mercredi 11 mars 2009

Lola Flores, l'ardente gitane



La volcanique Lola Flores fut probablement une des artistes les plus populaires et les plus aimées du public espagnol au siècle dernier. Danseuse, actrice et surtout chanteuse, elle s’est prêtée à tous les styles du folklore espagnol : tanguillos, sevillanas, zambras, rumbas et surtout la « copla » andalouse.
Plus proche néanmoins de la variété que du flamenco pur, elle a su imposer son style et surtout son écrasante et bouillonnante personnalité. Même si elle a tourné dans de nombreux films musicaux pendant plus de 30 ans, elle concédait elle-même avoir raté sa carrière cinématographique et regrettait qu’en Espagne aucun metteur en scène n’avait su exploiter son potentiel alors qu’ailleurs, elle aurait pu devenir l’équivalent d’une Anna Magnani.


Née en 1923 à Jerez, cette fille de gitans obtient dès l’âge de 14 ans un emploi de danseuse dans un théâtre de Madrid. Les temps sont très difficiles pendant la guerre civile, et Lola avouera s’être prostituée pour aider ses parents et sa famille. Dès 1939, elle obtient un petit rôle au cinéma, et participe à des tournées à travers le pays. Au cours de l’une d’elles, elle rencontre le grand chanteur Manolo Carracol : c’est un coup de foudre à la fois sentimental et professionnel. Il l’engage illico comme danseuse pour l’accompagner pendant qu’il chante. La qualité de leurs spectacles et surtout l’extraordinaire complicité qui lie les deux artistes va en faire le plus célèbre couple du spectacle ibérique.


Elle tourne deux films à ses cotés : Embrujo (1947) et la nina de la venta (1951), des mélodrames folkloriques qui rencontreront un succès considérable en Espagne. Le couple apparaît aussi dans un bref passage dansé d’un film peu connu (et un terrible échec commercial) de Julien Duvivier « Black Jack », qui s’apparente à la vague néo-réaliste et dont les vedettes sont George Sanders et Herbert Marshall. Après sa séparation avec Carracol, Lola va poursuivre sa carrière en solo et consolider son succès en Espagne mais aussi en Amérique du Sud où elle déchaîne les foules.

