samedi 28 février 2009

Peggy Lee, la reine de la variété jazzy






Quelques claquements de doigts, une voix chaude et sensuelle qui murmure « you give fever »…, voici probablement un des succès les plus mémorables de la chanson américaine des années 50 et de cette grande dame de la variété américaine du jazz que fut Peggy Lee.

Née en 1920, Peggy perd très jeune sa maman. Son père, d’origine suédoise, se remarie avec une femme particulièrement méchante et violente. Souvent frappée, Peggy quitte jeune sa famille pour travailler pour un laitier, puis tenter sa chance dans différents petits orchestres pour des radios locales. Engagée par l’orchestre de Benny Goodman, le roi du swing, elle grimpe rapidement les marches de la gloire. Why don’t you do right (1942), qu’elle interprète devient un très gros succès populaire (la chanson sera réutilisée dans le dessin animé qui veut la peau de Roger rabbit) et Peggy la reprend, coiffée d’un chignon à la Betty Grable (avec laquelle elle présente une légère ressemblance) dans le film le cabaret des étoiles (1943) toujours avec l’orchestre de Benny Goodman.

Après son mariage avec Dave Barbour, le guitariste de l’orchestre, Peggy opte pour une carrière de chanteuse en solo. « Manana »1947, une samba humoristique dont elle est aussi l’auteur sera un gros succès populaire (version française par Lily Fayol) et « it’s a good day », un numéro plein d’allégresse sera repris dans une pub bien des années après.
Pour emprunter les mots de Marlène Dietrich, qui l’admirait beaucoup, Peggy Lee c’est avant tout une « voix de miel », une façon de chanter sur un ton confidentiel, mais aussi un sens du swing et une musicalité qui lui vaudront souvent d’être comparée avec les plus grandes chanteuses blacks de l’époque (Bilie Holiday notamment).
Après avoir chanté avec Bing Crosby dans Mister Music (1950), elle est enfin engagée dans un premier rôle pour le fade remake du chanteur de jazz (1952) avec Danny Thomas. Si la trame du film parait complètement démodée, Peggy resplendit. D’une part, elle n’a jamais été aussi belle, et ses chansons sont vraiment fort bien choisies (notamment une reprise très syncopée de « lover », à 1000 lieux de l’original de Jeanette Mac Donald , qui lui vaudra un disque d’or.

L’année suivante, Peggy interprète et écrit les paroles de l’envoûtante chanson du fameux western « Johnny Guitar ».
Sur un plan cinématographique, 1955 est sa grande année. Elle compose les musiques du dessin animé de Disney « la belle et le clochard » et double vocalement le personnage de la belle et les chats siamois. (Des années plus tard, Peggy Lee traînera les productions Walt Disney devant les tribunaux pour obtenir un intéressement sur la vente du film en cassette vidéo, et finira par avoir gain de cause). La même année, elle joue dans un polar de Jack Webb « la peau d’un autre – le gang du blues ». Situé pendant la période de prohibition, ce film très violent pour l’époque est assez original, mais au final plutôt décevant. Les chansons interprétées par Peggy sont toutes soporifiques et ne tiennent pas la comparaison avec la chanson titre interprétée brillamment par Ella Fitzgerald. Cependant, Peggy révèle des qualités insoupçonnées de comédienne dans son rôle de chanteuse frappée si violemment par son compagnon, qu’elle perd la raison.

En 1958, Peggy Lee triomphe avec la chanson Fever . Un standard repris par Elvis Presley, Madonna, Caterina Valente (en français avec de curieuses paroles de Boris Vian). Autant dire qu’aucune de ces copies n’arrive à la cheville de la version de Miss Peggy Lee.
Contrairement à ses consoeurs de l’époque, Peggy Lee n’aura pas à souffrir de l’explosion du rock n’roll et de la pop music à la fin des années 50. Sa façon déjà très moderne de chanter lui permettent même de reprendre « a hard day’s night » des Beatles ou « bridge over troubles waters » de Simon et Garfunkel. Très éclectique, elle n’hésite pas à se frotter à la soul music comme aux rythmes afro cubains. Elle chante quelques génériques de film (notamment « rien ne sert de courir » l’un des derniers films avec Cary Grant, qui fut un de ses meilleurs amis (je l’aurais bien traîné jusqu’au lit si j’avais pu » aurait-elle déclaré !). Dans sa bio, elle indique avoir eu une liaison avec un célèbre acteur (marié) dont elle préfère taire l’identité. Peggy Lee va se marier 5 fois au total.

Dans les années 70, son étoile finit par pâlir. Elle cumule les problèmes de santé (diabète, pneumonies, accidents) et a beaucoup de mal à garder la ligne. Ce qui ne l’empêche pas de garder sa longue chevelure blonde et d’affectionner les robes rose bonbon, pour un résultat pas toujours très heureux. Elle va ainsi inspirer le personnage de Peggy la cochonne dans le Muppet show. En 1983, la comédie musicale basée sur sa vie qu’elle monte à Broadway est un fiasco. Bientôt condamnée au fauteuil roulant, l’artiste va continuer à ce produire sporadiquement, et à enregistrer (notamment un duo avec Gilbert O’Sullivan) même si sa voix n’est plus qu’un soupir.

Elle est morte en 2002. Pour ceux qui voudraient la découvrir, je ne sais quel disque conseiller, tant elle en a enregistré. J’aime beaucoup « Black coffee » un album du milieu des années 50, très jazzy ou les morceaux très swing de la fin des années 40 (sa jolie version des cavaliers du ciel notamment). Les amateurs « d’easy listening » et de variétés, préfèreront ces nombreux disques pour la Columbia dans les années 60 avec l’inoubliable fever, le très « soul » I’m a woman, le « broadwesque » big spender et le très nostalgique et désabusé « is that all there is », un de ses meilleurs morceaux et son dernier gros tube (1969). Il y a quelques années, on trouvait sur le marché un superbe longbox avec toutes les périodes réunies (dont sa superbe version du « Everybody loves somebody sometime » peut-être meilleure que celle de Dean Martin).

