dimanche 1 mars 2009

Martha Raye, la grande bouche






Avec sa bouche démesurée et son regard idiot, Martha Raye fut probablement l’une des fantaisistes les plus drôles de la comédie musicale. Son style inspirera beaucoup d’artistes de Betty Hutton à Bette Midler en passant par Lucille Ball. On peut même dire que certaines de ces actrices l’ont beaucoup copié…Mais aucune d’elles ne peut se venter d’avoir un Monsieur Verdoux ou un Helzapoppin dans sa filmographie.


Née en 1916, Martha Raye suit très jeune ses parents sur les planches. En scène des son plus jeune âge, elle ne fréquente pas souvent l’école, et ne saura jamais vraiment lire (on raconte qu’un secrétaire lui lisait ses scripts). Elle commence à chanter dans différents orchestres. Ses talents comiques et sa jolie voix (elle interprète des airs jazzy et entraînants avec beaucoup d’allégresse et de facilité) sont remarqués par les patrons de la Paramount, où elle est embauchée pour de multiples comédies musicales dans lesquelles elle joue généralement le rôle d’une fille stupide et nymphomane, qui essaie vainement de séduire le héros.



Evidemment, son jeu n’est pas très subtil…et alors ? Au moins, on rie et on rie encore 70 ans après en voyant Amour à Waikiki (1937). Face au crooner Bing Crosby, qui entonne son fameux Sweet Leilani, elle est vraiment complètement déchaînée. Elle accumule les gags les plus lourds, mais il faut bien avouer qu’elle fait mouche à chaque coup ! Les yeux hagards, l’air complètement demeuré, elle éclipse le couple romantique Crosby-Shirley Ross à chacune de ses apparitions. Dans the big broadcast of 1938, avec une pléiade de vedettes Paramount, elle est bringuebalée comme un paquet de linge salle par des marins, lors d’une danse acrobatique particulièrement drôle.


En 1941, on la retrouve dans un film loufoque à sa dimension : l’indescriptible Hellzapoppin, où elle peut donner libre cours à sa fantaisie. Dans ce classique du cinéma comique (dont les la traduction des dialogues en français fut assurée par Pierre Dac), on se souvient notamment du spectacle délirant qui clôt le film, dans lequel elle chante Waiting for Robert Lee. Alors que Betty Hutton est en train de reprendre sa place à la Paramount dans des rôles comiques complètement pompés sur les siens, Martha, comme beaucoup d’autres artistes, va donner des spectacles dans le Pacifique et en Afrique pendant la guerre pour soutenir le moral des Gis. Elle participe du coup au film « 4 jills in a jeep » basé sur les souvenirs de la comédienne Carole Landis qui a participé avec Martha et Kay Francis, à une tournée pour les soldats américains (et a même épousé un GI…pour peu de temps…). Le résultat est plutôt réussi, et les numéros musicaux de qualité (particulièrement ceux de l’étonnante et méconnue danseuse acrobatique Mitzi Mayfair).En revanche, Pin Up Girl, également destiné à booster le moral des jeunes militaires américains est bien médiocre. Quant à la vedette Betty Grable, elle est enceinte, et ça se voit dans certaines séquences!


Après la guerre, Martha a la chance d’être choisie par Charlie Chaplin pour l’un des principaux rôles féminins de la grinçante comédie Monsieur Verdoux : un chef d’œuvre d’humour noir dans lequel sa prestation sera remarquée : hélas, compte tenu des graves problèmes que Chaplin rencontre aux States (chasse aux sorcières, procès en paternité), Martha sera black listée pour avoir acceptée de jouer dans ce film ! Elle se tourne ensuite vers la télé. Hélas, sa série pour le petit écran ne connaîtra jamais l’extraordinaire succès du show de Lucille Ball, autre comédienne qui s’est pourtant aussi beaucoup inspirée d’elle. Déçue de constater que son contrat n’est pas renouvelé, l’actrice fait une tentative de suicide en 1956. Elle connaissait aussi de graves déboires conjugaux : Très instable, elle se mariera 7 fois, des unions qui dureront deux ans en moyenne. En 1962, Martha joue avec Doris Day et Stephen Boyd dans le plaisant musical à gros budget « la plus belle fille du monde » situé dans les milieux du cirque.Toujours très concernée par le sort des soldats américains, elle multiplie les galas en Corée et au Vietnam. Dans des conditions souvent précaires, et sans esbroufe (elle ne convoque pas une armée de journaliste pour suivre ses pas), Martha va devenir l’une des artistes favorites des militaires. On raconte qu’elle n’hésitait pas à prêter main forte aux infirmières et à jouer aux cartes avec les bidasses entre les spectacles.


Des années 70, on retiendra son rôle dans une série télé pour la jeunesse les « Bugaloos », inconnue chez nous, mais qui laisse un sacré souvenir aux jeunes quadra américains, si l’on en juge par les sites consacrés à ce feuilleton et une pub pour « polident », nettoyant pour appareils dentaires.


A la fin de sa vie, Martha fera parler d’elle dans la presse à scandales en épousant à 75 ans, Mark Harris un acteur de 42 ans, qui ne faisait pas mystère de son homosexualité. La fille unique de Martha, saisira la justice de peur que le jeune mari de sa maman, atteinte de la maladie d’Alzheimer, ne fasse main basse sur sa fortune. En tous les cas, celui-ci épaulera Martha lors de son procès contre les producteurs de « For the boys » un film très inspiré de la vie de la comédienne (et des shows qu’elle donna au Vietnam) et de plus interprété par une Bette Midler qui lui ressemble étonnamment. Cependant, ils n’auront pas gain de cause.Souffrant de graves problèmes cardio-vasculaires, la pauvre Martha sera amputée des deux jambes et décèdera en 1994 peu après avoir reçu du Président la médaille de la liberté.Elle léguera une partie de sa fortune à la PETA, association de défense des droits des animaux et à son dernier mari….qui achètera un magasin de fourrures !Etonnante destinée que celle de Martha Raye. Plutôt que sa triste fin, mieux vaut garder en mémoire son énergie et son incroyable fantaisie.

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