samedi 25 juillet 2009

Sonja Ziemann, délicate poupée du cinéma folklorique






Spécialité teutonne à consommation strictement locale le « heimatfilm » ou film de terroir a pullulé sur les écrans germaniques pendant les années 50 : splendides paysages, jolis chalets dans les montagnes, tyroliennes et charmantes paysannes étaient les principaux ingrédients de ces concoctions en guimauve destinées à apporter un peu d’optimisme et de sérénité au public allemand après la fin de la seconde guerre mondiale. Même si elle s’est souvent défendue de n’être apparue que dans 2 films relevant de ce genre si spécifique, la très belle Sonja Ziemann est pourtant liée dans l’esprit du public allemand à ce type de spectacle. Comme elle le souligne dans sa biographie, cette actrice d’une grande beauté (son frais minois était probablement l’un des plus gracieux de tout le cinéma européen) s’est pourtant illustrée dans de nombreux autres productions, souvent musicales, avec quelques incartades à l’étranger, en France notamment.

Née en 1925, Sonja Ziemann a suivi des cours de danse auprès de Tatjana Govski, avant de jouer les soubrettes dans des revues berlinoises au début des années 40. La très jeune artiste est aussitôt repérée par des producteurs qui lui offrent des petits rôles d’adolescentes dans des comédies tournées à Prague, le plus souvent. Mutine et espiègle, la jeune actrice a encore les joues rebondies d’une gamine, mais son charme opère déjà. Néanmoins, c’est après le conflit que sa carrière démarre vraiment : elle enchaîne les rôles dans toute une série d’opérettes filmées comme Une nuit de folie , les joyeuses commères de Windsor et surtout la fiancée de la forêt noire (1950) d’Hans Deppe scintillante niaiserie musicale et premier film allemand en couleurs d’après guerre. Sonja porte joliment le chapeau à pompons de la contrée et forme un joli couple avec le viril Rudolf Prack : le public en redemande.
Verte est la vallée (1951), avec le même duo, aura encore davantage de succès (19 M de spectateurs!) et jettera toutes les fondations et les clichés du genre « heimatfilm » qui va sévir pour 10 ans outre-Rhin. Des vagabonds chantant des airs folkloriques, une histoire d’amour contrariée entre une bergère et un garde forestier lutant contre des braconniers, tous les ingrédients sont là pour distraire un public facile. Évidemment cela a vraiment mal vieilli même si on ne peut s’empêcher de trouver des similitudes entre ce genre de confiserie régionale et les feuilletons fleuves de l’été que nous proposent les chaînes télé depuis quelques années.
Désireuse de ne pas s’enfermer dans ce genre très limité et peu porteur, Sonja malgré le triomphe des films précités, se tourne vers les comédies, souvent musicales. Il s’agit souvent d’opérettes viennoises comme bal à l’opéra (1956) ou le bal de l’empereur (1956), spectacles colorés sur fond de valse et de quiproquos, pas du tout désagréables et plutôt bien ficelés. Le Tzaveritch (1954) avec un Luis Mariano moustachu est par contre une piteuse adaptation d’une oeuvre de Franz Lehar . Filmé en noir et blanc, l’opérette ma sœur et moi (1952) manque vraiment de lustre alors que jeunes filles de Hollande, image d’Epinal d’Amsterdam (avec Sonja dansant avec ses sabots et sa cornette) peut faire sourire au second degré.
Dans un genre plus moderne, Sonja reprend le Teddy bear créé par Rosita Serrano dans le biopic consacré au compositeur des années 30 Theo Mackeben, Près de toi chéri (1954). Sa séquence, où déguisée en fillette, elle danse et chante avec un grand nounours en peluche est une des plus réussies du film. En visionnant le passage on sent bien que la belle savait fort bien danser et on ne peut que regretter de ne pas l’avoir vu davantage sur une piste de danse. Et ce n’est pas ses quelques pas furtifs dans « Nous irons à Hambourg »(1954), qui suffisent à combler notre apêtit.
Le cinéma allemand des années 50 n’étant guère novateur, l’actrice se prête aussi à de nombreux remakes de succès d’avant guère comme dactylo (1953) ou la bain dans la grange (1956).
Elle s’essaie également au drame dans amour sans illusion dans le rôle très antipathique d’une petite garce qui couche avec le mari de sa sœur. Sa prestation est néanmoins inférieure à celle de sa partenaire, la grande comédienne Heidemarie Hatheyer, bien meilleure dans le rôle de l’épouse trompée. (Ajoutons que dans ce film, Sonja se retrouve enceinte de son beau frère et tente de se faire avorter). Je n’ai pas vu le remake de Grand Hôtel, classique hollywoodien des années 30, où Sonja reprend le rôle de Joan Crawford, mais il semble que les critiques de l’époque ont beaucoup apprécié son interprétation). Pour faire le tour des cinémas de genre , si féconds dans le cinéma allemand, Sonja a aussi joué dans des films de guerre, comme à l’ombre de l’armée rouge ou bataillon 999, exemples typiques et plutôt réussis d’un cinéma qui tente d’exorciser un passé douloureux. Enfin, autre genre très spécifique au cinéma allemand dans lequel Sonja a également trempé le film de (mauvaises) moeurs, en l’occurrence « fille interdite » qui traite d’avortement et de gynécologie.
Dès 1952, la carrière de la star prend une dimension internationale. Elle joue dans une comédie anglaise (made in heaven en 1952), un film italien et plusieurs en France. Des films musicaux bas de gammes dont le pénible Tabarin dont la vedette est la remuante Annie Cordy. En revanche, Sonja est excellente dans Sérénade au Texas, un des seuls films regardables de Luis Mariano. Ce dernier, piètre acteur, a l’air presque ridicule, à coté de la magnifique Sonja, aussi belle que vive femme du far west et de l’irrésistible Bourvil
Évidemment les cinéphiles plus avertis, préfèreront de loin sa prestation aux cotés du James Dean polonais, Zbigniew Cybulski, dans le film polonais « le 8ème jour de la semaine », sombre tableau de la vie quotidienne à Varsovie, adapté d’un roman de Marek Hlasko, auteur rebelle qui deviendra le second mari de Sonja(le film sera longtemps interdit en Pologne) ou du Dernier passage , film d’espionnage américain sur fond de guerre froide avec le grand Richard Widmark.
Alors que le cinéma allemand connaît une passe difficile, l’existence de la pauvre Sonja vire à la tragédie : son fils, né de son premier mariage, décède à 16 ans d’un cancer après de longues années de souffrance. Son second mari, alcoolique et drogué, se suicide en 1969. Son compagnon suivant trouve la mort dans un accident d’avion. Après quelques dernières apparitions dans des blockbusters internationaux comme le pont de Remagen et De Sade, Sonja Ziemann va essentiellement se consacrer au théâtre, dans des adaptations de Barillet et Grédy, voire des musicals comme my fair lady. (dont elle enregistre les principaux airs en allemand).
Depuis le décès de son troisième mari, l’acteur suisse Charles Régnier (qu’on a vu notamment dans la série de Angélique), Sonja Ziemann vit en maison de retraite car elle ne supporte plus la solitude.
En tous les cas, on n’est pas prêt d’oublier un visage aussi raffiné, des yeux aussi pétillants et tant de grâce.

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