En 2006, Gwyneth Paltrow a tenu le rôle de Peggy dans la biographie filmée de Truman Capote (même si le personnage porte un autre nom dans le film).
Peggy Lee, une très grande dame de la chanson américaine. Impossible d’ignorer celle que Duke Ellington surnommait « la Reine »: ses chansons ont été tellement reprises dans des spots publicitaires, films, etc.. que vous l’avez sûrement déjà entendue et appréciée sans le savoir !



Joan McCracken, la fille qui ne savait pas dire non




Et si on abordait maintenant, après l’évocation de ces fabuleuses et parfois très longues carrières, le cas d’une danseuse qui avait tous les atouts pour devenir une star de l’écran , mais qui n’a brillé que dans un film, Joan Mc Cracken, l’héroïne du film Vive l’amour (Good news) de Charles Walters 1947 ?


Née en 1917, Joan McCracken suit des études de danse classique avant de tenter sa chance à Broadway. Elle devient une vedette du jour au lendemain dans l’opérette Oklahoma (1943) de Rodgers et Hammerstein. Elle impose sur scène son personnage de chipie et ses talents de danseuse acrobatique, sa grâce et son énergie liés à un réel talent pour la comédie remportent immédiatement l’adhésion du public. En outre la chorégraphie d’avant-garde d Agnès de Mille va révolutionner le monde de la comédie musicale.La nouvelle coqueluche de Broadway est alors invitée partout.Intelligente et avide d’enrichir ses connaissances artistiques (elle n’avait pas eu la chance de faire des études), Joan va chercher à s’entourer d’hommes de lettres.Son premier mari le romancier Jack Dumphy la laissera tomber pour Truman Capote et ce dernier s’inspirera d’elle pour le personnage de jeune croqueuse de diamants de son roman Breakfast at Tiffanys’ (adapté à l’écran avec Audrey Hepburn).Son second mari n’est autre que Bob Fosse, le merveilleux chorégraphe (et futur réalisateur de Cabaret) dont elle va encourager le talent et le non-conformisme.Après une courte apparition dans un film de 1944, Joan est engagée par la MGM pour Good news (1947).



Il s’agit du remake d’un musical déjà filmé au début du parlant (1930) avec Bessie Love. (Il ne subsiste que quelques bobines de cette version originale, mais leur visionnage fait vraiment regretter la disparition du reste du film : ce que j’ai pu en voir est en effet excellent : les numéros musicaux sont étonnants et déjà menés avec beaucoup de vivacité ; je pense notamment à celui d’un danseur contorsionniste particulièrement doué).Dans ce remake, à l’origine prévu pour Mickey Rooney et Judy Garland : pas d’étoiles de la danse pour incarner le couple principal : Peter Lawford et June Alysson n’ont jamais représenté une menace pour Fred et Ginger. Pourtant leur couple fonctionne parfaitement, y compris dans les énergiques numéros dansés. Ce musical basé sur la vie et les amours de jeunes étudiants est un vrai régal. Les chansons sont excellentes (the best things in life are free par le merveilleux crooner Mel Tormé) et les numéros dansés, notamment la finale, bouillonnent d’une énergie des plus communicatives. En somme, un film qui donne la pêche, dont l’acquisition en DVD est hautement recommandé aux amateurs de films musicaux de la grande époque (en plus parmi les bonus, figurent de beaux extraits de la version 1930).Joan Mc Cracken, avec sa délicieuse frimousse est vraiment craquante dans le rôle de Baby Doolittle. Elle partage avec Ray McDonald quelques numéros de danse d’une grande exubérance dont le fameux pass the peace pipe (popularisé sur disque par Margaret Whiting) qui est le clou du film. Quand on revoit ce passage dans il était une fois à Hollywood, on est ébloui, et pourtant, elle ne fera plus rien d’autre au cinéma.


L’instabilité de la jeune femme et son tempérament caractériel expliquent peut-être les raisons pour lesquelles les producteurs n’ont plus voulu miser sur elle. La bio récente dont elle a fait l’objet révèle aussi qu’elle se droguait (LSD). Après des débuts remarqués à la télé, elle retourne sur les planches de Broadway où elle va littéralement s’user la santé (elle souffre du diabète), en multipliant les représentations et en intensifiant ses activités. En 1959, Bob Fosse la quitte pour Gwen Verdon, autre étoile de Broadway qui va devenir sa nouvelle muse (et dont le style n’est pas étranger à celui de Joan). Elle meurt à 44 ans de complications liées à son diabète. Elle a influencé et inspiré beaucoup d’artistes du cinéma et de la scène: Shirley Mac Laine notamment.

Ninon Sevilla, la danseuse des bas fonds



On ne programme plus guère les films de Ninon Sevilla à la cinémathèque ou au cinéma de minuit, et c’est dommage, car cette danseuse cubaine fut en son temps particulièrement populaire en France où ses films ont été importés et exploités avec beaucoup de succès. Parmi ses admirateurs, François Truffaut qui considérait qu’elle « ne dansait pas pour l’art mais pour le plaisir »; Edith Piaf lors de sa tournée au Mexique voulut absolument la rencontrer : il est vrai que l'univers des films de la star (bouges, filles perdues, hommes violents) présente plus d'une similitude avec le répértoire de la mythique chanteuse. C’est aussi l’occasion d’évoquer un genre très particulier : le rumbera, polar violent épicé de nombreux numéros de cabaret.



Née à Cuba en 1921 et élevée par une tante, la jeune Emelia se fait remarquer en dansant dans différents cabarets de la Havane. Ses spectacles, dont elle assure elle-même la chorégraphie, la rendent rapidement populaire et attirent sur elle l’attention des producteurs mexicains : il est vrai qu’à l’époque les plus célèbres vedettes du film musical mexicains étaient cubaines : Maria Antonieta Pons, Meche Barba…Cependant, comme elle le signalera plus tard, « elle n’a pas eu à faire partie du harem de Juan Orol » (célèbre réalisateur de l’époque qui lança et épousa successivement Margarita Mora, Maria Antonieta Pons, Rosa Carmina, Mary Esquivel et Dinorah Judith) pour devenir star de cinéma. Comme Maria Antonieta Pons qui avait repris le prénom de la célèbre reine de France réputée à l’étranger pour sa frivolité, Emelia emprunte son prénom de scène à la courtisane Ninon de Lenclos.


