samedi 25 juillet 2009

Sonja Ziemann, délicate poupée du cinéma folklorique






Spécialité teutonne à consommation strictement locale le « heimatfilm » ou film de terroir a pullulé sur les écrans germaniques pendant les années 50 : splendides paysages, jolis chalets dans les montagnes, tyroliennes et charmantes paysannes étaient les principaux ingrédients de ces concoctions en guimauve destinées à apporter un peu d’optimisme et de sérénité au public allemand après la fin de la seconde guerre mondiale. Même si elle s’est souvent défendue de n’être apparue que dans 2 films relevant de ce genre si spécifique, la très belle Sonja Ziemann est pourtant liée dans l’esprit du public allemand à ce type de spectacle. Comme elle le souligne dans sa biographie, cette actrice d’une grande beauté (son frais minois était probablement l’un des plus gracieux de tout le cinéma européen) s’est pourtant illustrée dans de nombreux autres productions, souvent musicales, avec quelques incartades à l’étranger, en France notamment.

Née en 1925, Sonja Ziemann a suivi des cours de danse auprès de Tatjana Govski, avant de jouer les soubrettes dans des revues berlinoises au début des années 40. La très jeune artiste est aussitôt repérée par des producteurs qui lui offrent des petits rôles d’adolescentes dans des comédies tournées à Prague, le plus souvent. Mutine et espiègle, la jeune actrice a encore les joues rebondies d’une gamine, mais son charme opère déjà. Néanmoins, c’est après le conflit que sa carrière démarre vraiment : elle enchaîne les rôles dans toute une série d’opérettes filmées comme Une nuit de folie , les joyeuses commères de Windsor et surtout la fiancée de la forêt noire (1950) d’Hans Deppe scintillante niaiserie musicale et premier film allemand en couleurs d’après guerre. Sonja porte joliment le chapeau à pompons de la contrée et forme un joli couple avec le viril Rudolf Prack : le public en redemande.
Verte est la vallée (1951), avec le même duo, aura encore davantage de succès (19 M de spectateurs!) et jettera toutes les fondations et les clichés du genre « heimatfilm » qui va sévir pour 10 ans outre-Rhin. Des vagabonds chantant des airs folkloriques, une histoire d’amour contrariée entre une bergère et un garde forestier lutant contre des braconniers, tous les ingrédients sont là pour distraire un public facile. Évidemment cela a vraiment mal vieilli même si on ne peut s’empêcher de trouver des similitudes entre ce genre de confiserie régionale et les feuilletons fleuves de l’été que nous proposent les chaînes télé depuis quelques années.
Désireuse de ne pas s’enfermer dans ce genre très limité et peu porteur, Sonja malgré le triomphe des films précités, se tourne vers les comédies, souvent musicales. Il s’agit souvent d’opérettes viennoises comme bal à l’opéra (1956) ou le bal de l’empereur (1956), spectacles colorés sur fond de valse et de quiproquos, pas du tout désagréables et plutôt bien ficelés. Le Tzaveritch (1954) avec un Luis Mariano moustachu est par contre une piteuse adaptation d’une oeuvre de Franz Lehar . Filmé en noir et blanc, l’opérette ma sœur et moi (1952) manque vraiment de lustre alors que jeunes filles de Hollande, image d’Epinal d’Amsterdam (avec Sonja dansant avec ses sabots et sa cornette) peut faire sourire au second degré.
Dans un genre plus moderne, Sonja reprend le Teddy bear créé par Rosita Serrano dans le biopic consacré au compositeur des années 30 Theo Mackeben, Près de toi chéri (1954). Sa séquence, où déguisée en fillette, elle danse et chante avec un grand nounours en peluche est une des plus réussies du film. En visionnant le passage on sent bien que la belle savait fort bien danser et on ne peut que regretter de ne pas l’avoir vu davantage sur une piste de danse. Et ce n’est pas ses quelques pas furtifs dans « Nous irons à Hambourg »(1954), qui suffisent à combler notre apêtit.
