dimanche 29 mars 2009

Gloria de Haven, l'ingénue au sex appeal boudeur




Quand on visite les stands des salons des vieux papiers et autres brocanteurs, et que l’on feuillette les vieux journaux de cinéma de l’immédiat après guerre(Cinémonde, Ciné Revue, Ciné miroir, Cinévie), à s’en noircir les doigts, on reste souvent en extase devant les jolies couvertures en couleurs représentant des artistes français ou américains de l’époque ou de jolies pin-up comme la ravissante Gloria de Haven, qui présente un habile mélange d’ingénuité et de sex appeal boudeur.

Née en 1924, Gloria est la fille d’un couple d’artistes de vaudeville, Carter et Flora qui firent quelques films à la fin des années 20. En 1936, son père seconde Charlie Chaplin sur le tournage des temps modernes. Alors que Gloria et une camarade de classe visitent le plateau de tournage, les deux gamines sont réquisitionnées sur le champ pour faire un peu de figuration dans le célèbre classique. Pressentie par David O Selznick pour jouer le rôle de Becky dans Tom Sawyer, la petite Gloria n’est finalement pas retenue car elle a trop grandi lorsque le premier tour de manivelle est donné.

Tout en chantant pour l’orchestre de Bob Crosby, la jeune adolescente tient quelques minuscules rôles à la MGM (Suzanne et ses idées, la femme aux deux visages…) avant de se faire enfin remarquer dans le musical Best foot forward(1943), Broadway qui chante (1944) et surtout deux jeunes filles et un marin (1944) de Richard Thorpe. Ce musical patriotique avec de jeunes acteurs peu connus, prévu à l’origine comme un film de série B va tellement enthousiasmer la production au cours des rushs, qu’il sortira finalement sur les écrans à grand renfort de publicité, avec des numéros de guests stars prestigieuses comme Harry James ou Lena Horne, greffés à la fin du film. C’est vraiment un film charmant, d’une grande fraîcheur et le duo de sœurs formé par la délicieuse Gloria et la pétulante June Alysson remporte tous les suffrages, sans parler de Van Johnson qui va devenir la coqueluche des adolescentes.

Moue boudeuse et longue chevelure blonde, Gloria n’a pas son pareil pour jouer les coquettes capricieuses. Elle possède surtout une très belle voix chaude, particulièrement mise en valeur dans les chansons de charme (au passage, je conseille vivement son CD ressorti chez Jasmine Records avec une très belle version de blue moon). Pourtant sur la longueur, c’est sa partenaire et grande amie June Alysson, peut être plus atypique avec sa fantaisie et son étrange voix rauque, qui va retenir l’attention des spectateurs et devenir une star.

Pour le moment, Gloria a le vent en poupe : on la voit partout sur les couvertures de magazine, en ingénue sexy, jouant les fermières de charme, dans le foin avec un mouton dans les bras. Elle a aussi l’honneur de donner son premier baiser de cinéma à Frank Sinatra dans Dansons gaiement (1944) : un évènement de taille et qui du faire bien des jalouses, la popularité du jeune crooner auprès des bobbysoxers étant alors à son apogée. Sinon, rien de remarquable dans ce film et dans l’insipide prestation de la chanteuse, ni dans ses participations à deux célèbres séries : Dr Kildare et l’introuvable.

Afin d’imposer définitivement la jeune vedette, la MGM mise fort sur Belle jeunesse, un musical belle époque, dont elle espère le même rendement que le chant du Missouri. Tourné en décors naturels (une rareté pour l’époque), par le talentueux Rouben Mamoulian, c'est un excellent film avec quelques passages très imaginatifs (notamment celui où la robe de l’entraîneuse Marilyn Maxwell s’empourpre au fur et à mesure que Mickey Rooney s’ennivre ou alors le joli numéro en voiture), pourtant le succès ne sera pas au rendez-vous. Peut être parce que le public n’arrive plus à suivre un Mickey Rooney qui s’entête à 30 ans, à tenir encore des rôles d’adolescents pré pubères ? En tous les cas, malgré sa délicieuse interprétation des chansons, Gloria n’a pas l’ombre de la présence de Judy Garland et c’est peut être même l’une des faiblesses du film (d’ailleurs, il semble qu’elle ait eu le plus grand mal à tourner certaines scènes de danse qui furent en définitive coupées). Pour Gloria la raison de l’échec du film tient en deux mots « il était trop bon ! » (Ce en quoi elle n’a pas tout à fait tort). Avant même la sortie du film, Gloria épouse l’acteur John Payne(le premier d’une longue liste) , aussi connu pour ses comédies musicales que ses photos de pin up boy: deux maternités successives vont la tenir éloignée des écrans.