Après quelques apparitions dans des films souvent aux cotés du célèbre compositeur Agustin Lara (notamment Pecadora 1947 qui sera accueilli avec sarcasmes par la critique française) où elle se contente de danser, Ninon est engagée par le réalisateur Alberto Gout, qui en quelques films va bâtir sa personnalité cinématographique : une femme sensuelle et vénéneuse, inquiétante et provocante, que les aléas de la vie ont souvent mené à la prostitution ou dans les cabarets les plus sordides et qui ne pense qu’à se venger.


Les films dans lesquels elle s’illustre sont presque tous des rumberas (genre déjà en vogue depuis le début des années 40), des polars très violents, à l’atmosphère lourde, dont l’intrigue, rocambolesque à souhait, se situe dans un cabaret ou une maison close (ou le plus souvent un établissement qui fait les deux). Les histoires sont interrompues par des boléros ou autres tendres ballades interprétés par les plus célèbres artistes (Pedro Vargas, le trio Los Panchos) du moment (ces passages chantés sont néanmoins toujours bien venus, car ils décrivent la psychologie des personnages) et évidemment des ballets de la star : souvent des numéros exotiques, dansés frénétiquement sur un rythme éffreiné. Un style de danse qui la fit comparer à Carmen Miranda aux USA. Les numéros dansés, lourds de sensualité, ne sont néanmoins pas dépourvus de grâce, comme chez ses consoeurs Tongolele et Maria Antonieta Pons, dont le style très appuyé est limite vulgaire dans certains numéro. Sa silhouette et sa longue chevelure rousse évoquent Rita Hayworth

Maison de rendez vous (aventurera 1950) est probablement le film le plus connu de Ninon Sevilla, en tous les cas le plus caractéristique. Dans ce film à l’intrigue ébouriffante, elle est abusée par l’amant de sa mère qui l’entraîne dans un cabaret où on la drogue avant de la violer. Elle parvient à s’échapper de cette « maison de rendez vous » pour devenir une danseuse célèbre et tombe amoureuse d’un jeune homme de bonne famille, dont la mère n’est autre que la tenancière du bordel ! Cynique et effrontée, elle ne pense alors qu’à se venger. On va ainsi de surprises en surprises. Le jeu des ombres et lumières et l’excellente photographie contribuent beaucoup à la valeur de ce film. Les scènes de danse (dont le fameux Chiquita banana qui sera repris en France par Joséphine Baker, ou une danse orientale exécutée sur une mélodie de Brahms ) valent aussi le coup d’œil.

Quartier Interdit (1951)du grand Emilio Fernandez joue aussi à fond la carte du mélo : après avoir recueilli, un enfant abandonné dans une poubelle, une jeune danseuse est obligée de se prostituer pour pouvoir l'élever . Bon d’accord, on joue à fond sur la corde sensible, et du coup cela devient plus comique qu’émouvant, mais ce genre de film en dit également long sur la misère noire du peuple mexicain.
Sensualité (1951), dans lequel Ninon Sevilla, est encore plus hargneuse et perverse que dans les films précités, est vraiment un très bon film noir d’une grande âpreté qui mériterait d’être redécouvert.


Les titres des films de Ninon Sevilla disent long sur leur contenu (Je ne renie pas mon passé, carrefour du vice, perdue, femmes sacrifiées, victimes du péché…) : toujours l’histoire d’une fille qui a mal tourné et qui essaie de se débattre comme elle peut dans un monde corrompu. La violence et les sujets abordés leur valaient évidemment une interdiction pour les mineurs. Sur le plan musical, on notera que Ninon assurait généralement sa propre chorégraphie, en essayant souvent d’intégrer des passages d’inspiration afro-cubaine à ses numéros.
La plupart des films de Ninon seront de gros succès en France où elle sera invitée en 1952. Lors d’un gala de charité, le prix des plus belles jambes du monde lui sera remis, devant Ginger Rogers !
En 1952, suite à la fermeture de nombreux cabarets par nouveau gouverneur de Mexico qui souhaite remettre un peu d’ordre dans ce milieu, le genre rumbera vit ses dernières heures. Du coup, Ninon Sevilla a beaucoup de mal à retrouver des rôles : on la retrouve en 1958 dans une opérette espagnole en costumes d’époque. Dans les années 60, elle se produit beaucoup sur scène, enregistre des disques (dont l’un est lui aussi interdit aux mineurs !). En 1979, elle fait un retour remarqué au cinéma (dans nuit de Carnaval) qui lui vaudra un prix d’interprétation. Depuis, on la voit beaucoup dans les indigentes télénovellas qui pullulent sur les petits écrans mexicains. Bon au moins, ça doit être bien payé.


vendredi 27 février 2009

Kajol, la reine de Bollywood




Portrait réalisé par Jordan White, reproduit ici avec son aimable et amicale autorisation



Impossible de faire l'impasse quand on évoque le ciné hindi sur Kajol, actrice que je vénère, alias Kajol Mukherjee, Kajol qu'elle a choisi pour plus de praticité, mais son nom entier est bien celui-là. Elle est de la destinée des Mukherjee, traditionnellement ancrée dans le cinéma depuis des décennies.

Née le 5 Août 1975 à Mumbaï, Kajol est l'actrice Bollywood la plus populaire depuis le milieu des années 90. Ca va être dur pour moi d'être objectif, car je la considère non seulement comme la plus belle actrice du ciné hindi mais également comme la plus talentueuse. Et plus simplement comme une des plus grandes actrices des dix dernières années, toutes nationalités confondues.

Je parlerai de ses rôles principaux.

Elle est issue d'une famille de producteurs, son père en étant un. Sa maman quant à elle était actrice. On peut la voir durant la cérémonie de remise des FilmFare Awards 1998. A noter à ce titre, que sa petite soeur s'est lancée dans le ciné, mais n'a pas fait d'étincelles pour l'instant. A quand sait-on jamais, le rôle qui la propulsera au firmament comme sa grande soeur ? Trop tôt pour le dire.
Donc Kajol fait ses armes entourée d'une famille qui a baignée dans le milieu puisqu'elle fait partie de la quatrième génération d'actrices. Sa cousine n'est autre que Rani Mukherjee, aujourd'hui reconnue de tous comme un des valeurs sûres à Bolllywood ( après avoir cartonner dans Bunty aur Babli et Black en 2005 difficile de ne pas être portée aux nues).