Le cinéma allemand des années 50 n’étant guère novateur, l’actrice se prête aussi à de nombreux remakes de succès d’avant guère comme dactylo (1953) ou la bain dans la grange (1956).
Elle s’essaie également au drame dans amour sans illusion dans le rôle très antipathique d’une petite garce qui couche avec le mari de sa sœur. Sa prestation est néanmoins inférieure à celle de sa partenaire, la grande comédienne Heidemarie Hatheyer, bien meilleure dans le rôle de l’épouse trompée. (Ajoutons que dans ce film, Sonja se retrouve enceinte de son beau frère et tente de se faire avorter). Je n’ai pas vu le remake de Grand Hôtel, classique hollywoodien des années 30, où Sonja reprend le rôle de Joan Crawford, mais il semble que les critiques de l’époque ont beaucoup apprécié son interprétation). Pour faire le tour des cinémas de genre , si féconds dans le cinéma allemand, Sonja a aussi joué dans des films de guerre, comme à l’ombre de l’armée rouge ou bataillon 999, exemples typiques et plutôt réussis d’un cinéma qui tente d’exorciser un passé douloureux. Enfin, autre genre très spécifique au cinéma allemand dans lequel Sonja a également trempé le film de (mauvaises) moeurs, en l’occurrence « fille interdite » qui traite d’avortement et de gynécologie.
Dès 1952, la carrière de la star prend une dimension internationale. Elle joue dans une comédie anglaise (made in heaven en 1952), un film italien et plusieurs en France. Des films musicaux bas de gammes dont le pénible Tabarin dont la vedette est la remuante Annie Cordy. En revanche, Sonja est excellente dans Sérénade au Texas, un des seuls films regardables de Luis Mariano. Ce dernier, piètre acteur, a l’air presque ridicule, à coté de la magnifique Sonja, aussi belle que vive femme du far west et de l’irrésistible Bourvil
Évidemment les cinéphiles plus avertis, préfèreront de loin sa prestation aux cotés du James Dean polonais, Zbigniew Cybulski, dans le film polonais « le 8ème jour de la semaine », sombre tableau de la vie quotidienne à Varsovie, adapté d’un roman de Marek Hlasko, auteur rebelle qui deviendra le second mari de Sonja(le film sera longtemps interdit en Pologne) ou du Dernier passage , film d’espionnage américain sur fond de guerre froide avec le grand Richard Widmark.
Alors que le cinéma allemand connaît une passe difficile, l’existence de la pauvre Sonja vire à la tragédie : son fils, né de son premier mariage, décède à 16 ans d’un cancer après de longues années de souffrance. Son second mari, alcoolique et drogué, se suicide en 1969. Son compagnon suivant trouve la mort dans un accident d’avion. Après quelques dernières apparitions dans des blockbusters internationaux comme le pont de Remagen et De Sade, Sonja Ziemann va essentiellement se consacrer au théâtre, dans des adaptations de Barillet et Grédy, voire des musicals comme my fair lady. (dont elle enregistre les principaux airs en allemand).
Depuis le décès de son troisième mari, l’acteur suisse Charles Régnier (qu’on a vu notamment dans la série de Angélique), Sonja Ziemann vit en maison de retraite car elle ne supporte plus la solitude.
En tous les cas, on n’est pas prêt d’oublier un visage aussi raffiné, des yeux aussi pétillants et tant de grâce.

samedi 18 juillet 2009

Anne Shelton, mascotte de l'armée britannique




Pendant la seconde guerre mondiale, la voix grave et mélodieuse d’Anne Shelton a réchauffé le cœur de nombreux soldats britanniques et de leur famille. Omniprésente à la radio et au cinéma, comme dans les galas de charité, la chanteuse de l’orchestre d’Ambrose s’est beaucoup dévouée pour entretenir le moral des troupes pendant ces sombres années. Comme sa consoeur Vera Lynn, elle est devenue un véritable symbole pour les anglo-saxons. Au point que Churchill lui-même a demandé à la chanteuse d’interpréter et d’enregistrer la version anglaise de Lili Marlene, célèbre marche allemande si fréquemment diffusée sur les ondes par les nazis, qu’elle avait fini par séduire les soldats britanniques.