Son premier film mexicain (réalisé par Miguel Moyrata, un des nombreux artistes espagnols contraints à l’exil depuis l’arrivée de Franco au pouvoir) « Pena, penita, pena »1953 est un triomphe. Elle y incarne une gitane qui va semer la discorde entre deux amis, tous d’eux épris d’elle. La chanson du film restera longtemps le cheval de bataille de Lola.
Tourné en Espagne, Morena clara (1954) compte parmi les plus grands succès de l’artiste. Souvent rediffusé sur la chaîne TVE, il s’agit pourtant d’une comédie bien lourde (dont une partie se déroule à l’époque des pharaons) qui a énormément vieilli. En revanche, 50 ans après, Lola touche encore par sa manière hyper expressive d’interpréter ses couplets populaires dans lesquels elle se donne corps et âme et fascine par son abattage. Gesticulant, détaillant chaque syllabe, elle fait preuve de tant de sincérité dans son interprétation, qu’on n’a pas de mal à comprendre l’ascendant qu’elle pouvait avoir sur le public, et aussi sur la gente masculine.
Car la bouillonnante andalouse est une véritable croqueuse d’hommes. Elle va enchaîner les liaisons sentimentales avec des toréadors, footballeurs, acteurs, chanteurs. A son tableau de chasse figure le compositeur Agustin Lara (qui composera pour elle la faraona, qui deviendra son surnom), Maurice Chevalier, Gary Cooper (rencontré à Paris où l’acteur tourne le film Ariane), Ricardo Montalban (un de ses plus torrides souvenirs selon Lola), Luis Aguilar et d’autres encore. En revanche, elle refusera finalement les avances d’Aristote Onassis qui aura le mauvais goût de lui sortir une liasse de dollars devant la chambre d’hôtel).
En 1957, la chanteuse finit par se caser avec le guitariste Antonio Gonzales dont elle aura 3 enfants : Antonio, Lolita et Rosario (qui feront tous trois une carrière artistique). C’est une vraie mère poule, possessive et omniprésente, qui fait également la loi sur son orchestre gitan et toute la clique qui l’entoure. Tout en fréquentant la les hauts lieux de la jet set, cette femme d’origine très modeste n’avait rien perdu de sa simplicité et de son extravagance. Gloria Lasso racontait que lors du passage de Lola à l’Olympia en 1960 (en première partie de Georges Brassens), celle-ci avait loué pour elle et son entourage plusieurs chambres de l’hôtel George V et rencontré des problèmes avec les propriétaires stupéfaits de voir les locataires griller des sardines sur les balcons.
Les mélos musicaux que Lola a tourné en Espagne, Argentine et au Mexique dans les années 50 et 60 (Maria de la O, dans lequel elle reprend le gros succès d’Estrellita Castro,Venta de vargas) sont ressortis en coffret DVD en Espagne. Les séquences chantées et dansées sont évidemment les meilleurs passages. Filmés de manière vraiment quelconque, ce sont en fait uniquement des témoignages sur la vitalité d’une artiste incandescente. La star qui rêvait de tourner avec Vittorio de Sica, rencontrera pourtant le réalisateur mais le projet n’aboutira pas.
Au fil des années la plantureuse Lola tend à prendre de l’embonpoint. Et quand le réalisateur Luis Saslavsky a l’idée de réunir la star avec deux autres vedettes féminines les plus importantes du moment (Carmen Sevilla et Paquita Rico) pour un film dont l’intrigue rappelle « les girls » de Gene Kelly, Lola est sans conteste la moins jolie du trio. Néanmoins, elle n’a pas de mal à tirer son épingle du jeu, et son interprétation de toda una vida est un des meilleurs moment du film. On la retrouve avec ses enfants et une nuée de stars musicales dans le décevant Taxi de los conflitos (1969) En 1972, elle partage l’affiche la comédie satirique Casa flora avec une autre légende du music hall espagnol : Estrellita Castro. En dépit des changements majeurs qui vont secouer le pays dans les domaines politiques (fin du régime franquiste avec lequel elle était assez liée), musicaux (avènement du rock puis de la pop en Espagne), cinématographiques (apparition de la movida), Lola Flores est une indestructible qui parvient à perdurer au-delà des modes.

A 50 ans passés, elle arbore les tenues sexy et très courtes des années 70, et remporte un véritable triomphe en animant des émissions de télévision, avec son franc parler coutumier. En 1983, des photos topless de la star sont publiées dans l’hebdomadaire Interviu et divisent le pays (photos volées ou fausses paparazzades ?). Lola Flores fait toujours parler d’elle, de même que ses 3 enfants et la presse à scandales se délecte de leurs mésaventures. Pendant plus de 20 ans, Lola va lutter contre un cancer qui va finir par l’emporter en 1996. La star gitane aura droit à des obsèques nationales. Bouleversé par la mort de sa mère, son fils Antonio se suicidera dans les jours qui suivent. Bien évidemment les Hola, Pronto et autres Voici locaux consacreront encore de nombreuses couvertures à cette gloire nationale et aux problèmes d’héritage.
Alors si l’Espagne a connu des artistes de flamenco plus authentiques (Carmen Amaya), ou de chanteuses aussi talentueuses, force est de reconnaître que cette tornade gitane ne manquait pas de personnalité : un véritable phénomène qui a enthousiasmé et fait rêver le public pendant la période franquiste. Ses deux filles poursuivent une carrière artistique tout à fait intéressante au cinéma et dans la chanson. On a vu Rosario dans Parle avec elle d’Almodovar et Danzon, un excellent film musical mexicain, et Lolita dans des séries télé

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