La carrière de Kajol est lancée avec Baazigar, même si elle a tourné dans Bekhudi en 1992. Baazigar, Oh Baazigar comme on le chantera dans une des chansons, et film dans lequel elle rencontre celui qui restera son alter-ego masculin, le dynamique Shah Rukh Khan. Ensemble ils formeront le duo le plus célébré des années 90, voguant de succès montres en succès monstres, pulvérisant régulièrement les entrées en salles. Couple à l'écran, mais pas à la ville bien qu'ils restent de très grands amis.
Baazigar a l'avantage malgré d'énormes défauts de nous montrer un ShahRuKh en pleine forme en tant que méchant. La scène la plus mémorable reste celle du toit de l'immeuble où il précipite dans le vide sa pauvre victime.


Il faut attendre 1995 et l'année du renouveau, avec Aditya Chopra pour faire à nouveau du couple vedette l'affiche la plus populaire de la décennie, Dilwale Dulhania Le Jayenge, demeurant à ce jour leur plus gros carton, encore joué à certaines séances dans une salle de Bombay qui affiche complet, onze ans après sa sortie !
Un couple uni envers et contre tout, le film parle autant aux indiens de souche, qu'aux NRI, ces indiens qui vivent à l'étranger et auquel le film est destiné.
Changeant profondément la donne, le film enthousiasme à un tel point que les gens chantent à tue-tête les chansons dans la rue en les retenant par coeur et de les ressortir encore aujourd'hui. Le pari est gagné sur tous les plans. Kajol est une mégastar.

Elle fait un virage par Kollywood, en tournant dans un film tamoul, Sapnay, que je n'ai pas vu à ce jour. C'est une de ses seules apparitions dans le cinéma du Sud avec Minsaara Kanavu, comme le feront Aishwarya Rai qui tournera deux trois films et Tabu qui tournera dans Kandukondain Kandukondain.
En 1998, c'est à nouveau le sacre avec le triomphe Kuch Kuch Hota Hai réalisé par Karan Johar, un ami proche dans la vie de Shahrukh et Kajol. Amour contrarié, émotion et larmes à tous les étages, la sauce masala est là pour trois heures de spectacle ébouriffant, qui marque à nouveau un changement esthétique et technique dans le Bollywood, en devenant plus virtuose, plus coloré, plus fou.
Kajol rayonne de son hallucinante beauté (c'est dans ce film que je l'ai découverte et depuis le film a fait son chemin dans ma tête), en sari vert et orange, comme en garçon manqué au début du film, où ses manies de chipie font merveille pour la seconde d'après vous briser le coeur et vous faire fondre en larmes. Toute la folie contrôlée de Kajol, l'actrice excellant dans le mélange salé et sucré, folie et douceur, sagesse et furie. Le film est aussi resté légendaire pour son final cathartique.

Les gens continuent de fredonner Kuch Kuch Hota Hai, la chanson titre, tandis que le film lui est entré dans les moeurs et dans l'histoire. C'est la première fois que Kajol joue avec sa propre cousine, l'alors inconnue Rani Mukherjee, dont on connaît le parcours depuis. On pourrait faire découvrir Bollywood à une personne par ce film, tant il en porte l'esprit à la fois mélodramatique et naïf dans le premier sens du terme. Le merveilleux l'emporte toujours.


Elle joue deux rôles dramatiques dans Dil Dya Kare (1999), qui lui permet de rencontrer l'homme de sa vie ( bah faut pas rêver, une femme aussi sublime ne peut pas être célibataire et rechercher l'amour, en même temps elle forme un couple très touchant avec Ajay, les deux étant des personnes semblant très simples), Ajay Devgan, acteur de son état, qui peut être très bon comme très mauvais selon les rôles et les films. La même année elle tourne dans le drame poignant Hum Aapke Dil Mein Rehte Hain avec Anil Kapoor en parfaite ordure qui lui en fait voir des vertes et des pas mûres. Même quand les films sont moyens elle parvient toujours à tirer son épingle du jeu, comme ce sera le cas dans Kuch Kathi Kuch Methi, un de ses plus faibles, dans lequel elle joue une double rôle, fantaisie qu'elle agrémente de ses tics habituels en ne réussisant pas l'exploite de rendre le film plus abouti que ça.


Elle enchaîne ensuite avec Raju Chacha (2000), film pour (grands) enfants, à base de fantastique, de conte, un film très curieux, véritable ovni, très inégal mais qui possède ses petits moments de tendresse entre deux éclats à la violence insoupçonnée et en fin de compte dérangeante. Elle aime particulièrement jouer avec des enfants, et ce film le confirme une fois de plus après Dil Kya Kare et Kuch Kuch Hota Hai.


En 2001, elle prend à nouveau le taureau par les cornes, en jouant un rôle dans lequel est elle absolument extraordinaire. Elle est Anjali, et elle vit son personnage comme peut-être jamais auparavant. Stupéfiante dans le registre de la comédie, où elle enchaîne les gags à une cadence infernale (le vase entre autres), elle est déchirante dans la partie dramatique. Elle est Anjali une nouvelle fois pour Karan Johar, dans La Famille Indienne, le film de tous les excès, de toutes les folies, de toutes les audaces pour un Johar qui se surpasse. Décors, costumes, maquillage, chorégraphies, tout est là pour étinceler, briller, imprimer durablement la rétine. Kajol est alors, sans doute, la plus belle femme de la terre. Elle s'amuse comme une folle et son plaisir est communicatif.


Mais le rêve de la voir enchaîner les rôles, et de la revoir tôt après dans un autre film s'estompe quand elle prend la décision de se retirer des plateaux de ciné, pour s'occuper de sa famille. Devenue maman, elle prend sa distance, et préfère la compagnie d'Ajay et de sa fille Nysa née de leur amour.
Les fans éplorés voire pour certains inconsolables attendent cinq long années avant de la revoir, dans le comeback le plus fracassant de l'année 2006, dans Fanaa, où elle joue une jeune aveugle, amoureuse d'un terroriste dont elle ignore les agissements.
La rencontre au sommet de deux pointures, Aamir et Kajol promet des étincelles. Le film parvient à les donner.

Elle reviendra sûrement dans un rôle à sa mesure. Il faut être patient désormais. La Reine de Bollywood a encore tellement à nous offrir.