Née en 1923 (et non en 1928 comme l’ont longtemps affirmé les biographies), Anne Shelton a commencé très jeune à chanter dans les chœurs d‘une école religieuse. Sans aucune autre formation musicale, l’adolescente se présente à une émission de radio de la BBC. Le public est emballé par la voix étonnamment mature de la collégienne et sa façon très blues et expressive d’interpréter des romances sentimentales et nostalgiques qui ne sont pas de son âge . Le chef d’orchestre Bert Ambrose, subjugué par le timbre exceptionnel de la nouvelle découverte de la BBC l’engage dans son fameux orchestre pour remplacer la chanteuse Vera Lynn qui vient de le quitter pour une carrière en solo.
C’est la grande époque des big bands et des refrains chantés, et Anne Shelton a beaucoup de chance car Ambrose figure parmi les meilleures formations dans le genre variété. En 1940, Anne enregistre begin the béguine de Cole Porter, avec déjà une assurance et un talent absolument remarquables. (Curieusement, en scrutant l’abondante discographie de la vedette, on remarque qu’elle aurait déjà gravé en 1936 (à 14 ans!) avec le non moins célèbre orchestre jazz de Jack Hilton, ce qui tend à prouver que la toute jeune Anne avait bel et bien entamé sa carrière avant ce fameux concours radiophonique).
Pendant le blitz, les programmes radios sont enregistrés à Bristol pour éviter les incessants bombardements, et Anne adopte à son répertoire un grand nombre de chansons nostalgiques porteuses d’espoir en de jours meilleurs comme you’ll never know du film Hello Frisco Hello ou white clives of Dover, et qui collent superbement à sa voix si grave. Rapidement, la chanteuse au large sourire est sollicitée par le cinéma , toujours dans des comédies musicales spécialement conçues pour les soldats, destinées à leur apporter un peu de baume au cœur et de détente. Rondouillarde et pas très jolie, la chanteuse n’a pas vraiment le physique d’une sirène de l’écran. Comme le dit le personnage d’un de ses films, elle ressemble davantage à la massive Sophie Tucker ( avec laquelle elle présente également une similitude vocale) qu‘à Hedy Lamarr. Pourtant dès qu’elle se met à chanter, le charme opère notamment quand elle entonne tristement « Why can’t it happen to me » sur le pont d’un navire dans « King Arthur was a gentleman », dans un style visiblement inspiré par la star américaine Alice Faye, très populaire en Grande Bretagne.
Arthur Askey, sorte de Harold Lloyd britannique est son partenaire dans 3 films dont le meilleur est Miss London LTD, petite comédie impertinente. Dans laquelle une héritière tente de revitaliser une entreprise d’escort girls en cherchant de nouvelles recrues dans la rue et les music hall. On est surpris par le ton assez coquin du film (il faut dire que le code Hayes ne sévissait pas de ce coté de l’Atlantique). Sans bénéficier de gros moyens (on est en pleine guerre!), les numéros musicaux sont rythmés par leurs reprises dans différents styles par les différents personnages et Anne est autant à l’aise dans les boogie-woogie que dans les ballades tristounes à la Alice Faye.