A son retour, l’actrice a des difficultés à retrouver sa popularité d’antan et surtout à effacer l’image de gentille voisine de ses films précédents. D’autant plus que dans le policier la scène du crime, elle n’est pas du tout convaincante en chanteuse de cabaret. Elle est plus à l’aise dans Yes sir that’s my baby (1949), même si l’étonnant Donald O Connor, comme souvent, tire la couverture sur lui.
En 1950, elle tient le rôle de sa mère dans le musical Trois petits mots, en reprenant fort joliment la chanson « Who’s sorry now » (dont la reprise en slow rock par Connie Francis allait faire un tabac 7 ans plus tard). Une émouvante expérience pour Gloria car sa mère, peu avant son décès, assiste au tournage de la séquence.

La même année, elle tient le rôle de la sœur de Judy Garland dans la jolie fermière. Un très beau souvenir pour la comédienne (qui nouera une amitié sur le plateau avec la star dépressive) même si elle n’y chante que brièvement, Gene Kelly et Judy se réservant les meilleurs morceaux. Du coup, on se souvient à peine de sa présence.

avec William Lundigan dans parade du rythme

Toujours en 1950, Parade du rythme ressemble à un remake des Dolly sisters. Quelques jolis duos avec la bellissime June Haver se laissent voir avec grand plaisir (notamment le très swing taking a chance on love, où elles sont belles comme deux magnifiques poupées), même s’ils sonnent très fifties alors que le film est censé se passer pendant la guerre.
Cela fait des lustres que je n’ai pas revu Ticket pour Broadway (1951) (et pour cause : la cassette vidéo s’est enroulée dans le magnétoscope et a été irrémédiablement endommagée), petit musical de la RKO plutôt sympa, avec de très jolies chanson et surtout une bonne brochette d’acteurs, notamment le très sous-estimé Eddie Bracken (D’ailleurs, Gloria s’en sortait très bien).
En 1951, Gloria enregistre « because of you », un slow qui devient un tube (repris en France par Frédérica) et l’incite à participer à plusieurs tours de chant dont un à Monte Carlo.

De retour sur les écrans en 1954, Gloria tente d’imposer une image beaucoup plus sexy. Cheveux platinés, coupés très courts, les jambes gainées de bas résilles, elle affirme que les femmes peuvent avoir encore beaucoup de sex appeal à …30 ans ! (A croire qu’à l’époque, les femmes étaient vite renvoyées au placard !).


Pourtant dans le film Ca c’est Paris (1954), même quand elle chante (en français, avec un délicieux accent), I can’t give you anything but love, contre un réverbère, accoutrée comme une prostituée de l’époque et entourée de danseurs jouant les mauvais garçons…on a vraiment l’impression de voir une douce ingénue à un bal costumé plutôt qu’une vamp. En tous les cas, c’est de loin le meilleur morceau de énième musical pour marins (avec Tony Curtis), et peut être un des meilleurs de la carrière de Gloria. Je n’ai pas vu « L’héritière de Las Végas », où Gloria en meneuse de revue, joue encore la carte sexy et chante qu’elle possède une île dans le Pacifique mais qu’elle aurait besoin d’un homme de temps en temps ».


Avec le déclin du film musical, Gloria est obligée de se tourner vers les planches et les cènes de Broadway. Son apparition avec Ricardo Montalban dans l’opérette de Victor Young Seventh Heaven est un succès et lui vaut de belles critiques personnelles. Par la suite, Gloria va continuer à participer à de nombreuses tournées de musicals n’ayant plus à faire leur preuve : Oliver, la Mélodie du bonheur. On la retrouve même à Londres avec Sammy Davis Jr, et également à la télévision, en guest dans des séries hyper connues. Dans les années 80, on a beaucoup vu Gloria dans des soap-operas qui pullulent à la télé américaines (et même une courte apparition dans Falcon Crest). Interrogée par la presse sur sa participation à de tels navets, Gloria sera brève : elle adore regarder ce genre de feuilletons à la télé, et rêvait d’y jouer.

En 1997, Gloria fait un come-back nostalgique dans une charmante comédie « la croisière galère » avec Walter Matthau, Jack Lemmon et Donald O’Connor. Une bonne surprise et un vrai régal pour les amoureux du cinéma d’autrefois. Et Gloria de Haven n’a rien perdu de sa beauté.
Si les films de Gloria de Haven n’ont pas marqué l’histoire du cinéma (hormis les Temps moderne pour lequel elle n’est même pas créditée, et peut être Belle jeunesse), et qu’elle n’a jamais été une superstar, son nom demeure associé à l’âge d’or de la MGM. Pour les adolescents américains de l’époque, elle demeure la « girl next door » sexy mais accessible dont on collait la photo, obtenue dans les tablettes de chocolat, sur un cahier d’écolier
A mon avis, ce sont surtout sa voix et ses disques qui méritent d’être redécouverts. J’ai tenté d’obtenir un autographe de sa part, mais mon courrier est revenu NPAI. Où êtes vous Gloria ?

1 commentaire:

  1. Vidéo sympa ! Je partagerais cette vidéo sur youtube et j'achèterais beaucoup de likes sur https://viplikes.fr

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