Dinah Shore, la voix de miel




« J’ai loupé ma carrière au cinéma » avait coutume de déclarer Dinah Shore, la plus populaire chanteuse américaine des années 40, qui s’est si bien reconvertie par la suite dans l’animation de talk shows. Passage à basse altitude sur la carrière de cette crooneuse.


Née en 1917, Frances Rose Shore a emprunté son prénom d’artiste à une célèbre chanson de l’époque. Après avoir chanté au collège, elle débute à la radio à la fin des années 30 dans les shows d’Eddie Cantor. Sa voix particulièrement suave, qui s’inspire un peu du style bluesy de l’artiste black Ethel Waters est tout de suite remarquée par les auditeurs. Après quelques refrains chantés pour l’orchestre de Xavier Cugat, elle entame rapidement une carrière solo, ce qui était fort rare en ce début des années 40, grande période des big bands. Le succès est immédiat : the blues in the night (1942) est un très gros succès populaire. Toujours avec l’aide d’Eddie Cantor, Dinah débute à Hollywood (après une opération de chirurgie esthétique et séjours dans les instituts de beauté). Remerciez votre bonne étoile (1943) produit par la Warner est un musical sympa, dans lequel toutes les vedettes sous contrat viennent pousser la chansonnette ou tenter un pas de danse, ou juste faire une apparition furtive. Même si ce film retient aujourd’hui l’attention par les amusantes prestations chantées de Bette Davis, Errol Flynn ou Ida Lupino, il est certain que sur un plan strictement vocal, Dinah chante mieux qu’eux.


Très active pendant la guerre, Dinah participe à des tournées en Europe pour entretenir le moral des GI (son image en sortira considérablement grandie). En 1944, après la libération de Paris, elle donne un show devant le château de Versailles pour les alliés. Il était logique qu’elle participe à une des comédies musicales patriotiques multi-stars bâties pour les soldats. Dans Hollywood parade (1944) elle chante I’ll walk alone (une chanson pour les épouses des prisonniers qui remportera aux States un succès similaire à je suis seule ce soir ou j’attendrai chez nous. Le meilleur rôle de Dinah au cinéma demeure « Un fou s’en va t’en guerre » (1944) comédie musicale fort drôle où Danny Kaye, dans son premier rôle, est génial et envahit littéralement l’écran. Cependant armée de très bonnes chansons, Dinah parvient quand même à sauver son épingle du jeu.En revanche, la fille aux doigts dorés (1945) avec la strip-teaseuse Gypsy Rose Lee, est un bien médiocre western musical. Les cheveux teints couleur carotte, ronronnant des romances soporifiques, Dinah n’est guère à son aise ici.

Elle chante encore une ou deux chansons dans la pluie qui chante (1946) dont the last time I saw Paris, la bio de Jérome Kern, sans s’y faire trop remarquer.En dépit de sa voix melliflue, le manque de présence à l’écran de Dinah lui sera préjudiciable pour continuer sa carrière au cinéma. On utilise néanmoins sa voix pour des dessins animés de Disney (elle chante two silhouettes dans la boîte à musique (1948)- en France doublée par Renée Lebas dont la voix ressemble un peu)


En 1951, le producteur Dore Shary propose à Dinah d’incarner la mulatre Julie dans le remake de Show boat. Sans craindre d’accréditer certaines rumeurs qui prétendent depuis le début de sa carrière que Dinah Shore est d’origine « mixte » (ce qui à l’époque était considéré comme horrible dans ce pays très raciste- on lui reprochera par la suite d’inviter trop d’artistes blacks dans ses shows télé), la chanteuse accepte d’abord la proposition. Finalement, Arthur Freed lui fait alors comprendre qu’elle avait trop de classe pour jouer le rôle qui échoira à Ava Gardner (tant mieux, car elle y est merveilleuse).Si Dinah Shore a échoué sur grand écran, par contre, elle a fait un carton total à la télévision.Son sens de la convivialité (elle envoie son fameux baiser sonore au public à la fin de chaque show), ses qualités d’animatrice lui vaudront de connaître une incroyable longévité sur ce média.

Après avoir atteint des records d’audimat dans les années 50 avec ses émissions de variété, elle se dirige ensuite vers l’animation de talk shows, et sera à l’initiative des premiers talk shows matinaux de l’histoire de la télé (l’équivalent de télématin). Dans ses programmes se côtoient le meilleur comme le pire, de David Bowie à la baronne Von Trapp, à tel point que les pires moments ont fait l’objet d’un DVD « Dinah Shore, les portes de l’enfer » avec notamment une catastrophique prestation d’Hervé Villechaize, le nain Tatou du feuilleton l’île fantastique :!


Dans les années 70, sa liaison avec Burt Reynolds (20 ans de moins qu’elle) déchaînera la presse people. Dinah Shore est décédée en 1994 d’un cancer. Son indéboulonnable présence sur les petits écrans américains en avait fait une véritable amie des téléspectateurs. Si ces films n’ont pas marqué, ses nombreux disques (notamment buttons and bow (ma guépiere et mes longs jupons » son tube tiré du film Visage pâle) valent le détour.


jeudi 26 février 2009

Mary Martin, la reine de Broadway






Les artistes d’Hollywood n’ont pas toujours réussi, loin s’en faut, à briller sur les scènes de Broadway. De même, certaines étoiles de la scène new-yorkaise ne sont pas parvenues à s’imposer sur grand écran. C’est le cas de la chanteuse et comédienne Mary Martin dont la carrière sur scène fut pourtant des plus prestigieuses.