En revanche, Bees in paradis pourtant signé Val Guest, est une lamentable pochade figurant Anne Shelton en reine des amazones sur une île imaginaire.
En 1944, le fameux chef d’orchestre Glenn Miller se rend en Angleterre avec sa formation pour soutenir le moral des GI. Il demande personnellement à Anne Shelton d’assurer la partie vocale de ses spectacles à Londres et lui offre un bracelet en or. Empêchée, la chanteuse ne peut l’accompagner pour le gala prévu à Versailles en 1944. Glenn Miller perdra la vie dans l’avion le conduisant en France.
La même année, la chanteuse triomphe avec la version anglaise de Lili Marlene, commanditée par Churchill. A tel point, qu’en 1948, elle enregistrera avec un succès presque égal une suite « the wedding of Lili Marlene » traduit en France le « mariage de Maria Chapdeleine » (par Line Renaud) , pour éviter les mauvais souvenirs! A la fin des années 40, la chanteuse triomphe aux USA, notamment aux cotés de Bing Crosby, et place plusieurs titres dans les charts américains. En 1950, elle tourne un dernier film inédit en DVD. L’heure n’est plus en Angleterre aux comédies musicales et la corpulence de la chanteuse n’était plus du tout en adéquation avec les canons de la mode.
Si dans les années 50, l’artiste anglaise continue d’aligner les hits, en s’adaptant avec bonheur aux nouvelles couleurs du temps (Arrivederci Roma, le thème de la comtesse aux pieds nus, the village of Ste Bernadette dont certains sont partagés avec l’américaine Georgia Gibbs qui semble beaucoup la copier), elle ne parvient qu’une seule fois à se placer en tête des charts avec une fringante marche militaire « lay down your arms » en 1956 (VF par Annie Cordy). En 1963, à la demande de Yul Branner elle participe à un disque de charité censé figurer les plus grands artistes de tous les pays (sur le même LP on note la présence de Nat King Cole, Edith Piaf, Mahalia Jackson). Les bouleversements musicaux considérables qui va connaître la scène anglaise dans les années 60, vont reléguer Anne dans les cabarets puis dans les galas de bienfaisance et cérémonies dédiées aux vétérans de la seconde guerre mondiale. Elle enregistre encore des reprises de ses chansons des années sombres ainsi que la version anglaise d’Elisa de Gainsbourg (forever). Nul doute que cette marche militaire a du séduire la vaillante mama de la chanson britannique. En 1980, à sa grande suprise, le réalisateur américain lui propose d'interpréter le générique de son film Yanks (avec Richard Gere), une reprise du nostalgique I'll be seeing you. Lors de la première à Hollyood, la chantesue sera saluée par une standing ovation. En 1990, elle devient membre de l’ordre de l’Empire britannique. Anne Shelton nous a quitté en 1994. Plus que ces quelques comédies musicales avec Arthur Askey on appréciera chez cette artiste une voix pénétrante et très blues, qui jette un sort tout particulier à ses nombreux enregistrements et la démarque de ses concurrentes.
Et quel plus bel hommage à cette voix unique que celui de Robert Mitchum : « la pureté et la chaleur de vos dons réveillent en moi une foi qui fait honte à ma misérable contribution ».


