dimanche 1 mars 2009

Caterine Valente, une enfant de la balle







Si en France, on se souvient d’elle comme d’une chanteuse exotique des fifties dans la mouvance des Dalida et Gloria Lasso, on oublie que la chanteuse Caterina Valente a connu une carrière internationale remarquable. Peu d’artistes peuvent se venter d’avoir chanté en tant de langues différentes, et surtout d’avoir remporté un égal succès en Europe, aux Etats-Unis et au Japon, avec un répertoire adapté pour chaque pays. Au faîte de son succès, Caterina Valente s’est illustrée aussi dans quelques comédies musicales germaniques, où elle pu faire valoir non seulement ses talents de chanteuse, mais aussi de danseuse, fantaisiste et imitatrice.

Caterina Valente est née à Paris en 1931 au hasard des pérégrinations de ses parents, artistes de cirque (son père est un accordéoniste italien, sa maman un clown très réputé d’origine russe). Après des cours de danse russe de Paris, elle participe très jeune à des tournées dans toute l’Europe avec ses parents : premier tour de chant à Stuttgart en 1937, première télé en Italie dès 1939( !). Les voyages forment la jeunesse et aussi le goût pour les langues : Caterina en maîtrise très bien une dizaine. Pendant la guerre, elle et sa famille sont déportés en camp de concentration, en raison de ses origines juives (ce qu’elle cachera longtemps à son public, car elle détestait qu’on s’apitoie sur son sort, et tant tout état de cause, cela ne se disait pas dans les années 50). Après la guerre et son mariage avec un jongleur allemand, elle tente de voler de ses propres ailes, sans grand succès dans un premier temps.


Elle explose en Allemagne à l’occasion d’un festival de jazz en 1953 où l’on remarque notamment son habilité à scater avec des sons suraigus. Cependant c’est avec des chansons populaires, à l’exotisme kitsch qu’elle va faire un tabac outre Rhin et créer les bases de ce qu’on appelle la bas le « schlager », c'est-à-dire une chanson populaire, au rythme basique, très facile à retenir. En 1955, lors d’un passage aux USA dans le show de Gordon Mac Rae, elle fait sensation et arrive à placer son « breeze and I » dans les charts US et au top ten, ce qu’aucune artiste européenne non britannique n’avait réussi à faire avant elle (et que fort peu réussiront après).

A cette époque, on tourne beaucoup de comédies musicales en Allemagne, car le public est très friand de ce genre de divertissement. Après avoir figuré en guest-star dans Grossestarparade (1954), remake réussi de Nous irons à paris, et Bal au Savoy (où en dépit de sa courte apparition, on ne voit qu’elle sur l’affiche du film), Caterina devient star de cinéma dans Amour, danse et 1000 surprises (1955). C’est une plaisante comédie dans lequel elle interprète une chanteuse qui se fait passer pour une enfant prodige pour attirer l’attention : les chansons sont sympas, son numéro de claquettes avec son frère Silvio très correct, et l’alchimie avec son partenaire Peter Alexander parfaite. Du coup, on retrouve le joyeux duo dans Bonjour Cathrin (1956). Cependant les exigences salariales de miss Valente et de Peter Alexander (managés d’une main de fer par leurs époux respectifs) sont telles qu’ils ne tourneront plus ensemble, malgré le triomphe du film.

Ses films (dans lesquels elle joue toujours le rôle d'une jeune française avec un solide accent français) ne sont pas extras et ne valent pas les productions hollywoodiennes de la même époque, c’est une évidence. Pourtant, dans les scénarii stéréotypés de ses productions, elle arrive à caser des numéros dignes d’intérêt, comme le strip-tease de la momie dans la reine du Music hall (séquence coupée en Espagne car jugée trop hot !), les imitations de Chevalier et Elvis Presley dans ce soir à la Scala ou un excellent numéro de claquettes (dans le même film) qui laisse songeur : on se dit qu’avec un tel potentiel, et un égal talent pour le chant et la danse, Hollywood en aurait sûrement fait quelque chose.
En 1957, alors qu’elle triomphe en Italie avec sa chanson personnality, elle tourne son seul film français, Casino de Paris, d’André Hunebelle avec Gilbert Bécaud, le chanteur le plus populaire du moment. Un film pas terrible dont on retiendra l’amusante séquence où Caterina copie le look d’Audrey Hepburn, Sophia Loren et Marilyn. Si malgré l’appui de son ami Coquatrix, son premier passage à l’Olympia n’est pas un succès, en raison de la concurrence des chanteuses exotiques Dalida, Gloria Lasso et Maria Candido, elle décroche enfin un tube en France en 1958 avec la version française de Fever.

Dans J’y suis j’y reste (1959), elle chante en duo avec Bill Haley, le célèbre interprète de Rock around the clock Tu es merveilleux, tourné la même année est probablement son meilleur film : l’intrigue est sympathique et les chansons entraînantes. Le déclin du film musical en Allemagne et l’internationalisation de la carrière de Valente vont mettre fin à sa carrière cinématographique. Soucieuse de confirmer son succès aux Etats-Unis, elle s’y installe et se fait beaucoup remarquer au Perry Como show (en hommage à sa chanteuse préférée, Perry Como interprètera une chanson intitulée « Caterina » qui sera un tube aux USA en 1962). Ses duos avec Bing Crosby, Sammy Davis, Dean Martin, Tony Martin, Nat King Cole, Sinatra et d’autres achèvent d’en faire une grande vedette de la chanson aux USA. On lui propose son propre show qui sera couronné par des grammy awards. Elle impose en Allemagne et évidemment aux States, « et maintenant » la chanson de son ami Gilbert Bécaud, qu’elle est la première à avoir chanté là-bas (mais pas la dernière, car la chanson deviendra un standard des plus repris).


Sur la quantité d’albums enregistrés, l’excellence de certains (surtout aux USA) tranche avec la nullité de certains 45T destinés au public germanique ou elle s’enlise dans les schlagers les plus nuls (flamanco tcha tcha, madison à Mexico…). En 1970, son triomphal passage à l’Olympia avec Michel Legrand marque sans nul doute le sommet de sa carrière sur un plan qualitatif. Puis, elle dégringole lentement dans les années 70 (quelques succès en Grande Bretagne, d’ultimes grosses ventes en Allemagne). Elle a publié ses mémoires dans les années 80 et depuis fait très peu parler d’elle, même en Allemagne et en Italie, seuls pays où elle ressort un disque – pas terrible- de temps en temps. Elle envisageait en 2000 de faire un come-back à l’Olympia, cependant malgré le soutien de amies Paulette et Patricia Coquatrix et de Michel Drucker, les producteurs n’oseront pas miser au début de ce nouveau siècle leur argent sur une artiste plutôt oubliée chez nous.

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