Née en 1913 dans le Texas, elle se fait remarquer toute jeune en imitant les vedettes de la chanson et du cinéma. Mariée à 17 ans à un avocat, et maman à 18 (d’un petit Larry Hagman qui deviendra célèbre bien plus tard dans la série télé Dallas), elle ouvre une école de danse.Cependant, très vite, elle se sépare de son mari, place son fils dans une pension militaire « afin qu’il ne devienne pas une fille manquée (je cite) » (il lui en voudra beaucoup et s’en plaindra des décennies pus tard) et part pour Hollywood, où elle est plutôt mal accueillie. Elle passe des bouts d’essai auprès de plusieurs studios qui la rejettent tous au motif qu’elle n’est pas photogénique. Sollicitée par l’Universal pour donner quelques cours de danse à Danielle Darrieux pour le film la coqueluche de Paris (1938), elle est virée par la vedette française qui s’est sentie humiliée quand Mary a dansé brillamment devant tout le plateau le numéro que Danielle n’arrivait pas à apprendre. Remarquée lors d’une soirée par le célèbre compositeur Cole Porter, Mary est engagée pour un petit rôle dans l’opérette Leave it to me, aux cotés d’un Gene Kelly débutant. Le strip-tease qu’elle exécute au milieu d’eskimos, en chantant my heart belongs to Daddy (chanson qui sera reprise plus tard par Peggy Lee et évidemment Marilyn Monroe) fait d’elle une star du jour au lendemain.Immédiatement, Hollywood qui l’avait toujours rejetée la réclame. La Paramount l’engage, et pendant 4 ans, Mary Martin va paraître dans diverses comédies musicales. Tantôt maquillée comme Claudette Colbert, Rosalind Russell ou sa grande copine Janet Gaynor, on sent que le studio a du mal à lui trouver un créneau et à la mettre en valeur. Pourtant Mary est charmante et chante fort plaisamment dans les deux bons films qu’elle tourne avec Bing Crosby (Birth of the blues et Rythmn on the river) et se distingue des partenaires potiches du crooner par la finesse de son jeu et son élégante présence. Peut être justement que la jeune artiste était un peu trop douée et originale pour interpréter des rôles d’ingénues dans lesquels on cantonnait souvent les chanteuses de comédies musicales.




Sa séquence avec le Golden Gate Quartet dans « Au pays du rythme »1942, sur un air entraînant d’Harold Arlen, est peut être la meilleure d’une super production qui ne manque pas de talents. Vedette à tout prix (1941) est une plaisante parodie sur la campagne publicitaire (et la recherche de la Scarlett idéale) qui a précédé le tournage d’Autant en emporte le vent




En revanche, dans « Happy go lucky » 1943, elle est éclipsée par la turbulente Betty Hutton.En 1942, Mary épouse un décorateur. Si l’on croit les propos rapportés par Robert Cummings et Gower Champion, il semble que ce mariage arrangé pour les deux protagonistes (c’était chose fréquente à Hollywood) n’était qu’une couverture destinée à cacher l’inavouable grand amour de la vie de Mary : Janet Gaynor (comédienne très populaire au début des années 30), elle-même mariée avec un grand couturier de la MGM, Adrian.Déçue par le monde du cinéma (elle raconte dans son autobiographie, qu’elle devait se lever tôt et se faire coiffer et maquiller de bonne heure pour attendre parfois toute la journée qu’un qu’on l’appelle finalement pour un close-up, ce qui irritait sa nature impatiente), elle saute de joie quand un producteur de Broadway lui propose de jouer dans un musical du grand Kurt Weill (connu pour sa prestigieuse collaboration avec Brecht), un caprice de Vénus. La Paramount la laisse partir sans difficultés. Le succès du spectacle est à nouveau retentissant : Mary Martin est appelée à Hollywood pour jouer son propre rôle dans une séquence de Nuit et Jour, bio complètement édulcorée (et bien décevante sur un plan strictement musical) de la vie de Cole Porter. Elle y reprend avec talent son « heart belongs to Daddy » : c’est d’ailleurs le meilleur moment du film. Après avoir envisagé de la faire figurer dans une adaptation du caprice de Vénus (c’est Ava Gardner qui héritera du rôle) et dans Romance à Rio (c’est Doris Day qui décrochera le rôle), Hollywood la laisse tomber, après bouts d’essai pour des raisons invariables : pas assez photogénique !








Mary Martin tourne alors définitivement le dos à Hollywood et va devenir en quelques musicals triomphaux la vraie reine de Broadway. South pacific (1948), Peter Pan (1953) et la Mélodie du Bonheur (1959) et Hello Dolly (1964) seront des succès extraordinaires de sa prestigieuse carrière. Apparemment, Mary avait besoin du contact direct avec le public pour donner le meilleur d’elle-même, et à Broadway, elle est dans son élément. Lors de l’adaptation à l’écran de ces différents monuments, Hollywood n’envisagera même plus une seconde d’engager Mary Martin (trop âgée pour le grand écran). En revanche, ses prestations à la télévision, en live (comme son duo avec Ethel Merman dans un show de 1953) seront très populaires. En 1978, elle refuse de jouer le rôle de Miss Elie dans le feuilleton Dallas aux cotés de son fils (JR). (Ce dernier connaîtra ainsi une gloire tardive dans cette navrante mais ô combien populaire saga.) En revanche, elle joue des rôles de vielle femme dans quelques téléfilms et retrouve sa rivale Ethel Merman dans un grand show à Broadway. Dans les années 80, Mary Martin et Janet Gaynor seront très gravement blessées dans un accident de voiture. Gaynor qui ne se remettra jamais de l’accident décèdera en 1984 et Mary Martin en 1990 (d’un cancer au colon).



Si le cinéma n’a pas su exploiter le talent de Mary Martin, il est toujours agréable de visionner ses films (plusieurs sont sortis en DVD) dans lesquels on sent poindre un talent qu’elle mettra pleinement en valeur sur les plus grandes scènes de New-York. Sa voix, à la fois aérienne et parfaitement maîtrisée est également des plus agréable à écouter.

mercredi 25 février 2009

Carmen Miranda, la fille au chapeau tutti frutti




Habillée comme un arbre de Noël, coiffée d’incroyables bibis, la brésilienne Carmen Miranda est certainement un des personnages les plus kitch, les plus décalés et les plus exubérants du musical hollywoodien et de fait, l’un des plus imités et caricaturés. Mais elle a également fait connaître la samba et les rythmes de son pays au monde entier, et fait preuve d’un réel talent pour la comédie.