mercredi 8 juillet 2009

Anna Prucnal, l'insoumise



Artiste de talent et femme de conviction, Anna Prucnal n’a jamais cherché la facilité : ses choix artistiques courageux, élitistes et parfois déroutants ont même eu un impact dramatique sur sa vie personnelle. Mais comment une chanteuse aussi passionnée et anti-conformiste, connue pour ses interprétations de Brecht, Cocteau et Maïakovski , aurait elle pu se contenter d’une carrière linéaire et de rôles passe partout. Cette femme passionnée a parfois conjugué ses talents de comédienne et de chanteuse à l’écran. Elle nous revient pour une série de récitals au festival d’Avignon.

Née en 1940 à Varsovie (pour reprendre le titre de son autobiographie), Anna Prucnal connaît une enfance tragique et misérable : son père un chirurgien juif entré dans la résistance est assassiné par les nazis et sa mère, d’origine noble, contrainte de faire des ménages. Boursière, elle étudie le chant lyrique à Berlin-est avant de faire ses classes au théâtre satirique de Varsovie. Remarquée pour la beauté de sa voix et de son physique, celle qu’on surnomme rapidement l’Audrey Hepburn polonaise débute à l’écran en 1962 dans Soleil et Ombre, œuvre antimilitariste où elle incarne la fille d’un soldat irradié atteint d’un cancer. L’année suivante, elle est l’héroïne d’une comédie au ton assez cynique « nouvelle aventure » et de smarkula, une charmante comédie romantique. A Berlin est, Anna joue dans une comédie musical de Joachim Hasler, Voyage dans un grand lit. On est toujours surpris de constater à quel point les comédies musicales tournées de l’autre coté du rideau de fer étaient novatrices et irrévérencieuses par rapport aux beach movies ouest-allemand pâlichons et extrêmement conventionnels. A un moment Anna et Eva Maria Hagen, la Bardot de la RDA se retrouvent même au lit avec le même marin. En outre, le film balance bien et musicalement, na paraît nullement décalé par rapport aux nouvelles mouvances musicales. Anna est piquante et craquante et on aurait aimé l’apprécier davantage dans de genre; mais toujours avide d’expériences nouvelles et non-conformistes, l’actrice vogue déjà vers de nouveaux horizons : lors du tournage, elle rencontre Jean Mailland cinéaste dont elle tombe amoureuse immédiatement et qu’elle va suivre jusqu’à Paris. Entre temps, elle tourne pour Wajda un téléfilm au ton très sarcastique sur un coureur automobile victime d’innombrables accidents et vivants grâce à de multiples dons d’organes ;
En France, Anna trouve d’abord quelques rôles dans des opérettes (la vie parisienne) et joue dans l’opéra de Claude Prey Donna Mobile en 1972.
En 1974, le cinéaste yougoslave Dusan Makavejev l’embauche pour Sweet Movie, un film qui va profondément marquer sa carrière et son destin. Cette œuvre provocante et délirante fera scandale lors de la projection à Cannes : gigantesque happening, déjanté et effrayant, c’est vraiment le film où tout peut arriver avec une audace incroyable comme on n’en voit plus guère sur nos écrans. Certaines scènes donnent littéralement envie de vomir, mais le moins qu’on puisse dire c’est que ce film ne peut laisser indifférent. Anna Prucnal y incarne une prostituée marxiste qui navigue sur une péniche avec Karl Marx en figure de proue et séduit à un marin de passage avant de l’assassiner froidement. Elle y chante brièvement de sa voix très perçante et fascine par sa présence et sa folie. Le passage où elle se libre à un strip tease, en robe de mariée devant des enfants provoquera pas mal de remous (c’est tout à fait le genre de passages qu’on n’oserait plus mettre en scène).
Certaines scènes du film seront coupées lors de l’exploitation à la demande de Carole Laure, autre vedette du film. Ce qui n’empêchera pas ce film déroutant d’être toujours interdit en Angleterre. En Pologne , la réaction est vive : Anna Prucnal est interdite de séjour pour s’être prêtée à ce film jugé dégradant, immoral, pornographique et anti-communiste. Une sanction lourde de conséquence pour la comédienne qui ne pourra même pas se rendre au chevet de sa mère mourante ou rendre visite à sa sœur pendant plus de 15 ans!
Au cinéma , Anna Prucnal est remarquée pour son rôle de trotskiste dans le très bon film d’espionnage de Deville « le dossier51 » et a même l’honneur de jouer pour Fellini dans la cité des femmes, hélas un des moins bons film de ce génie du cinéma.
A la fin des années 70, Anna se lance dans le tour de chant dans une répertoire qui mêle avec bonheur opéra, jazz , poètes russes, chansons réalistes et folklore slave. L’indomptable artiste est peut être encore plus à son aise sans la joug d’un metteur en scène pour crier sa révolte et son exaltation entre violence et passion, lyrique et hystérie. Ses prestations étonnantes, notamment au théâtre de la ville à Paris, lui valent des critiques dithyrambiques. C’est désormais sur les scènes européennes que va se poursuivre la carrière de la chanteuse. Lors des mouvements de grève qui secouent la Pologne en 1980 et de la fondation de Solidarnosc l’artiste intervient dans de nombreux médias français pour soutenir ce mouvement de contestation, surtout après l’état de siège de 1981. L’effondrement du régime communiste en 1989 permet enfin à l’artiste polonaise d’effectue un retour en triomphatrice dans son pays natal. Elle célèbre le bicentenaire de la révolution française devant le château de Varsovie. Lors du passage de Lech Walesa à Paris en 1991, elle chante pour lui à l’Élysée.
Si très rarement, on entre aperçoit Anna Prucnal au cinéma (elle chante, fort bien, dans un passage du film polonais obyatel swiata), c’est désormais dans des rôles minuscules. Peut être parce que la scène reste quand même le meilleur écrin pour sa démesure? Elle se produit en ce moment au festival d’Avignon avec des chansons composées par son mari.


