française, jadis disponible en vidéo, laisse vraiment à désirer avec son vilain doublage et ses chansons presque toutes tronquées. On prendra d’avantage de plaisir à revoir l’actrice dans le remake de Mariandl, le film qui a lancé sa carrière, mais cette fois dans le rôle de la maman. Un si gros succès qu’une suite sera tournée dans la foulée avec les tubes yéyé de la jeune vedette Conny Froboess.
Avec le déclin du cinéma allemand musical, Waltraut se tourne vers le théâtre où elle continue toujours sa carrière aujourd’hui. Lors de ses tournées en Allemagne et en Autriche, celle que l’on surnomme la Doris Day autrichienne joue et chante avec son mari Erwin Strahl dans des musicals comme I do I do ou des versions théâtrales de son fameux « Mariandl ». Elle chante toujours ce fameux air dans des émissions de variétés folkloriques de la télé autrichienne, qui semblent si incongrues pour le public français! Si l’actrice déclare aimer toujours le cinéma (elle a un faible pour les comédies américaines, et notamment pretty woman), l’écriture de contes pour enfants et le théâtre comble désormais sa vie . Elle vient de jouer dans une pièce comique où elle incarne une excentrique pensionnaire d’une maison de retraite qui fait croire à ses amis qu’elle a connu dans sa jeunesse les plus grandes stars d’Hollywood.

samedi 1 août 2009

Dany Dauberson, la voix la plus grave de Paris













Regard triste, silhouette élancée, moulée dans un fourreau noir ou pailleté, telle apparaissait dans les années 50, Dany Dauberson, dans son cabaret parisien le Caroll’s ( dont elle partageait la direction avec la sulfureuse Frédé) où elle enchantait de sa voix profonde aux accents parfois déchirants, un public essentiellement féminin.
Une artiste racée, qui n’a fait à l’écran que de furtives apparitions. Son exigence, sa forte personnalité et quelques scandales l’ont certainement privée des faveurs du grand public. Celle que Suzy Solidor considérait comme « sa filleule » mérite néanmoins d’être redécouverte, du moins par le biais de quelques rééditions en CD de ses principaux succès.

Née en 1925 au Creusot, Dany, jeune femme un peu sauvage rencontre à Lyon, l’actrice Carmen Torres (qui fut la vedette du film Solita de Cordoue de Willy Rozier). Leur amitié un peu trop passionnelle va provoquer un scandale, et contraindre Dany, à bout de nerfs, de monter à Paris où elle débarque un 14 juillet. Le soir même, elle rencontre Suzy Solidor, une des reines de la nuit, célèbre chanteuse à la voix grave (Lili Marlène, escale…), égérie des peintres et des photographes et icône du mouvement lesbien. Elle lance Dany qui très vite, part en tournée à travers l’Europe. Après s’être engagée dans l’armée américaine, elle commande en Allemagne le service des spectacles. On la retrouve ensuite en Egypte, au Caire et en Italie, où elle exporte la chanson française . De retour à Paris, en 1949, elle grave ses premiers 78 Tours. Si sa voix étonnamment grave, « une voix de velours dans une poitrine de fer », n’est pas encore parfaitement maîtrisée, on la remarque : mélancolie de pierre du dan est son premier tube. Sa personnalité peu banale et son physique (1 m 75, une taille de guêpe - peut -être retouchée sur les photos) intéressent le monde du cinéma. On annonce qu’elle jouera dans le secret de Mayerling de Jean Delannoy aux cotés de Jean Marais. Pourtant, ses débuts à l’écran sont ajournés. La vedette préfère se consacrer à sa carrière internationale : elle triomphe à Londres, passe à la télévision américaine et grâce plusieurs titres en anglais dont l’air du film « la fille du bois maudit » ou temptation de « Going Hollywood ».
En dépit de la qualité croissante de ses interprétations, et de sa notoriété certaine, Dany Dauberson n’est jamais parvenue à trouver sa place parmi les chanteuses françaises les plus aimées du public (elle ne figure pas dans les classements de la revue Music hall). Est-ce imputable à un manque de répertoire personnel (elle reprend beaucoup de titres crées par Piaf (Padam), Mick Micheyl (les bourgeois de Calais), Bécaud( si je pouvais revivre ma vie, l’absent)) ou à une vie privée considérée à l’époque comme hors norme, qui la confine à un public restreint? Si les journaux ne se privent pas de semer certaines insinuations dans leurs chroniques mondaines (en insistant sur le fait qu’elle compte moult admiratrices), son répertoire est très conventionnel (à peine peut-on discerner un message dans le célèbre « ni toi ni moi » de Mick Micheyl, une de ses plus belles interprétations). C’est bien dommage, car à la fin des années 50, la chanteuse maîtrise parfaitement son art et ses disques gravés pour Pathé et Odéon absolument superbes.
Au cinéma, on découvre d’abord Dany dans l’inconnue des 5 cités , co-production internationale et film à sketchs assez inégal, puis Soirs de Paris, une comédie musicale sans lustre destinée à l’exportation, avec Rita Cadillac, star du Crazy horse et le comique Henri Genes.
En 1957, Dany fait une courte apparition en guest star dans c’est arrivé à 36 chandelles, hommage à la fameuse émission de télé, où Dany reprend fort bien le tube de Mouloudji, un jour tu verras. La même année, on la retrouve dans un polar bas de gamme « par ici la sortie » avec Tony Wright, sorte de réplique d’Eddie Constantine. Toujours moulée dans un fourreau, la sirène de la chanson chante une romance quelconque dans un cabaret louche. En somme, rien de bien fameux.
Alors que le monde de la variété connaît des changements sans précédents, la liaison de Dany avec une princesse italienne, qui a quitté mari et enfants pour la vedette française, alimente la presse à scandale, surtout à l’étranger. Moins demandée chez nous, la chanteuse se produit encore dans le cabaret de sa vieille copine Suzy Solidor et grave son dernier 45 T (la rue sans issue) en 1965. Elle trouve un rôle secondaire de barmaid dans du Rififi à Paname, un polar de Denys de la Patellière avec Jean Gabin, où hélas, elle ne chante pas. En 1967, elle est victime d’un très grave accident de voiture avec sa compagne l’actrice Nicole Berger (tirez sur le pianiste, Noëlle aux 4 vents) qui trouve la mort.
Très affectée par cet évènement tragique, la chanteuse va abandonner son métier après quelques ultimes tournées en Israël et en Grèce. Déçue par le nouveau monde de la chanson (je reviendrai dans le métier, quand je serai aphone), elle dirige un restaurant à Antibes avant de nous quitter, emportée par un cancer, à 54 ans seulement.

La nuit sirène des cabarets chics, le jour fille de la nature et amie des animaux, Dany Dauberson n'a curieusement pas trouvé la voie qu'elle aurait mérité sur grand écran, mais laissé quelques beaux disques dont on espére au fil des années la ressortie en CD.