Née en 1908 au Portugal, la petite gamine gagne le Brésil dès l’âge d’un an. Engagée chez un modiste, elle apprend à confectionner toutes sortes de chapeaux…ce qui lui sera très utile pour le reste de sa carrière ! Attirée par le monde de la chanson, elle se fait remarquer en interprétant des tangos (très en vogue à la fin des années 20), mais très vite va évoluer vers des mélodies plus rythmées. Dès 1930, elle devient une vedette du disque dans son pays et tourne quelques films. Son style est alors bien moins caricatural que dans ses futurs films hollywoodiens : on est surpris de voir la petite chanteuse aux yeux verts, en smoking blanc et chapeau haut de forme comme Eleanor Powell. C’est en s’inspirant des coiffes des danseuses de Baia, que Carmen va petit à petit adopter un look plus coloré et exotique. Un producteur des USA de passage au Brésil la remarque et lui propose de paraître en guest star dans un grand show à Broadway. Elle accepte, à l’unique condition que son orchestre soit engagé avec elle : il faut dire qu’aux USA personne ne maîtrisait les rythmes brésiliens !

Curieusement, dès les premières interviews données aux USA, Carmen se forge un personnage de fofolle excentrique et folle des hommes en répondant des bêtises aux questions des journalistes : était ce une tactique personnelle ou un conseil de son impresario américain ? En tous les cas, même si elle ne chante qu’un medley de 6 minutes dans la revue « Rues de Paris » destinée à imposer aux USA le crooner français Jean Sablon, elle éclipse tous les autres artistes et on ne parle que d’elle. La Fox alertée par le phénomène, lui propose un rôle dans « Sous le ciel d’Argentine ». Comme elle doit parallèlement honorer son engagement à Broadway, le réalisateur viendra à New York dans un cabaret tourner les 3 séquences de Carmen Miranda : c’est le triomphe. Carmen chante le célèbre « chupeta » dont le succès ne s’est pas démenti. Le public américain l’adore d’emblée : son rythme, ses chansons, son look excentrique avec ses semelles compensées (elle était très petite) et ses chapeaux extravagants.
Tout de suite, elle est imitée (Mickey Rooney dans « Débuts à Broadway» et par la suite Jerry Lewis dans « Fais moi peur », Rita Pavone dans « Rita la moustique » etc.… on ne les compte plus !). En 1940, de retour au Brésil, Carmen entend célébrer son succès avec le public brésilien : en fait, c’est tout juste si elle ne sera pas sifflée ! A la suite d’une cabale probablement montée par l’épouse du président Getulio Vargas (qui selon la rumeur était amoureux de Carmen), la salle réserve à Carmen un accueil si glacial que la star cruellement déçue ne retournera pas de si tôt dans son pays. Dans les journaux, on lui reproche de s’être américanisée et de donner de son pays une image caricaturale et ridicule.

A la Fox, elle va enchaîner les films musicaux, aux couleurs pimpantes et bariolées. Outre ses talents pour la samba (je pense par exemple à son interprétation de rebola o bola dans Ivresse de Printemps, chantée avec une stupéfiante rapidité), et son incroyable dynamisme, Carmen est fort drôle dans les scènes de comédies, notamment Une nuit à Rio (sortie prévue en DVD en février) et Week-end à la Havane. En utilisant Miranda dans des films musicaux exotiques, Hollywood ne fait pas les choses innocemment : déjà, il essaie de fidéliser le public sud-américain (la guerre l’a privé du marché européen car les films ne sont plus exportés dans les pays occupés), d’amadouer un éventuel allié et aussi de distraire un public qui ne demande qu’à s’évader de la triste réalité (les nazis utiliseront la même technique avec des films comme Zentrale Rio, l’étoile de Rio, La Habanera).


Banana Split (1943) est probablement le film le plus célèbre de Carmen. Dans ce monument du kitsch, le génial Busby Berkeley ne manque pas d’idées pour mettre en valeur Carmen, comme dans le curieux numéro « Lady with tutti frutti hat » à la fin duquel, on la voit portant un chapeau de bananes qui s’élève jusqu’au ciel. C’est bien délirant, et bien évidemment les esprits chagrins crieront au mauvais goût. En France, où ses films sortiront à la fin du conflit, on la compare à Donald Duck : il n’empêche que sur les affiches européennes, on mise bien plus sur sa présence que sur celle d’Alice Faye, John Payne ou des autres vedettes de ses films. L’élan des américains pour Carmen va s’effondrer juste à la fin de la guerre (est-elle devenue inutile à présent ?). Alice Faye refusant de jouer le rôle principal de « Montmartre à New York », qu’elle trouve nul, à juste raison, Carmen se retrouve pour la première fois tête d’affiche et pâtira sévèrement de son bide au box office. La punition suprême lui sera infligée : un retour au film en noir et blanc, qui convient bien moins à son style, il faut bien le dire ! Carmen quitte alors la Fox. On la retrouve dans le fort drôle Copacabana (1947), avec Groucho Marx, avec lequel elle forme un couple vraiment surréaliste ! Puis dans des rôles secondaires à la MGM aux cotés de Jane Powell. Dans Ainsi sont les femmes (1948) elle chante cuanto la guta, qui sera un succès international.

A la fin des années 40, Carmen épouse son nouvel imprésario. Alcoolique et violent, il initie Carmen aux joies de la bouteille et du tabac. Très violent, il la bat comme plâtre. Déprimée par la tournure que prend son mariage, et sa carrière et toujours blessée par le dédain des brésiliens à son égard, la pauvre Carmen sombre dans la dépression.
Elle abuse des tranquillisants (et non de drogue, soit disant cachée dans ses semelles compensées comme le prétendait le fielleux « Hollywood Babylone »). Elle fait des séjours dans des hôpitaux psychiatriques où elle subit des électrochocs. Derrière l’artiste pétulante se cache une femme blessée et meurtrie. En 1953, on la retrouve dans une petite comédie marrante avec Dean Martin et Jerry Lewis, où elle apparaît bouffie et vieillie. Elle se tourne ensuite vers la télévision. Vedettes des shows de Jimmy Durante, elle est victime d’un étourdissement à la fin du tournage (en direct) d’un épisode. Elle meurt le soir (en 1955) même d’une crise cardiaque.
Le Brésil soudain pris de remords, lui fera des funérailles nationales. A juste raison : en effet, peu de stars brésiliennes ont été aussi populaires qu’elle sur le plan international. Si elle a donné une image édulcorée et kitsch de son pays, elle a certainement popularisé la samba sur la planète entière. Il existe encore à Rio un musée consacré à Carmen, avec ses incroyables tenues de scènes. Il a fallu donc attendre sa mort pour qu’elle soit réhabilitée. Pour les amateurs de films musicaux, ce tourbillon de bonne humeur et d’auto dérision est en tous les cas toujours aussi délectable.