Bipasha Basu, une bombe à retardement



Portrait réalisé par Jordan White, spécialiste de Bollywood




Née le 7 janvier 1979 à Delhi, Bipasha Basu est aujourd'hui une star connue en Inde et en Angleterre mais pas du tout en France. Elle a deux soeurs et a grandi dans une famille hindi originaire du Bengale et de Calcutta. Elle parle couramment l'anglais, l'hindi et le bengali, ce qui contrairement aux apparences fait d'elle une tête, pas le genre à se la raconter au contraire. Celle qui se considérait comme laide dans son enfance et adolescence est aujourd'hui une des plus belles de la planète. Pas de celles qui le savent et en jouent pertinemment, mais de celles qui ont la beauté humble. S'il est facile de critiquer sa filmographie au vu de certains navets, elle a su en revanche démontrer depuis quelques années une envie de s'aventurer dans des terrains peu balisés afin de donner une autre image que la star glamour glacée, laquelle lui a trop souvent par le passé coller à la peau. Sa carrière débute par le mannequinnat. Comme un certain nombre de modèles de sa génération qui se sont ensuite laissées bercées par les sirènes de Bollywood sans renouveler leur palette de jeu en s'enfermant dans les mêmes cases. Sauf que Bipasha au lieu de se fourvoyer dans les rôles de potiches (bien qu'elle a aussi été servie de ce point de vue), a laissé un visage nouveau se dessiner, celui de l'actrice qui a plus de dix mots à aligner. On ne peut pas en dire autant de certains seconds rôles de composition qui se sont englués dans la médiocrité avec pourtant le même background. Elle pose pour l'Agence Ford, pour Vogue, fait des pubs télé. Ca fonctionne bien mais pour celle qui adolescente se rêvait médecin (elle changera d'avis en découpant le cadavre d'un animal en cours de sciences naturelles), il y a quelque chose à faire et à surtout faire valoir. Les mannequins sont attendus au tournant quand elles se lancent dans le ciné, puisque à priori oblige, on se dit parfois qu'elles doivent être de piètres comédiennes, et on s'imagine sans mal que si elles savent se placer devant une caméra et mettre en avant leur plastique (sans tomber dans la vulgarité ou la pose), qu'en est-il de leur registre comique ou dramatique ? Bipasha ne va rien révolutionner à ses débuts en 2001. Son regard profond, son corps de rêve et ses yeux de biche passent bien à l'image, mais ne transcendent pas. Elle ne peut pas se contenter que de cela. Il lui faut un vrai rôle. Elle tourne surtout dans des polars érotiques avec des rôles dénudés, aux images soyeuses, dans un style soft-porn qui convient alors aux producteurs mais pas aux spectateurs qui ne peuvent se rassasier de simples déhanchés suggestifs. Elle mérite mieux. Mais enchaîne pourtant les films médiocres. En 2002 avec Raaz elle fait une incursion dans le triller "psychologique". Son charisme crève l'écran. Mais sa prestation se perd dans les limbes de la critique. Trop puérile, pas assez mûre. Pas talentueuse. Elle change alors de registre avec encore une fois peu de retour. C'est pour Mere Yaar Ki Shaadi Hai, encore une fois un navet. Produit par Yash Chopra, le film fait un flop. Et elle joue avec Uday Chopra qui n'a jamais brillé pour ses qualités d'acteur. Elle rencontre John Abraham lui aussi mannequin qui deviendra un de ses amis proches (et qui lui aussi a eu des choses à prouver et l'a fait avec de la maturité au fur et à mesure). C'est pour le thriller Jism, qui une fois de plus fait un bide. La beauté sculpturale et la fascination que peuvent exercer l'actrice ne bouchent pas les trous béants