dimanche 26 avril 2009

Vivian Blaine, la jolie rouquine




Certains rôles marquent parfois une carrière de façon indélébile : un avantage et un inconvénient. Ce fut le cas pour Vivian Blaine, identifiée pour toujours à son rôle de Miss Adelaïde dans l’opérette Blanches colombes et vilains messieurs, qu’elle joua 1300 fois à Broadway et 18 mois à Londres. Un personnage si écrasant, que l’actrice fut ensuite condamnée à reprendre sur scène des personnages similaires de blondes stupides, sans forcément beaucoup de succès, puis à rejouer inlassablement la même opérette lors de nombreuses tournées. La sortie d’un coffret DVD Carmen Miranda avec plusieurs films où la belle rouquine tient le rôle principal nous permet de redécouvrir cette charmante chanteuse
des années 40 sous un autre angle.


Née en 1921 dans le New Jersey, Vivian Blaine est la fille d’un ancien baryton devenu agent artistique. Elle débute très jeune comme chorus girl, et suit des cours d’art dramatique à l’académie américaine. Mais c’est en chantant dans les night clubs qu’elle est remarquée par un agent de la 20th century Fox, qui lui signe un contrat mais ne lui dégote que des rôles insignifiant dans des films de série B.
Vivian décroche enfin un rôle important dans « les rois de la blague » une comédie avec Laurel et Hardy, malheureusement, un des plus faibles films du célèbre tandem (dont elle garde un souvenir ému). Lasse de voir sa carrière piétiner on raconte que Vivian serait allé en personne réclamer des rôles plus consistants à Darryl Zanuck.


Ce dernier lui propose alors de reprendre alors un rôle taillé sur mesure pour Alice Faye, trop enceinte pour l’accepter. En dépit du technicolor, et de la présence de Carmen Miranda, Montmartre à New York (1944) n’est vraiment pas réussi. Pourtant, dans un style très proche de la délicieuse Alice, Vivian nous livre une fort jolie version d’un tube des années 20 « Whispering ». sa voix est chaude, son regard pétillant de malice ; Les critiques sont pourtant cinglantes : le New York Herald Tribune note sévèrement que l’actrice n’a ni la voix ni la présence d’une star.
La Fox qui connaît quelques soucis avec Alice Faye (qui va quitter le studio en 1945), insiste néanmoins pour imposer Vivian, en lui inventant le surnom de « Cherry blonde » qui va l’accompagner sur certains génériques. Curieux marketing…

Pour les gars en uniforme (1944), qui comporte au moins deux ou trois séquences plutôt drôles n’est pas mieux accueilli. Dans la façon de filmer et mettre en scène l’actrice (accoudée contre un pilier, l’air triste…), il est vraiment patent que la Fox entend la couler dans le moule d’Alice Faye.
Après avoir raté de peu un rôle dans Rhapsody in blue (1945), Vivian Blaine recueille enfin de bonnes critiques dans la version musicale de la foire aux illusions (1945) de Rodgers et Hammerstein. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié sa prestation et son interprétation expressive de quelques airs superbes de ce film comme That’s for me.

Je n'ai pas eu la chance de visionner le baiser vole (1945) remake de Hello Frisco Hello, tourné 2 ans après (décidemment la Fox ne perdait pas de temps pour faire des remakes!), mais les critiques sont franchement positives, y compris concernant George Raft, acteur souvent inexpressif.
C’est très certainement nettement supérieur aux deux petits musicals fort décevant en noir et blanc « Doll face » et If I’m lucky qui marquent le déclin de Carmen Miranda. Vivian est tout à fait correcte dans ces deux films, mais les chansons guère emballantes et le tout manque de lustre.
Trois jeunes filles en bleu (1946), remake de 3 blind mices et de Soirs à miami (qui sera refait en 1953 sous le titre comment épouser un millionnaire avec Marilyn) est en revanche un charmant musical belle époque qui mériterait une ressortie en DVD. Si Vera Ellen décroche le meilleur passage du film, et que June Haver est la plus belle du trio, Vivian a un fort joli moment quand elle fredonne tristement le magnifique « somewhere in the night » …que n’aurait pas renié Alice Faye.

A la lecture du press book accompagnant le film, on constate que la Fox ne sait plus quoi faire pour relancer de Vivian. Elle propose d’organiser un concours pour savoir si les spectateurs la préfèrent en rousse ou en blonde… avant de la congédier. Il est clair qu’aux yeux du public, Vivian n’est pas parvenue à remplacer Alice, alors que June Haver et Betty Grable demeurent rentables.
Très dépitée par cet échec, Vivian tente de recentrer sa carrière dans les nights clubs. Mais sa prestation avec les débutants Dean Martin et Jerry Lewis est un échec retentissant.
Elle auditionne enfin pour le rôle principal de l’opérette Blanches colombes et vilains messieurs. Si elle n’obtient pas le rôle tant convoité de la missionnaire de l’armée du salut, les producteurs lui proposent celui moins important de la girl stupide amoureuse d’un joueur.

Des les premiers essais, l’actrice fait un tabac, au point que le rôle sera progressivement étendu et que des chansons seront rajoutées.
Sa chanson « Adelaïde lament » triomphe à chaque coup. Pourtant pour ce rôle, Vivian a abandonné sa jolie voix de velours des années Fox pour adopter une voix nasale et stridente, adaptée au personnage.
En 1952, Vivian chante et joue aux cotés d’Esther Williams dans jupons à l’horizon, un musical moyen (hormis un très mignon passage où des enfants blondinets surdoués nagent avec Esther).
Si Vivian Blaine n’était pas prévue à l’origine pour l’adaptation au cinéma de blanches colombes, la défection inattendue de Betty Grable (obligée de rester au chevet de son chien malade), lui donnera la chance de reprendre à l’écran le rôle qui l’avait rendue si populaire aux cotés d’acteurs extrêmement prestigieux comme Brando et Sinatra.
Si elle est très bien dans le film, j’ai pourtant préféré Jean Simmons…

Identifiée pour tous à son personnage de Miss Adélaïde, Vivian Blaine ne se voit plus proposer que des rôles de blondes débiles, au cinéma (un pigeon qui pige, avec Bob Hope : un gros échec commercial) ou à la télé.
Vivian Blaine se produira dans les années 60 et 70 dans de nombreux spectacles musicaux comme hello Dolly ou Follies et évidemment des reprises sporadiques de son rôle fétiche. Après avoir longtemps pesté contre ce rôle qui lui tenait à la peau, l’actrice finira par se réconcilier avec Miss Adélaïde et le prendre comme une chance.
Vivian Blaine, très (trop) liftée, fera encore beaucoup de télé jusqu’en 1984. Elle sera la toute première artiste en 1983, à soutenir la lutte contre le Sida, qui au tout début n’attirait pas du tout les people qui avaient peur pour leur image. Elle nous a quitté en 1995. On peut s’interroger sur la trajectoire de cette actrice si la Fox ne l’avait pas condamnée à copier Alice Faye, et si le public et les producteurs l’avaient laissé évoluer vers d’autres personnages que cette Miss Adélaïde qui lui collait à la peau.

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