Line Renaud, mademoiselle from Armentières




Archétype même de la jolie petite française pétillante et sexy, la chanteuse des années 50 Line Renaud a réussi à la force du poignet à bâtir une des carrières les plus enviables et les plus longues du show business français : si on peut remettre en doute ses talents de chanteuse et la qualité de son répertoire, trouver parfois son jeu de comédienne dans des séries télé formatées pour l’audimat vraiment trop forcé, on est obligé de reconnaître que cette femme de tête et de cœur a su aborder tous les virages avec beaucoup de clairvoyance et une infinie réussite. Revisitons le parcours de Mlle Renaud from Armentières to Las Vegas.
Née en 1928 dans le Nord, la jeune Jacqueline pousse la chansonnette dans l’estaminet que tient sa grand-mère. Pendant la guerre, grâce à un concours de chant, elle devient chanteuse à la radio. Fan de Loulou Gasté, ex collégien de l’orchestre de Ray Ventura, et auteur des derniers tubes de Léo Marjane, elle parvient à rencontrer son idole et devient rapidement sa compagne puis son épouse. Plutôt que les chansons bluesy de Marjane, Loulou lui concocte un répertoire sentimental et bon enfant. Elle n’a pas une voix extraordinaire et parait bien fade par rapport aux grandes dames de la chanson française de l’époque (Piaf, Lucienne Delyle, Jacqueline François, Yvette Giraud…), mais justement comme elle chante comme tout le monde, elle est très facilement adoptée dans les foyers où l’on reprend ses refrains (ma cabane au canada, son premier tube, étoile des neiges, où vas-tu Basile) sans difficulté. Dès 1946, elle est engagée au cinéma, pour de petits rôles chantés. Elle vient promouvoir ses derniers succès dans des films à chansons comme Paris chante toujours (1950) ou la route du bonheur (1952) dans lesquels paraissent toutes les vedettes de la chanson française de Luis Mariano à Yves Montand. On le voit aussi dans Quitte ou double, avec le célèbre homme de radio Zappy Max. Ce sont de petits films sympathiques à réserver aux amateurs de variétés de jadis.

Occasionnellement, Line tient également la vedette de comédies plus ou moins musicales, destinées à un public populaire pour ne pas dire « campagnard » notamment « ils sont dans les vignes » (dans lequel elle chante le jupon de Lison) ou l’affligeante « Madelon »1955. Ce film de Jean Boyer, basé sur la fameuse chanson, remportera d’ailleurs un gros succès tout à fait immérité. Mis à part une reprise assez réussie de la fameuse chanson, tout y est médiocre et plan-plan, même les l’interprétation de comptines d’autrefois par Line. Très bien managée par l’infatigable Loulou, Line participe à des shows à la radio anglaise puis tente sa chance aux USA. La jolie petite française (elle force beaucoup sur son accent dans ses enregistrements anglais) renvoie aux américains l’image de la française telle qu’ils l’imaginent : sexy, pas forcément intelligente. Elle chante en duo avec Dean Martin « relaxez vous »

.La Warner Bros lui propose alors un contrat de 7 ans pour jouer dans des comédies musicales…et elle le refuse. A posteriori, Line déclare que si elle avait accepté elle serait devenue à présent une vieille star, certes fortunée mais has been et finissant sa vie toute seule dans une luxueuse villa.
De retour en France, Line continue d’aligner les succès discographiques (le plus souvent des adaptations de tubes américains de Patti Page) et tourne dans une comédie policière, avec chansons, plutôt médiocre « mlle et son gang »1957, aux dialogues 100% en argot ! Cela dit, elle ne s’en sort pas mal.

En 1959, on la retrouve dans un musical allemand dont la vedette est Germaine Damar : « sur la piste de rock n roll » : Moulée dans une robe rouge, elle multiplie les « oh la la », « c’est la vie » et « chéri » dans son rôle de française allumeuse complètement stéréotypé.
Au début des années 60, la nouvelle vague de chanteurs yéyé va complètement (et injustement) balayer les chanteurs de la génération précédente. Consciente de la nécessité de changer de cap, Line se tourne vers la revue et triomphe pendant toutes les années 60 et 70 à Paris et Las Vegas. Brocardée par Thierry Le Luron qui renvoie d’elle l’image d’une centenaire titubante, à la voix chevrotante, descendant le grand escalier du Casino de Paris, Line se rend compte qu’il est temps pour elle d’évoluer et de revenir à la comédie, d’abord sur les planches (notamment dans pleins feux, inspiré d’All about Eve, où elle joue avec aplomb le personnage de monstre sacré qu’a immortalisé Bette Davis), puis dans de nombreux films et téléfilms.
Je suis un peu étonné par l’enthousiasme des critiques et des interviewers qui louent ses interprétations. En fait, Line est très inégale : parfois, elle parvient à éclipser une distribution prestigieuse, et peut également être particulièrement exécrable quand elle est mal dirigée. Les téléfilms à grand public qu’elle aligne depuis 20 ans à la télé sont de qualité parfois douteuse, et j’avoue que j’ai tendance à zapper quand je la vois en vedette dans un feuilleton. Cela n’ôte en rien les qualités de cœur incontestables de cette femme courageuse, qui a tant oeuvré pour la lutte contre le SIDA. Mais comme le remarque Nicole Courcel, « il n’y a plus de rôles importants de femmes de 70 ans disponibles à la télévision ; ils sont tous accaparés par Line Renaud ». Il est vrai que ses relations privilégiées avec l’Elysée (elle considère Claude Chirac comme sa fille) et avec tout un clan du show business actuel (sa grande copine Muriel Robin en tête) lui ont peut être été d’un certain secours.
En tout état de cause, on ne peut que saluer la volonté et le professionnalisme de cette femme chaleureuse, à la présence indéniable.
Si Line a chanté occasionnellement dans certaines séries (un téléfilm avec Valérie Kaprisky ou la série américaine Ricky ou la belle vie), il n’est pas impossible qu’elle figure un jour dans un film musical comme elle a pu en tourner autrefois…néanmoins, c’est devenu tellement rare en France.