des scénarios qu'elle accepte et qui font plus pour desservir son image que renforcer sa cote de popularité. Que manque-t-il à cette femme superbe qui apparaît davantage sur les couvertures people qu'aux cérémonies de récompenses pour le brio de son jeu ? Un vrai rôle. Certainement pas avec No Entry, qui la caricature outrageusement en potiche ultime. Un rôle de gonzesse qui ne lui va pas dans une "comédie" partant à vaux-l'eau dans le nawak et la misogynie. Pourtant, le film qui a Salman Khan en tête d'affiche et Anil Kapoor cartonne. Bipasha se fait un nom, pas forcément pour les bonnes raisons mais en tout cas on parle d'elle. A l'époque elle est partout, dans Filmfare Magazine, dans Stardust, sur Internet. On s'intéresse de plus en plus à elle, non pas pour son rôle mais pour ses apparitions tumultueuses dans le film. J'entends aussi pour la première fois en 2005 parler de Celina Jaitley, la brune incendiaire au regard trafiqué et surtout de Lara Dutta. En un film tous les mannequins provocateurs sont donc réunis et dessinées comme des prédactrice sexuelles. No Entry est tout cas la comédie traumatisme, celle dont on ne se remet pas. Connue et reconnue par la critique après ce rôle (!) Bipasha choisit un virage à 180 degrés avec l'étouffant Apaharan, sa première collaboration avec Ajay Devgan. Succès d'estime. Shikar réalisé par John Maddan est la prémisce à la future claque que va constituer son film suivant. Dans ce Shikkar elle apparaît dans un rôle de femme fatale dont la vie trop idéalisée va se retourner contre elle au fil des évènements. On joue encore dans le registre du sexy, du sex-appeal, de l'attraction sexuelle. Mais ce n'est rien face au choc qu'elle constitue en interprétant le premier grand, très grand rôle de sa carrière dans Corporate de Madhur Bhandarkar. Métamorphosée, belle à couper le souffle, mais surtout, et enfin, dirigée pour la première fois, elle se réinvente et créee la surprise. Bipasha assiste à sa propre naissance en tant qu'actrice après tant d'essais infructueux et de rôles réduisant ses capacités dramatiques à peau de chagrin. Jamais une actrice (dans le registre) n'avait aussi bien portée le tailleur et s'était permise de passer aussi facilement du registre léger au tragique. Epoustouflante, elle gagne son premier award ultra mérité. Elle remerciera avec la plus grande humilité imaginable le réal pour ce coup de pouce magistral à sa carrière alors balbutiante. Elle reste tout de même attachée à la comédie dont Akshaye Kumar s'est fait une spécialité dans le domaine de la lourdeur et des vannes assaisonnées (opposition occident/orient, banane par terre pour tomber et provoquer des chutes faciles à tendance infantilisante, en particulier dans le recours au t-shirt évocateur etc.). Elle tourne ainsi dans Phir Hera Pheri. Mais plus ne compte plus désormais pour elle que d'essayer de dévoiler une nouvelle facette, de tenter de le faire. Les petits rôles secondaires se poursuivent, dont un particulièrement remarqué dans Omkara, où elle chante (en playback) Beedi, interprété par Sunidhi Chauhan et enfin Dhoom 2 dans ses rôles les plus récents, en agente spéciale, diablement sexy et dans un autre rôle qu'il faut découvrir par soi-même. Bref une carrière en dents de scie, avec des éclats et des états de béatitude effrénés, des rôles ingrats et d'autres extrêmement valorisants et porteurs. Je devine un potentiel prêt à exploser, et puis au naturel, que ce soit pour les shoot photo, les promos, ou encore les apparitions public elle ne me semble garder les pieds sur terre. Fonce Bipasha !


samedi 4 juillet 2009

Gale Storm, l'exubérante petite reine des films musicaux de série B








La chanteuse et actrice Gale Storm vient de nous quitter à l’âge de 87 ans. Elle est plus connue aux USA pour ses prestations dans des séries télé très populaires des années 50 que par ses films, car la pimpante brunette n’a tourné quasiment que pour les studios les moins prestigieux d’Hollywood (Monogram et Républic) dans des westerns et comédies musicales à budget très limité. Elle eut également son heure de gloire en tant que chanteuse lors des balbutiements du rock n’roll.
Née en 1922, Gale Storm remporte un concours organisé par une radio dont le prix est un bout d’essai dans les studios de la RKO. Néanmoins, la firme ne va guère utiliser les talents de la jeune actrice et la congédier après 6 mois seulement et deux rôles minuscules. Faute de mieux, la jeune comédienne se rabat alors vers les petits studios, que l’on surnommait alors « Poverty row » pour trouver un emploi dans des westerns de série B ou Z aux cotés du cow-boy chantant Roy Rogers et de son beau cheval blanc.
Parmi les films de seconde zone auxquels se prêta la comédienne on relève « où sont vos enfants »(1942) un mélo particulièrement raté sur la délinquance juvénile, sujet toujours très attractif pour le public populaire. Elle chante plusieurs chansons dans Campus rythmn (1943) et incarne une jeune fille paralysée qu’un médecin tente remettre sur pieds dans l’espoir de vivre (1944) entourée d’une distribution assez prestigieuse pour un film issu des studios Monogram.
Qualifiée de reine des séries B, l’actrice a l’honneur d’être conviée à l’anniversaire du Président Roosevelt en 1945, parmi les plus grands artistes. La même année, on la retrouve dans Sue des bas-fonds, musical « belle époque » genre très populaire à la fin de la guerre : les numéros musicaux souffrent hélas de l’étroitesse des moyens et font pâle figure à coté des extravagances de la Fox.
La carrière de Gale Storm se poursuit ensuite dans des studios plus prestigieux mais dans des westerns peu marquants. Son virage vers la télévision lui sera salutaire car elle connaîtra enfin la gloire nationale dans la série « ma petite Margie » inédite chez nous, aux cotés de Charles Farrell star du début des années 30. Prévue à l’origine comme bouche-trou du feuilleton I love Lucy, la sitcom marchera si bien qu’elle s’étendra sur 126 épisodes, qui seront longtemps rediffusés sur les chaînes américaines. Cette soudaine popularité l’encourage à tenter sa chance sur disque : le slow-rock « I hear you knocking at my door » est un tube qui s’écoule à 4 millions de copies. Elle le chante fort bien d’ailleurs.
Dans la même veine, l’artiste va enregistrer une série de préhistorocks ponctués de wap dee wap et de boo bi doo bi doo , à une époque où l’industrie du disque préférait confier à des artistes blancs des airs de rythm n’ blues crées par des blacks, en les édulcorant pour les rendre plus accessibles.
Heureusement, la tendance allait vite s’inverser, le grand public se tournant rapidement vers les créations originales. Au début des années 60, après la fin de son show télé, la vedette du petit écran se tourne vers les planches et joue dans diverses opérettes ou pièces de théâtre comme 40 carats.
Il semble que l’alcoolisme soit la raison essentielle du déclin de sa carrière. Une triste habitude qu’elle est parvenue à combattre après de multiples tentatives de cures de désintoxication.
Gale Storm, qui avait quitté les lumières du show business depuis bien longtemps est décédée à l’hôpital de causes naturelles. Je n'ai jamais vu les épisodes de la petite Margie mais les nostalgiques des fifties ne pourront qu'apprécier les quelques 45 T délicieusement datés que la miss a enregistré au sommet de sa gloire télévisuelle. (et notamment son adorable version de memories are made of this de Dean Martin)